14 septembre 1936
Décès d’Irving Thalberg, « l’enfant prodige d’Hollywood ».
Le 14 septembre 1936, Irving Thalberg – le « Boy Wonder » d’Hollywood; le producteur qui, alors qu’il n’avait qu’une vingtaine d’années, avait fait de MGM le studio le plus titré d’Hollywood – décéda. Il avait 37 ans et avait survécu sept ans de plus que ce que les médecins lui avaient prédit, quand il était encore enfant. Il fut peut-être, non seulement le producteur le plus talentueux du secteur, mais aussi le plus aimé et le plus admiré.
Irving Grant Thalberg était né le 30 mai 1899, à Brooklyn dans l’appartement de ses parents juifs originaires d’Allemagne, William Thalberg et Henrietta Heymann. Tout jeune, on lui diagnostiqua une malformation cardiaque congénitale, et ses parents furent informés qu’il serait probablement mort avant ses 20 ans, certainement avant ses 30 ans.
En grandissant, Thalberg était maladif et passa une année de lycée au lit avec une fièvre rhumatismale. Sachant que son espérance de vie était limitée, lorsqu’il eut terminé ses études, il décida de ne pas aller à l’université et de se lancer dans le monde des affaires. Après avoir acquis les compétences de base pour le travail de bureau, et à l’aide de ses relations familiales, il devint en 1919 secrétaire de Carl Laemmle, directeur d’Universal Studios, à son bureau de New York.
Laemmle fut si impressionné par les talents de Thalberg qu’en 1920, il lui confia la production au nouveau complexe d’Universal à Los Angeles. Tous ceux qui rencontraient Thalberg étaient séduits par sa créativité, sa confiance en soi et sa capacité à résoudre des problèmes. Cette réputation ne fit que croître après que Thalberg, alors âgé de 24 ans, (il paraissait encore plus jeune) tint tête puis renvoya l’autoritaire et imposant Erich von Stroheim en 1923, après que le réalisateur-acteur eut dépassé le budget sur deux films de suite.
Après trois années chez Universal, Thalberg – qui avait des désaccords professionnels avec Laemmle et s’était séparé de la fille du patron, Rosabelle – rejoignit Louis B. Mayer Pictures. Lorsque la société de Mayer eut été fusionnée, en 1924, avec les studios Metro & Goldwyn de Loew, Thalberg devint vice-président en charge de la production et copropriétaire de la nouvelle société.
Au cours des 12 années qui lui restaient à vivre, Thalberg contribua à faire de Metro-Goldwyn-Mayer le studio le plus important et le plus rentable du monde, supervisant la production de quelque 400 films, dont « Ben-Hur » (1925), « Mata Hari » (1931), « Grand Hotel » (1932), « Mutiny on the Bounty » (1935) et « Une nuit à l’opéra » (1935).
Il était autoritaire, mais savait écouter faire ressortir chez les gens le meilleur de leur talent. Il possédait une capacité légendaire à identifier et corriger les problèmes posés par un script, et un talent pour choisir les futures stars. Et il inventa le dispositif du « sneak preview », qui permettait de tester auprès d’un échantillon du public et affiner les films avant leur sortie commerciale.
Après une crise cardiaque en 1932, Thalberg se rendit en Allemagne en convalescence, période dont Louis Mayer profita pour réorganiser le studio. À son retour aux États-Unis, Thalberg n’était plus le patron de la production mais un parmi un groupe de producteurs.
En Allemagne, il avait été témoin d’une attaque contre un couple juif et avait tenté, sans succès, d’intervenir. À son retour, l’écrivain Kyle Crichton l’interrogea sur la situation des Juifs dans l’Allemagne de Hitler. Selon son biographe Mark Vieira, la réponse de Thalberg fut catégorique: « beaucoup de Juifs mourraient ». Lorsque Crichton suggéra que les nazis pourraient les assassiner tous, Thalberg répondit: « Non, pas tous. Hitler et l’hitlerisme passeront. Les Juifs seront toujours là. »
Certains historiens ont cité cette réponse comme preuve que Thalberg était indifférent au sort des Juifs européens. Mais il contribua à la création du Conseil de la communauté juive de Los Angeles, qui, dans les années 1930, finança discrètement les efforts visant à dénoncer l’activité nazie en Amérique, et il fut actif dans la ligue anti-nazie de Hollywood.
Thalberg fut aussi un des dirigeants les plus ouvertement juifs de l’industrie du cinéma. Quand il épousa l’actrice Norma Shearer, une catholique, en 1927, ce ne fut qu’après qu’elle se soit convertie au judaïsme.
Thalberg décéda chez lui à Los Angeles, peu après avoir contracté une pneumonie. Ses funérailles eurent lieu au Wilshire Boulevard Temple le 16 septembre, à l’extérieur duquel environ 8 000 personnes s’étaient rassemblées pour un dernier hommage.
À sa mémoire, l’Académie des arts et des sciences du cinéma créa le prix commémoratif Irving G. Thalberg, remis de temps en temps à des producteurs ayant accompli une oeuvre remarquable.
