25 Kislev 5779 (3 décembre 2018)
L’OURS DE HANOUCCAH
Une histoire de Hanouccah à raconter à vos enfants et petit-enfants, par Eric A. Kimmel.
Vieil Ours se réveilla de son long sommeil hivernal. Il pointa son nez hors de sa tanière. Qu’est-ce à dire? Mmmm! Quelque chose à manger!
L’estomac vide de Vieil Ours gargouilla. Il se secoua de tout son long, puis, d’un pas pesant, sortit de sa tanière pour suivre le délicieux fumet.
Bubbe Breyne prit la dernière latke de pommes de terre dans la poêle et l’enfourna avec les autres.
Bubbe Breyne avait quatre-vingt-dix-sept ans et ne voyait plus ni n’entendait plus aussi bien qu’autrefois, mais elle faisait toujours les meilleures latkes du village.
Chaque année, au moment de Hanouccah, tous ses amis venaient à sa maison à la lisière de la forêt. Comme ils aimaient ses latkes! Bubbe Breyne en faisait toujours une quantité. Mais ce soir-là en avait fait deux fois plus que d’habitude. Car ce soir-là était spécial. Ce soir-là, le Rebbe allait venir!
Bubbe Breyne se hâtait pour être prête.
Et juste à ce moment-là, elle entendit cogner à la porte.
Elle ouvrit.
– Rebbe, vous êtes un peu en avance. Quel plaisir de vous voir!
– Grrrumph! grogna Vieil Ours.
– Joyeuse fête de Hanouccah à vous aussi, Rebbe! Entrez, je vous en prie.
Vieil Ours entra dans la maison.
– Je vais prendre votre manteau, Rebbe. Bigre, comme il est épais! Bubbe Breyne tira sur la fourrure de Vieil Ours.
Vieil Ours rugit.
– Grrrrowwwh!
– Oh, vous préférez le garder sur vous? Entendu. Il fait un peu frisquet ici.
Le museau de Vieil Ours se fronça.
– Rrrrrumf!
– Merci, Rebbe. C’est vraiment gentil à vous de dire ça. Mais vous verrez, mes latkes sont encore meilleures au goût qu’à l’odeur.
Vieil Ours suivit son nez jusqu’au four.
– RRRROOOOFF!
– Rebbe, vous me surprenez! Vous savez bien qu’on ne mange pas avant d’avoir allumé la ménorah.
– Grrrr!
– Ça va! Je savais bien que c’était une taquinerie. Je vais allumer les bougies. Vous direz les bénédictions?
– Rrrrumff!
Bubbe Breyne gratta une allumette et alluma le « shames ». Ensuite, elle alluma la bougie pour la première nuit.
Vieil Ours marmonna et gronda.
– Rrrrmff… Grrrooowr… Rrrrr…
– « … qui nous a fait vivre, exister et parvenir jusqu’à ce moment. » Oh, Rebbe, comme vous avez bien récité les bénédictions!
Bubbe Breyne s’assit à la table et Vieil Ours prit place à côté d’elle.
– Jouons au dreydl. Nous nous servirons de ces noix.
Vieil Ours craqua une noix entre ses dents.
– Rebbe, vous n’aurez plus de noix pour jouer, si vous les mangez.
– Rrrrrmmmrr, gronda Vieil Ours.
– Ne vous en faites pas. J’en ai encore plein d’autres s’il vous en faut plus.
Bubbe Breyne fit tourner le dreydl. Il s’arrêta sur la lettre « gimel ». Gagné!
Bubbe Breyne fit tomber toutes les noix dans son tablier.
– RRRROWRRRR! rugit Vieil Ours.
– Ne vous mettez pas en colère, Rebbe. ce n’est qu’un jeu.
Elle lui jeta une noix. Vieil Ours en demanda plus.
– Non, Rebbe, plus de noix. Il est temps de dîner.
Bubbe Breyne ouvrit la porte du four et en sortit un plat où s’entassait une pile de latkes fumantes. Vieil Ours renifla les latkes tandis qu’elle les disposait sur la table.
