20 juin 1996
Décès à Great Neck, Long Island, New York, de Joseph Green, né Yoysef Grinberg, un des principaux réalisateurs de films yiddish.
Joseph Green, qui jouait un petit rôle dans le premier film parlant, « The Jazz Singer », se lança dans une carrière cinématographique qui inaugura l’âge d’or du cinéma yiddish.
Travaillant à un rythme fiévreux à l’ombre du nazisme, Joseph Green, fut durant trois ans en Pologne, le producteur et le co-réalisateur de quatre longs métrages qui ont porté le cinéma yiddish aux sommets populaires et artistiques des deux côtés de l’Atlantique. Ces films survivent comme un testament en celluloïd sur la vie dans le shtetl à la veille de la Shoah.
Green, quitta sa Pologne natale pour les États-Unis avec une compagnie de théâtre yiddish en 1924. Il n’a pas inventé le cinéma yiddish dont les débuts remontent jusqu’à 1911. Mais, selon les historiens du cinéma, il élimina le « schmaltz » et les stéréotypes de premiers films pour créer des productions professionnelles élaborées présentant un attrait pour le grand public.
Ses films étaient remarquables pour la pureté du yiddish et la qualité du jeu, écrit Eric A. Goldman dans « Visions, Images an Dreams: Yiddish Film Past and Present ». Les bandes-son de ses films étaient également mémorables, et devinrent des airs folkloriques joués lors des mariages juifs, a déclaré Jim Hoberman, auteur de « Bridge of Light: Yiddish Film Between Two Worlds ».
« C’était une personnalité puissante », selon Hoberman, un critique du « Village Voice ». « Il n’était certainement pas timide et avait un grand sens de sa propre importance. »
Le premier de ses films, « Yiddl Mitn Fidl » (« Yiddle et son violon »), une comédie musicale réalisée en sept semaines en 1935 pour ce qui était alors un budget considérable d’environ 60 000 $, avec Molly Picon en vedette, racontait l’histoire coquine d’une jeune femme qui se déguise en homme pour faire partie d’une troupe de musiciens klezmer itinérants en Pologne. Acclamé comme premier succès international yiddish, il attira de grandes foules à l’Ambassador Theatre de Broadway et fut même montré au public juif à Berlin en 1938.
Il poursuivit avec « Der Purimspiler » (« Le Bouffon ») en 1937, et deux films en 1938, « Mamele » (« Petite Mère »), également avec Molly Picon, et « A Brievele der Mamen » (« Une petite lettre à la mère »).
« Nous avons fait trois films, l’un à la suite de l’autre », expliqua-t-il à Roberta Elliott pour un article dans le « Jewish Week » en 1985. « Pendant près de 12 mois, nous ne sommes pas sortis du studio – le temps filait. Il enregistrer sur film autant que nous le pouvions de cette vie charmante et créative en Pologne. »
Joseph Green naquit Joseph Greenberg à Lodz, en Pologne, le 23 avril 1900. Selon les archives du Centre national pour le cinéma juif, il étudia l’art dramatique dans la Varsovie occupée par les Allemands pendant la Première Guerre mondiale, puis s’installa à Berlin, où il rejoignit une troupe issue de la célèbre troupe de Vilna, une compagnie de théâtre yiddish qui l’amena aux États-Unis.
En 1927, il partit pour Hollywood avec l’équipe d’acteurs de Rudolph et Joseph Schildkraut et atterrit dans un petit rôle dans « The Jazz Singer » avec Al Jolson. L’expérience lui donna l’envie de faire plus et lui ouvrit la porte pour doubler le dialogue yiddish dans un long-métrage italien muet, « Joseph dans la terre de l’Egypte. » en 1932. Le film fut un succès en Pologne et lui rapporta assez pour financer sa propre carrière de réalisateur.
Il avait engagé Molly Picon pour son premier rôle à l’écran, mais n’avait toujours pas d’idée de scénario, et frôlait désespoir lorsqu’un réalisateur polonais lui remit un scénario intitulé « The Wandering Musicians » (Les musiciens ambulants).
« Il n’y avait qu’un seul inconvénient », raconta Green plus tard. « Les quatre musiciens étaient tous des hommes, il n’y avait pas de rôle pour Molly. » Alors l’idée le frappa: elle serait une fille déguisée en garçon.
Mais il n’avait toujours pas de titre. A quatre heures du matin, il se réveilla, griffonna quelque chose et se rendormit. Plus tard dans la matinée, il regarda ce qu’il avait écrit et trouva son titre, « Yidl », à peu près une jeune fille juive. « Je reçut une ovation du personnel et de l’équipe ».
Le film récupéra les coûts de production sur les seules représentations de Varsovie et engrangea de grosses recettes à New York, avec les réservations dans les salles de cinéma non seulement sur Broadway, mais aussi à Brooklyn et le Bronx. La chaîne Loew le reprit comme son premier film parlant yiddish.
Les trois films suivants de Green furent également des succès. Il laissa passer une opportunité de tourner un film sur « Tevye le laitier » de Sholem Aleichem, craignant que le sujet du mariage mixte soit trop anticlérical pour la Pologne catholique. Le film fut réalisé en 1939 avec Maurice Schwartz dans le rôle de Tevye et fut un succès. Mais alors, comme Green l’avait craint, le temps s’était écoulé et il retourna à New York.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il revint brièvement à la scène, louant le Yiddish Art Theatre sur Second Avenue pour produire deux pièces, « Le Miracle du Ghetto de Varsovie » de H. Leyvick et « Nous vivrons » de David Bergelson.
Il est devint distributeur de films, sortant « Yidl » dans une version anglaise. Montée en pièce de théâtre, « Yidl » fut jouée scène à l’hôtel de ville en 1990 et fit aussi une tournée. Il vécut de nombreuses années après la guerre, avec sa femme, Annette, sur Gramercy Park. Après sa mort, en 1982, et il déménagea dans une résidence médicalisée.
« Quand les gens me demandent pourquoi je n’ai pas continué à faire des films », déclara-t-il un jour à l’hebdomadaire « Jewish Week, », je n’ai qu’une seule réponse: il manquait six millions de spectateurs potentiels et ils constituaient le public le plus important pour les films yiddish. »
Joseph Green n’avait pas d’enfants. Ses trois soeurs avaient disparu dans des camps de concentration allemands.
