Ephéméride |Saverio Rondina [10 Janvier]

10 janvier 1893

L’Osservatore Romano, organe officiel du Vatican, publie un article violemment antisémite du père jésuite Saverio Rondina.

 » La nation juive ne travaille pas mais exploite la propriété et le travail d’autrui ; elle ne produit pas mais vit et s’engraisse grâce à l’art et l’industrie des nations qui l’accueillent. Il s’agit d’une pieuvre gigantesque dont les immenses tentacules enveloppent tout. La banque lui sert d’estomac […] et ses ventouses se posent partout : sur les affaires, les monopoles […] la poste et le télégraphe, la navigation maritime, les chemins de fer, la trésorerie des villes et les finances de l’État. Elle représente l’empire du capital […] l’aristocratie de l’argent […] Elle règne sans entrave. […] Les Juifs ont profité de la proclamation de la liberté religieuse et de la citoyenneté qui leur a été concédée pour […] devenir nos maîtres. En fait aujourd’hui, c’est la bourse qui a le contrôle politique et elle est aux mains des Juifs. C’est la franc-maçonnerie qui gouverne et ce sont les Juifs qui la dirigent. C’est la presse qui façonne et refaçonne l’opinion publique et ce sont les Juifs qui, pour l’essentiel, l’inspirent et la subventionnent. » écrit-il.

Une telle prise de position était loin d’être isolée.
Pour le P. Giuseppe Oreglia di Santo Stefano, l’un des fondateurs et directeur de 1865 à 1868, du journal jésuite Civilta cattolica, considéré comme un porte-parole officieux de Vatican:
Les Juifs […] ont toujours bénéficié de la mansuétude de l’Église et tout particulièrement de ses papes. Ils vivaient heureux dans leurs ghettos, ce qui permettait aux chrétiens, ainsi protégés, de vivre également en paix. Le fait que les Juifs, sur les territoires du pape, n’avaient pas accès à la propriété et ne pouvaient exercer que les métiers les plus humbles les empêchait de s’enrichir tout en « leur évitant d’être l’objet d’un trop grand mépris »
L’histoire avait montré, écrivait le jésuite, que, « si on accordait trop de liberté à cette race étrangère, les Juifs se transformaient immédiatement en persécuteurs, oppresseurs, tyrans, voleurs et destructeurs des pays qui les accueillaient ».
La leçon était claire : il fallait introduire des lois spéciales maintenant les Juifs à leur place si l’on voulait protéger la société chrétienne de l’hostilité qu’ils manifestaient « contre toute société humaine qui n’appartenait pas à leur race ». Loin de persécuter les Juifs, cette législation avait pour but de les empêcher de persécuter les chrétiens.
Hélas, se lamentait Oreglia, les peuples avaient négligé les enseignements de l’Église et commençaient à le regretter : « Les Juifs – ces enfants à jamais insolents, obstinés, sales, voleurs, menteurs, de la plus profonde ignorance, fléau et calamité de ceux qui les approchent de près ou de loin – […] ont abusé immédiatement [de leur nouvelle liberté] pour entraver celle des autres. Ils se sont arrangés pour mettre la main sur […] toute la richesse publique […] et prendre le contrôle sur pratiquement l’ensemble de la finance […] mais également sur la législation des pays qui leur ont permis d’occuper des responsabilités publiques.»

En 1892, un article de l’Osservatore romano, s’inquiétait du sentiment de sympathie croissante envers les Juifs que les pogroms avaient suscité. Cet engouement pour les Juifs suite aux débordements de violence n’était-il qu’une coïncidence ? demandait l’auteur de l’article. Non, concluait-il. C’était le résultat d’une manoeuvre organisée par les Juifs eux-mêmes.
Se voyant sur le point d’être sérieusement attaqué par l’opinion publique et la population en général, le judaïsme […] provoque des manifestations hostiles […] afin que les peuples sympathisent avec les victimes et oublient qui sont les véritables persécuteurs.

En 1928, Mgr Achille Ratti, le futur pape Pie XI, qui fut délégué pontifical et nonce en Pologne entre 1918 et 1921, écrivait dans un rapport sur la Pologne pour la Secrétairerie d’état du Vatican:
« L’une des influences les plus fortes et les plus néfastes que l’on perçoit ici, peut-être la plus puissante et la plus pernicieuse, est celle des Juifs […]
Les Juifs en Pologne […] sont, contrairement à ceux qui habitent le reste du monde civilisé, un élément improductif. C’est une race de marchands par excellence […] elle se compose de petits commerçants, d’intermédiaires et d’usuriers, pour être précis, ils sont les trois simultanément, vivant de l’exploitation de la population chrétienne. Le jargon que les Juifs parlent en Pologne n’est qu’un dialecte allemand [a permis aux juifs de profiter de la situation et à l’espionnage allemand d’être] assuré exclusivement par des Juifs. »
Et de poursuivre, à propos du pogrom perpétré par des troupes polonaises contre la population juive de Lvov en novembre 1918:
« Nous devons souligner le rôle des juifs dans le mouvement bolcheviste. Nous ne voulons point prétendre que chaque juif soit par cela même bolcheviste. Loin de là. Nous ne pouvons toutefois ne pas constater le rôle prépondérant que jouent les juifs dans ce mouvement, tout aussi bien parmi les communistes polonais qu’en Russie, où, à l’exception de Lénine, tous les chefs et tous les bolchevistes de marque […] sont des juifs polonais ou lithuaniens. »

Au fond, pour l’Eglise, les débordements chrétiens contre les Juifs, certes parfois excessifs, ne faisaient qu’exprimer une juste colère et un réflexe d’auto-défense bien naturel.

La revue Civilta cattolica avait poussé l’antisémitisme si loin que les fascistes eux-mêmes en étaient impressionnés.

« Nous confessons que, dans le plan comme dans l’exécu­tion, le fascisme est très inférieur à la rigueur de la Civiltà Cattolica […]. Les États et les sociétés modernes, y compris les nations les plus saines et les plus courageuses d’Europe, l’Italie et l’Allemagne, ont encore beaucoup à apprendre des pères de la Compagnie de Jésus. » Ecrivait le journal fasciste Il Regime fascista du 30 août 1938.

Comme on voit, si l’Eglise a effectué depuis Vatican II, un virage remarquable, fait son « mea culpa » et rejeté l’enseignement du mépris et l’accusation de « peuple déicide », on ne peut surestimer son rôle fatal dans la préparation des esprits à la destruction des Juifs d’Europe, au cours des décennies qui l’ont précédée.

(Illustration: Notre-Dame-de-Paris, la Synagogue)

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