– Vous les préférez à la crème ou à la confiture? demanda Bubbe Breyne.
– Rrrrffrrr! grogna Vieil Ours.
– A la confiture. C’est ce que je pensais aussi.
Bubbe Breyne étala de la confiture sur cinq grandes latkes et les empila sur l’assiette de Vieil Ours. Vieil Ours les engloutit d’un coup.
Bubbe Breyne se mit à rire.
– Vous devriez vous servir de votre fourchette. Vous avez la barbe pleine de confiture.
Elle mouilla une serviette et essuya le visage de Vieil Ours.
– Je dois vous le dire, Rebbe, vous mangez comme un ours.
– GRRROARRRURRRRR !!!
– « J’ai une faim d’ours, alors je mange comme un ours. C’est ce que je vois. » dit Bubbe Breyne.
Vieil Ours mangea, mangea, jusqu’à ce qu’il ne reste plus une seule latke. Il se sentit somnolent. Sa tête tomba sur les genoux de Bubbe Breyne.
– Rebbe, vous avez sommeil. Qui n’aurait pas sommeil après un repas pareil. Toutes les latkes sont parties. Il est temps de rentrer chez vous.
– Mais avant que vous partiez, j’ai un cadeau de Hanouccah pour vous.
Bubbe Breyne prit une écharpe rouge dans son panier à tricot. Elle la noua autour du cou de Vieil Ours.
– Je l’ai tricotée moi-même.
– Grrrrrorr. Vieil Ours passa sa langue sur le visage de Bubbe Breyne.
Bubbe Breyne rougit jusqu’au oreilles.
– Oh, Rebbe! A mon âge!
Vieil Ours se traîna jusqu’à la porte.
– Rrrrummff, grogna-t-il, en s’enfonçant dans la nuit.
– Bonne nuit à vous, Rebbe! Joyeuse fête de Hanouccah!
Bubbe Breyne était en train de laver la vaisselle quand elle entendit à nouveau toquer à la porte.
– Je me demande qui ça peut être.
– Sholem aleikhem! Gut yontef, Bubbe Breyne! Tous ses amis se tenaient devant la porte à lui souhaiter une joyeuse fête de Hanouccah.
– Aleikhem sholem, vous tous! – dit Bubbe Breyne – comme c’est gentil à vous d’être venus. Je suis désolée mais je n’ai plus de latkes. Le Rebbe est passé et les a toutes mangées.
– Bubbe Breyne, vous ne me reconnaissez pas?
C’était le Rebbe.
– Le Rebbe n’a pas pu manger vos latkes – s’exclamèrent-ils. Il était avec nous à la synagogue.
Bubbe Breyne se frotta le front.
– Il se passe quelque chose d’étrange, Rebbe. Je pense qu’il y a un imposteur qui se promène. Il vous ressemble. Il parle comme vous. Il a même votre barbe.
Juste à ce moment-là, les enfants s’écrièrent:
– Regardez par terre! Des traces d’ours!
– Un ours! Et moi qui pensait que c’était le Rebbe!
Bubbe Breyne dut s’asseoir. Bientôt, elle se mit à rigoler.
– Ça, c’était un ours très malin… ou une Bubbe Breyne bien sotte. Eh bien, joyeuse fête de Hanouccah à l’ours. J’ai eu une joyeuse fête aussi. Et vous en aurez une aussi, chers amis.
– Allez me chercher quelques pommes de terre à la cave. Attrapez-moi ma râpe et mon saladier. Tout le monde doit mettre la main à la pâte. Vous aussi, Rebbe. Si nous nous y mettons tous ensemble, il y aura bientôt des latkes pour tout le monde!
Au plus profond de la forêt, Vieil Ours sommeillait dans sa tanière. Son estomac était plein de latkes. La chaude écharpe de laine était confortablement enroulée autour de son cou.
– Fais de beaux rêves, Vieil Ours. Et joyeuse fête de Hanouccah!
Traduit de l’anglais par Charles Yisroel Goldszlagier.
