Ephéméride | »Bugsy » [19 Mars]

19 mars 1933

L’état du Nevada légalise le jeu. Selon la légende, c’est le gangster juif new-yorkais Benjamin Siegelbaum, dit « Bugsy » Siegel qui, en y lançant le premier casino de luxe, fit de Las Vegas la capitale du jeu.

Siegel nait le 28 février 1906 à Williamsburg (Brooklyn) dans une famille de Juifs originaires de Podolie, dans l’empire tsariste, qui avaient immigré aux États-Unis en 1903 et s’étaient, comme tant d’autres, installés dans le Lower East Side de Manhattan.
La famille était pauvre et, Benjamin, le second de cinq enfants, était décidé à sortir de leur condition par n’importe quels moyens.
Il quitte très vite l’école et rejoint un gang sur Lafayette Street dans le Lower East Side. Il commet surtout des vols jusqu’à ce qu’il rencontre Moe Sedway. Avec Sedway, il monte un racket de protection des marchands ambulants contraints de payer un dollar s’ils ne veulent pas qu’il soit mis feu à leur marchandise.
Son casier judiciaire pour ses années d’adolescence mentionne le vol à main armée, le viol et le meurtre.

Encore adolescent, il fait la connaissance et se lie d’amitié avec le futur patron du crime, Meyer Lansky. Ensemble, ils fondent le gang « Bugs et Meyer », un gang qui se développe dans le vol, le jeu et le meurtre.
Avec l’arrivée de la prohibition, le groupe s’allie au truand Arnold Rothstein pour établir une entreprise lucrative d’alcool de contrebande le long de la côte Est.
Le jeune Siegel affiche sa nouvelle fortune en portant des vêtements coûteux et en fréquentant les discothèques de luxe. En 1931, il est assez riche pour se payer un appartement dans les tours du Waldorf Astoria de Manhattan.

Dès l’adolescence, son caractère violent fait dire à ses amis qu’il est «fou comme une punaise» (bug). Beaucoup commencent à l’appeler «Bugsy» ou «Bugs», mais le jeune gangster déteste ce surnom et menace quiconque l’utilise. « Mes amis m’appellent Ben, » dit-il, « les étrangers m’appellent Mr. Siegel, et les gars que je n’aime pas m’appellent Bugsy, mais pas en face. »

La réputation criminelle de Siegel est imprégnée de mythes et de légendes, mais il existe des preuves de sa participation à une douzaine de meurtres au cours de son ascension dans les années 1920 et 1930.
On raconte qu’un assassin ayant tenté de l’éliminer jetant une bombe par une cheminée, Siegel blessé s’est se fait admettre à l’hôpital, puis se faufile dehors, abat l’homme, puis retourne dans sa chambre avec un alibi parfait.
Il aurait également été l’un des hommes qui abattirent le gangster sicilien Giuseppe « Joe le Patron » Masseria en 1931, et aurait été très lié à Lucky Luciano et la tristement célèbre « Murder, Inc », un syndicat de tueurs à gages qui exécutaient des « contrats » pour les mafias italiennes et juives.

Au milieu des années 1930, Siegel déménage de New York à Los Angeles et crée un nouvel empire criminel sur la côte ouest. En plus de tâter les jeux de hasard, les services de transfert de fonds télégraphiques et la drogue – on le soupçonne d’avoir participé à l’établissement de la filière de la drogue entre le Mexique et les États-Unis – il devient un incontournable de la vie mondaine hollywoodienne.
Son personnage de dur et son physique de star de cinéma s’avérent irrésistibles pour les vedettes, et il côtoie Cary Grant, Frank Sinatra et la blonde Jean Harlow, qui devient la marraine officieuse de sa fille.
Des amis diront plus tard que Siegel nourrissait le désir secret de devenir acteur. Il visite fréquemment des plateaux de tournage d’Hollywood et organisait même une fois une audition pour lui.

La réputation de Siegel comme gangster des célébrités atteint de nouveaux sommets en 1938, quand il rejoint une bande d’aristocrates hollywoodiens pour une étrange excursion en goélette au large des côtes du Costa Rica.
Attirés par des informations sur des trésors enfouis, Siegel et ses compagnons de voyage font voile vers l’île reculée de Cocos reculée et passent plusieurs jours à creuser, forer et même dynamiter des collines dans une recherche infructueuse.
Les chasseurs de trésor reviennent les mains vides, et le bateau doit être remorqué vers le Mexique pour être réparé après avoir été ravagé par une tempête et laissé à la dérive. Les journalistes se jettent sur l’histoire du « navire infernal » après le retour de Siegel en Californie. Certains affirment que l’expédition s’est terminée par une mutinerie de l’équipage. D’autres, qu’il s’agissait d’une couverture pour une opération de contrebande de drogue.

