28 mars 1921
Naissance de Jerzy Bielecki, Juste parmi les Nations, un des rares évadés d’Auschwitz.
Jerzy Bielecki (28 mars 1921 – 20 octobre 2011, Nowy Targ) était un travailleur social catholique polonais, connu comme l’un des rares détenus du camp de concentration d’Auschwitz qui réussit à s’en échapper avec succès. Avec l’aide d’autres membres de la résistance dans le camp, il s’évada en 1944 avec sa petite amie juive, qui était détenue à Auschwitz II.
Bielecki naquit en 1921 à Słaboszów, en Pologne.
Encore élève au lycée de Cracovie, il décida, au début de la Seconde Guerre mondiale, de rejoindre l’armée polonaise à l’Ouest (unités composées de volontaires fidèles au gouvernement polonais en exil, formées en France, puis en Angleterre).
Alors qu’il traversait la frontière avec la Hongrie le 7 mai 1940, pour tenter de rejoindre l’armée polonaise stationnée en France, il fut arrêté par la Gestapo sur le soupçon erroné d’être un combattant de la résistance.
Un mois plus tard, le 14 juin 1940, il fut envoyé au nouveau camp de concentration d’Auschwitz avec le premier transport de 728 prisonniers politiques polonais. (Son numéro de camp de concentration était 243).
Sa connaissance décente de la langue allemande lui permit de travailler, entre autres, dans un entrepôt de grains à Babice (futur sous-camp d’Auschwitz, allemand: Wirtschaftshof Babitz) en tant que commis, où il eut occasionnellement accès à des suppléments de nourriture et put entrer en contact avec la résistance anti-nazie polonaise, l’Armée de l’Intérieur.
Affecté à un Arbeitskommando à Auschwitz, Bielecki rencontra Cyla Cybulska dans un entrepôt de grains, où elle faisait partie d’une équipe de femmes chargées de réparer les sacs de jute.
Détenue juive d’Auschwitz-Birkenau (Auschwitz II) depuis le 19 janvier 1943, (numéro 29558), elle avait été déportée du ghetto de Zambrów.
Malgré l’interdiction faite aux hommes et aux femmes de se parler, ils échangeaient tous les jours quelques mots et tombèrent amoureux.
La famille de Cyla avait déjà été assassinée.
Bielecki lui promit qu’ils survivraient tous les deux à l’épreuve.
Petit à petit, il réussit à rassembler secrètement les fournitures nécessaires pour une évasion.
Le 21 juillet 1944, ils réussirent à traverser ensemble les portes du camp à l’aide d’un faux laisser-passer préparé par Bielecki.
Il était vêtu d’un uniforme SS, assemblé à partir de pièces d’uniformes allemands portant l’insigne des Rottenführer, volées par Tadeusz Srogi (numéro 178, un ami qu’il s’était fait pendant le transfert au camp), qui avait également fourni le formulaire pour le laissez-passer.
A plusieurs moments, Cyla voulut abandonner, mais Bielecki l’encouragea et la soutint, lui promettant qu’ils survivraient tous les deux à l’épreuve.
Jerzy et Cyla marchèrent à travers champs pendant dix jours.
Cybulska fut d’abord cachée dans la maison de l’oncle de Bielecki à Przemęczany, où vivait aussi la mère de Bielecki, et plus tard chez des amis, la famille Czernik, dans le village voisin de Gruszów. Ils la traitèrent comme leur propre fille.
Bielecki lui-même rejoignit l’Armée de l’Intérieur. Vers la fin de la guerre, lui et Cyla se séparèrent dans l’espoir de mieux éviter ainsi d’être repris. Ils prévoyaient de se retrouver après la guerre.
Bielecki se cacha à Cracovie.
Après la libération de Cracovie par l’armée soviétique en janvier 1945, Bielecki quitta sa cachette dans la ville et fit les 40 kilomètres de routes enneigées jusqu’à la ferme pour retrouver Cyla. Mais il arriva quatre jours trop tard. Cybulska, ne sachant pas que l’endroit où elle était cachée avait été libérée trois semaines avant Cracovie, renonça à l’attendre, certaine que son « Juracek » était soit mort, soit avait renoncé à leurs plans.
Elle prit un train pour Varsovie, avec le projet de retrouver un oncle émigré aux États-Unis. Dans le train, elle rencontra un Juif, David Zacharowitz, une relation se noua entre eux et finalement ils se marièrent. Ils partirent pour la Suède, puis pour New York chez l’oncle de Cybulska, qui les aida à ouvrir une bijouterie. Zacharowitz mourut en 1975.
En Pologne, Bielecki finit par fonder une famille et travailla comme directeur d’une école de mécanique automobile. Il n’avait aucune nouvelle de Cybulska et n’avait aucun moyen de la retrouver.
Cyla fut informée qu’il avait été tué pendant l’opération Tempête, l’insurrection déclenchée par la résistance polonaise avant l’arrivée de l’Armée rouge.
Jerzy, de son côté, reçut la nouvelle qu’elle avait quitté le pays et qu’elle était morte en Suède.
Ce n’est qu’en mai 1983, à New York, que Cybulska apprit par accident que Bielecki était toujours en vie, lorsqu’une Polonaise qui faisait le ménage dans l’appartement mentionna un documentaire dans lequel elle avait entendu raconter leur histoire.
Cyla obtint son numéro de téléphone et le couple se rencontra le mois suivant en Pologne, le 8 juin 1983, pour la première fois depuis la fin de la guerre.
Elle lui rendit visite à plusieurs reprises en Pologne, et ils visitèrent ensemble le mémorial d’Auschwitz, la famille de fermiers qui l’avait cachée, et d’autres endroits, séjournant ensemble dans des hôtels.
« L’amour a commencé à revenir », déclara Bielecki. « Cyla me disait: « Laisse ta femme, viens avec moi en Amérique », rappellait-il. Elle a beaucoup pleuré quand je lui ai dit: Regarde, j’ai d’aussi beaux enfants. … Comment pourrais-je faire ça? »
Elle retourna à New York et lui écrivit: « Jurek, je ne reviendrai plus ».
Ils ne se revirent jamais et elle ne répondit pas à ses lettres.
Elle décéda en 2005.
Après la guerre, Bielecki avait co-fondé et était devenu président honoraire de l’association chrétienne des familles d’Auschwitz.
En 1985, Il fut inscrit sur la liste des Justes parmi les Nations et devint citoyen honoraire d’Israël.
Il mourut le 20 octobre 2011 à Nowy Targ.
