Ephéméride |Marlon Brando [3 Avril]

3 avril 1924

Naissance de Marlon Brando.

Rassurez-vous, je ne vais pas tenter de vous convaincre que Marlon Brando était juif. Mais c’était un fidèle compagnon de route.
Témoin, ce récit d’un seder partagé avec un des ses fidèles amis, Louie Kemp.

« Vous vous souvenez peut-être de lui dans la peau de Don Vito Corleone, de Stanley Kowalski ou du sinistre Walter E. Kurtz dans « Apocalypse Now », mais moi, je me souviens de Marlon Brando comme d’un mentsh et d’un ami personnel du peuple juif quand il en avait le plus besoin.

J’ai connu Marlon il y a environ 30 ans grâce à un ami commun. Son fils, Christian, était venu travailler pour moi dans les pêcheries que je possédais en Alaska et au Minnesota. Marlon m’impressionna en parent dévoué. Il m’appelait souvent pour surveiller son garçon avec toute la ténacité et l’amour d’une mère juive: mangeait-il assez? Était-il à l’heure au travail? Est-ce qu’il sortait avec les bonnes personnes?

Christian était un bon gamin. Il travaillait dur, avait une bonne attitude et méritait le respect de tous ses collègues.

Au milieu des années 70, lorsque je me rendais à Los Angeles depuis ma maison du Minnesota, Marlon et moi nous retrouvions. Je commençais à m’impliquer de plus en plus dans ma religion et il me parlait avec beaucoup de fierté et de satisfaction de son soutien à Israël avant même qu’il ne devienne un état. Marlon me raconta qu’en 1946, deux ans avant qu’Israël obtienne son indépendance, il pensait de toutes ses forces que les survivants de l’Holocauste méritaient d’avoir leur propre terre où ils pourraient vivre libres de l’oppression et de la tyrannie antisémite du monde extérieur.

Joignant le geste à la parole, Marlon fit don de tous les bénéfices de la pièce « A flag is born » (Un drapeau est né) (1) à l’Irgoun, un groupe politique sioniste voué au sauvetage des Juifs européens et à la création d’Israël en tant que nation souveraine indépendante. Il continua de faire des dons et du bénévolat pendant les deux années où la pièce fut jouée, de Broadway aux tournées à travers les États-Unis.

« Un peuple qui s’est tant battu pour survivre a besoin et mérite sa propre terre », me disait-il. « J’ai fait tout ce que je pouvais et j’ai soutenu activement l’Etat d’Israël par tous les moyens dont je disposais. »

Marlon m’a également raconté avec émotion que son succès au théâtre et au cinéma était en grande partie dû aux Juifs de New York qui s’étaient liés d’amitié avec lui et lui avaient enseigné. Il mentionna chaleureusement Stella Adler, la légendaire professeure de théâtre qui enseigna à Marlon son métier et l’hébergea dans sa famille alors qu’il faisait ses premiers pas d’acteur. Il était également particulièrement fier de pouvoir converser en yiddish, l’ayant appris en vivant avec sa famille.

Une de mes visites à Los Angeles coïncida avec Pessakh. Je n’étais pas encore orthodoxe et je prévoyais d’assister à un seder dans une synagogue locale avec ma sœur. Marlon m’appela le jour même pour m’inviter à dîner. Je refusai poliment, expliquant que c’était Pessakh et que je participais à un seder. Marlon devint tout excité au téléphone et me dit: « Pessakh – j’ai toujours voulu assister à un seder. Puis-je venir aussi? » Il m’avait fait une proposition que je ne pouvais pas refuser. Je lui dit que cela pourrait être arrangé et j’appelai la synagogue pour ajouter un autre invité à notre liste.

Peu de temps après, Marlon me rappela et me demanda s’il pouvait amener un ami. J’ai dit, oui, bien sûr, sans penser à demander le nom de son ami. J’appelai la shul à nouveau. Ils furent un peu moins patients cette fois-ci et me dirent de mauvaise grâce qu’ils pourraient faire entrer une personne de plus, mais que c’était absolument la dernière, car ils étaient maintenant complets.

Encore plus tard ce jour-là, je reçus un appel d’un ami d’enfance qui était devenu un chanteur / compositeur bien connu. Étant juif lui-même, et apprenant que j’allais à un seder, il demanda si lui et sa femme pourraient nous accompagner. La shul fut mécontente de ma dernière demande, mais d’une façon ou d’une autre je réussi à adouci le cœur de la réceptionniste et elle accepta de laisser aller mon peuple…. au seder.

Je n’oublierai jamais l’allure de notre table dans la synagogue, Marlon Brando était à ma gauche et assis à côté de lui était son invité. C’était au plus fort de l’engagement de Marlon dans les causes amérindiennes et il avait amené avec lui le célèbre activiste indien Dennis Banks de Wounded Knee. Banks était vêtu d’une tenue indienne complète: les franges en peau de daim sur ses vêtements et de longues tresses sortant du bandeau, qui arborait une plume. Mon ami d’enfance Bob Dylan était assis à ma droite, rejoint par sa femme, ma sœur Sharon et d’autres amis.

Au début, le seder progressa normalement sans que personne dans la synagogue ne remarque quoi que ce soit d’inhabituel. Après environ 45 minutes, le rabbin s’aperçut que notre table n’était pas une table de seder ordinaire. « M. Brando, pourriez-vous s’il vous plaît nous faire l’honneur de lire le prochain passage de la haggadah « , dit-il. Marlon déclara: « Ce serait un plaisir. »

Arborant un large sourire, il se leva et déclama le passage de la haggadah comme s’il lisait du Shakespeare à Broadway. Les mâchoires tombèrent et les yeux se concentrèrent sur l’orateur avec une intensité que tout rabbin envierait. Quand il eut terminé, je pense que les gens firent une pause, se demandant s’ils devaient applaudir.

Un peu plus tard, le rabbin s’approcha d’un autre membre de notre table.

« M. Dylan, nous feriez-vous l’honneur de nous chanter une chanson? » Le rabbin sortit une guitare acoustique. Je pensai qu’il refuserait poliment. À ma grande surprise, Bob dit oui et interpréta de manière impromptue « Blowin ‘in the Wind » à la stupéfaction des 300 participants au seder de la Shul. L’incongruité d’un seder, avec Marlon Brando lisant la haggadah suivi d’une sérénade de Bob Dylan, aurait fait un bon film de Fellini. Inutile de dire que tout le monde était à la fois choqué et ravi par ce miracle inhabituel de Pessakh à la Hollywood. Toute la shul vint serrer les mains de Marlon et Bob et ils firent une pause et passèrent du temps avec tout le monde.

Il y a quelques années à peine, Marlon m’appela au Minnesota, à l’improviste. Nous avions gardé le contact à travers les épreuves et les tribulations qu’il traversait avec sa famille. « Louie Kemp, » dit-il, « j’ai pensé à toi. Il y a vingt ans tu m’as emmené dans un seder. Je veux que tu saches que j’y pense encore aujourd’hui. En fait, j’y pensais aujourd’hui et c’est pour ça que je t’ai appelé.

Il continua à me remercier et à me dire quel impact spirituel spécial le seder avait eu sur lui et combien il s’était identifié à un peuple se libérant de l’esclavage et se réunissant pour célébrer et se souvenir de cette liberté.

Il me dit qu’il envoyait ses trois plus jeunes enfants à une école juive à Los Angeles. Quand je lui demandai pourquoi, il dit: « Louie, tu ne sais pas que les écoles juives sont les meilleures? » Je pouvais presque l’entendre sourire au téléphone.

Marlon Brando est décédé le 1er juillet 2004.