Siegel a été arrêté pour tous les motifs possibles: de la possession de stupéfiants et d’armes à feu au meurtre et au viol, mais il n’a été reconnu coupable que de deux infractions mineures: « jeu et vagabondage » en 1930 et « pari illégal sur un cheval » en 1944.
Dans les deux cas, il sort libre après avoir payé une amende. Ses désagréments les plus sérieux avec la loi interviennent en 1941, lorsqu’il est arrêté pour le meurtre d’un personnage de la pègre, Harry Greenberg.
Il est incarcéré quelque temps, mais les accusations sont abandonnées après que le témoin-clé de l’accusation soit mort dans des circonstances mystérieuses. Toutefois, Siegel reste un suspect, soumis à une surveillance poussée du FBI, jusque dans les années précédant sa mort.

Le plus étrange chapitre de la carrière de Siegel se déroule en 1939, quand il s’associe avec une mondaine d’Hollywood dénommée Comtesse Dorothy di Frasso pour un plan de livraison d’armes au gouvernement italien fasciste.
Selon l’historien Larry Gragg, le marché concernait sur un nouvel explosif appelé atomite, qui était censé être plus puissant que la dynamite.
Siegel et la comtesse espèrent obtenir un contrat pour le vendre au dictateur Benito Mussolini, mais leur plan part en fumée lorsque l’atomite ne réussit pas à impressionner au cours d’une démonstration.
Avant leur départ de Rome, ils auraient croisé Göring, le numéro deux d’Adolf Hitler, qui était en ville pour une audience avec Mussolini. Siegel lâchera plus tard qu’il aurait souhaité avoir assassiné le nazi quand il en avait eu l’opportunité.

En 1946, Siegel tente de passer du statut de gangster à celui de magnat de l’immobilier en reprenant la construction en panne d’un hôtel et casino de Las Vegas, connu sous le nom de Flamingo. Avec le soutien financier de son vieux copain Meyer Lansky et de plusieurs autres personnages du milieu, il finit par dépenser 6 millions de dollars, transformant le Flamingo en l’un des ensembles les plus somptueux du « Strip » de Las Vegas.
Le projet pharaonique perd de l’argent au cours de ses premiers mois d’activité, mais les affaires se redressent ensuite dans les mois précédant le meurtre de Siegel en juin 1947, et le Flamingo devient la première base de la mafia à Las Vegas.
Les légendes urbaines et les représentations fictives ont depuis lors présenté Siegel comme un visionnaire qui a inventé le Las Vegas moderne. Mais s’il a peut-être ajouté une dose de paillettes et de glamour à « la ville du péché », il y avait déjà plusieurs casinos et hôtels en fonctionnement au moment de son arrivée. « Ben Siegel n’a pas inventé le casino-hôtel luxueux », écrit Robert Lacey, biographe de Meyer Lansky. « Il n’a pas découvert le Strip de Las Vegas. Il n’a pas acheté le terrain ou conçu en premier le projet qui est devenu le Flamingo. Mais sa mort les a tous rendus célèbres. »

Dans la soirée du 20 juin 1947, Siegel lit un journal dans la maison de sa petite amie à Beverly Hills, quand un homme armé tire neuf coups de feu par la fenêtre avec une carabine de calibre .30. Siegel est atteint par quatre balles, dont l’une lui arrache un oeil, et il meurt sur le coup.
C’est une exécution de gangster classique, mais malgré un cirque médiatique et une vaste enquête policière, le motif précis du meurtre n’a jamais été confirmé. La plupart des chercheurs pensent que les associés criminels de Siegel en avaient assez des dépenses exorbitantes pour le Flamingo, tandis que d’autres disent qu’il était soupçonné de prendre de l’argent dans la caisse du projet de construction. D’autres théories évoquent une bataille pour le contrôle du service des courses hippiques, que Siegel détenait, ou même que Siegel était impliqué dans un ménage à trois avec sa petite amie et un autre gangster.
L’identité du tireur est également enveloppée de mystère. Les truands Frankie Carbo et Eddie Cannizarro figurent parmi les principaux suspects, mais le dossier reste ouvert jusqu’à ce jour.

Le cinéma et la télévision se sont évidemment emparés du personnage.
Le film « Bugsy » de Barry Levinson (Good Morning Vietnam, Rain Man) reprend la légende de Siegel, fondateur de Las Vegas, avec Warren Beatty dans le rôle titre, Annette Bening et Harvey Keitel.