Ephéméride | Charles V [16 Septembre]

16 septembre 1380

Décès à Beauté s/Marne du roi de France Charles V, dit « Le Sage ».

Après le désastre de Poitiers contre les Anglais (1356) et la captivité de Jean le Bon, la France était dans une situation désespérée. La rançon du roi avait été fixée à 3 millions d’écus d’or. Les soldats pillaient partout. Il y avait des champs qui n’avaient pas été labourés depuis trois ans. Le marc d’argent valait 102 livres.

C’est alors que le régent, le duc Charles de Normandie, négocia avec Manassier (Menashe) de Vésoul pour le rappel des Juifs en France. Ils devaient rester vingt ans, payer un droit d’entrée de 14 florins d’or pour chaque famille et un florin et deux tournois pour chaque enfant ou domestique, et une taxe annuelle de sept florins pour chaque famille, et d’un florin pour chaque enfant ou domestique. La charte qui leur fut accordée par le dauphin Charles, et ratifiée le 1er mars 1360 par le roi Jean, était très libérale, les Juifs ayant pris leurs précautions pour se prémunir contre les maux et les injustices dont ils avaient souffert lors de précédentes occasions. Deux gardiens de ces privilèges furent même nommés, Robert d’Outreloue pour le Languedoc et le comte d’Etampes pour le royaume de France proprement dit.

Comme les Juifs qui retournèrent en France à cette époque étaient principalement engagés dans le prêt d’argent, les privilèges qui leur furent accordés portaient principalement sur cette vocation. Ils furent autorisés à prêter au taux d’intérêt plafond de quatre deniers la livre par semaine, soit 1,67% par semaine! Taux qui s’explique par la rareté monétaire à l’époque, la fréquence des non-remboursement de dettes, et les prélèvements considérables effectués par le trésor royal. En fait, c’est la couronne qui pressurait les sujets et se servaient des Juifs comme collecteurs d’impôt. Mais ces taux exorbitants faisaient que les usuriers, tout en étant incontournables, étaient profondément haïs.

Que les Juifs étaient peu nombreux est clairement démontré par le fait que, entre 1359 et 1394, on ne trouve pratiquement aucune trace d’activité intellectuelle juive. Alors que le roi Jean était dans le sud de la France, le 27 décembre 1362, il autorisa les Juifs à pratiquer la médecine et la chirurgie, à condition d’avoir passé un examen devant des instructeurs chrétiens. Mais, avec sa duplicité bien connue, il déclara, en octobre 1363, que les privilèges accordés résultaient d’un abus de confiance et qu’ils étaient annulés. De plus, il obligea les Juifs à porter à nouveau la marque circulaire et, au mépris de la charte de 1360, les soumit aux tribunaux ordinaires des localités où ils vivaient.

Charles V, au contraire, respecta le contrat qu’il avait conclu comme régent. Le comte d’Etampes intervint fréquemment au Parlement de Paris et dans d’autres tribunaux civils et ecclésiastiques, en défense des Juifs, pour les mettre à l’abri de la juridiction générale.

A l’époque, les Juifs de Paris vécurent en paix dans le quartier Saint-Antoine, près de la maison d’Hugues Aubriot, le grand prévôt de Paris, qui les protégeait. Les ennemis d’Aubriot expliquèrent ses bonnes grâces par le fait qu’il aimait les belles Juives. On lui reprocha également d’avoir rendu à leurs parents des enfants juifs baptisés. Les vols commis contre les Juifs étaient rapidement et sévèrement punis, même lorsque les délinquants appartenaient à la noblesse. Mais cet état de choses excita la jalousie et les créanciers des Juifs, parmi lesquels se trouvaient quelques-uns des nobles du plus haut rang, s’efforcèrent encore de les faire expulser du royaume.
Ainsi, vers la fin de 1367 ou le début de 1368, le roi Charles rendit un décret de bannissement, mais le révoqua avant sa mise en vigueur.

En Languedoc, où la détresse était très grande et le taux d’intérêt nécessairement plus élevé que dans d’autres parties du pays, les Juifs étaient plus cruellement haïs. Des tentatives eurent lieu pour les contraindre à assister à la messe dans les églises. Sur la plainte de Deys (ou Denis) Quinon, procureur général des Juifs, Charles V a mis un terme à cette persécution le 22 mars 1369 car, à moins que cela ne soit fait, « les Juifs pourraient subir de graves atteintes corporelles ».

En 1370, lorsque le roi augmenta les taxes générales, il confirma solennellement les privilèges qu’il avait accordés aux Juifs, ne leur réclamant que 1500 francs. En 1372, il leur restitua certains manuscrits confisqués.
Mais, en même temps, il ne perdait pas de vue ses propres intérêts et, lorsqu’il eut besoin d’argent, en 1378, il conclut un accord avec les Juifs selon lequel, en échange de leur exemption de tous les autres impôts, ils devaient lui payer 20000 francs en or, en quatre versements, et 200 francs par semaine.

En 1379, il leur fit une importante concession en lien avec leurs activités commerciales dans les foires de Champagne et de Brie. Les Juifs avaient l’habitude de prendre, en garantie du règlement de leurs ventes, des hypothèques sur les biens de leurs clients débiteurs. Mais ils ne pouvaient lever ces hypothèques que lorsque des chrétiens solvables agissaient comme garants, et les Juifs se plaignaient que, ne pouvant en général trouver de chrétiens pour se porter caution, ils perdaient toujours leurs créances. Le roi décréta donc que les Juifs pourraient à l’avenir être également acceptés comme garants.

Avec la mort de Charles V en 1380, les mauvais jours pointèrent à l’horizon pour ces prêteurs dont le séjour en France dépendait des intérêts du trésor et de la mise en œuvre de l’autorité royale.
A l’arrivée du nouveau roi, Charles VI, les Parisiens, impatients de voir révoquer les nouvelles taxes spéciales instaurées par Charles V, marchèrent sur le palais pour faire valoir leurs exigences.
Celles-ci satisfaites, ils se retirèrent, mais alors certains des nobles, qui avaient rejoint la foule, proposèrent d’exiger l’expulsion des Juifs. Peu de temps auparavant, le droit de maintien avait été accordé aux Juifs contre le paiement de certaines sommes. Comme le chancelier n’avait pas donné une réponse immédiate, la populace se rassembla dans les rues et saisit les dossiers et l’argent dans le trésor public.

Puis les gens se précipitèrent dans un quartier où les Juifs occupaient une quarantaine de maisons, pillant et ravageant de tous les côtés. Dans cet ouvrage, ils étaient encouragés par les nobles et la bourgeoisie, qui s’étaient joints à la foule pour pouvoir s’emparer des reconnaissances de dettes détenues par les Juifs. Le pillage fut suivi d’un massacre. Tous les Juifs qu’ils rencontraient étaient tués. Ceux qui purent s’échapper s’enfuirent au Châtelet, où ils demandèrent à être enfermés avec les prisonniers et à être ainsi sauvés de la fureur de la foule.
Le roi ne céda pas à la populace. Le lendemain, il ordonna aux Juifs de retourner chez eux et commanda, sous de lourdes peines, la restauration de leurs biens. Mais très peu obéirent à l’ordre royal. Suite à cette émeute, plusieurs Juifs quittèrent Paris, tandis que d’autres acceptèrent le baptême.