15 juin 1940. Création du « Comité Amelot », première organisation de résistance juive en France. David Rapaport en sera le chef remarquable et héroïque.

David Rapaport
14 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Paris. Dès le lendemain est constitué le « Comité de la rue Amelot ». Il regroupe des organismes politiques ou sociaux des Juifs étrangers non communistes. En font partie: la Fédération des sociétés juives de France, le Bund, le Poale Zion (sionistes de gauche), le foyer culturel juif, l’OSE (Oeuvre de secours aux enfants et la Colonie scolaire (se trouvant déjà au 36 rue Amelot). C’est la première organisation clandestine de résistance juive en France et de secours pour les juifs en difficulté.
Parmi eux, Léo Glaeser, J. Jacoubovitch, rejoints trois mois plus tard par le journaliste David Rapoport, qui prend en charge la responsabilité de cette œuvre.
David Rapoport est né le 1er octobre 1883 à Proskürow, en Ukraine, dans une famille observante. Très jeune il se fait remarquer par ses grandes dispositions intellectuelles.
A l’âge de 17 ans, il est chargé de la propagande du Parti social-démocrate.
Vers 1906, il quitte ses parents et rejoint la France où il trouve du travail, mais il n’y reste que très peu de temps puisque vers 1910 il se rend en Angleterre avec sa femme Esther où naît son fils Daniel l’année suivante. Ce n’est qu’en 1912 où les Rapoport reviennent en France où ils se fixent à Bicêtre.
Jusqu’en juin 1914 il est employé dans une entreprise.
Il décide alors de rendre visite seul à ses parents demeurés en Ukraine, avec l’intention de rester auprès d’eux pendant quelques semaines. Mais la déclaration de guerre le surprend et il n’obtient pas l’autorisation de retourner en France. Il est mobilisé.
Ce n’est qu’à la faveur de la révolution de 1917 qu’il retrouve ses parents et réussit à les faire passer en Pologne à Lodz.
Là, il déploie une intense activité pour aider les réfugiés juifs à émigrer, notamment en Amérique, car des vagues d’antisémitisme extrêmement violentes déferlent alors sur les régions de l’Est, dont les sinistres pogroms, menés par les partisans de Pletoura.
Enfin en 1921, il obtient un visa d’entrée en France et retrouve sa femme, Esther, et son fils.

Installé à Paris, il continue sa lutte commencée en Pologne, prenant en charge les émigrants à destination de l’Amérique.
Parallèlement il participe de manière bénévole à d’autres œuvres juives, dont la Fédération des sociétés juives de France, laquelle lui confie des responsabilités pour ce qui concerne les services éducatifs, la formation professionnelle ainsi que l’accueil des immigrants venus de Pologne et des Pays baltes.

Outre ces activités caritatives, David Rapoport se lance dans le journalisme. Il devient le correspondant à Paris d’un grand journal juif de New York : le Jewish Herald. Et vers 1924, quand est dissoute l’organisation d’émigration juive, il fonde avec M. Hermann une agence de reportage photographique appelée Photo Rap qui fermera ses portes à la veille de la seconde guerre mondiale.

Dix ans plus tard, il participe avec deux amis à la création d’un quotidien yiddish : Pariser Haint dont le siège était 105 Faubourg du Temple, sans ralentir un instant son action auprès des immigrants juifs de Pologne et de Russie d’abord, d’Allemagne ensuite, surtout après l’avènement d’Hitler en 1933, et la montée du nazisme.

Puis survient la guerre. En janvier 1940, le fils Rapoport gagne la Bourboule où on lui propose un poste d’enseignant.
Deux ans plus tard en 1942, il est arrêté et interné comme sujet britannique au camp de Saint-Denis, sans avoir été tenu véritablement au courant des activités de résistance de son père. En vérité, Rapoport ne s’engagea pleinement au sein de la rue Amelot qu’après l’exode et son retour de la zone sud, en septembre 1940 lorsque Jacoubovitch lui propose un poste rue Amelot, afin de l’assister dans sa charge trop lourde de secrétaire général.

Aussi selon le témoignage de Jacoubovitch, cet homme qu’il considérait comme un « théoricien, un intellectuel, un tacticien même, allait s’avérer un homme d’action incomparable, un réalisateur étonnant« . Jacoubovitch et Rapoport se connaissaient depuis 1922, date à partir de laquelle, ils avaient appartenu tous deux au secrétariat de conférence mondiale juive de secours, dont Léo Motzkin était le président et I. Jeffroykin le secrétaire général.
Depuis ils s’étaient rarement quittés et avaient collaboré ensemble dans différentes organisations et au journal précédemment cité.
Le comité, qui représente les « immigrés juifs », prend contact avec les « Français » par l’intermédiaire du grand rabbin Weill. Il est convenu que le comité travaillera de manière indépendante. Il gère les quatre cantines juives de Paris, les maisons d’enfants de La Varenne-Saint-Hilaire, le dispensaire de la rue Amelot.
Le comité veut nourrir ceux qui ont faim, vêtir ceux qui ont froid, procurer des couvertures aux internés et prendre en charge leurs familles. Après les arrestations de mai 1941, David Rapoport intensifie les actions de son groupe. Il obtient de la Croix-Rouge qu’elle transmette aux internés des colis confectionnés par le comité. Il sollicite les dons des Juifs.
Plus tard, le Joint, avec Maurice Brener, fournira des subsides au comité Amelot. Sachant que la rafle du 19 juillet 1942 va avoir lieu, Rapoport envoie une équipe pour prévenir les Juifs. Un groupe de jeunes l’a déjà rejoint, dont Henry Bulawko. Il charge ce dernier de créer un service de faux papiers et organise un service de planquage.
Il envoie des enfants dans des familles d’accueil. Il travaille avec Mme Averbuch et le Pr Eugène Minkovski de l’OSE. Envoie des assistantes sociales à Poitiers pour aider le rabbin Élie Bloch car celui-ci ne peut entrer dans les camps de la région.
Rapoport refuse que son comité adhère à l’UGIF. Pendant trois semaines, il dirige Amelot par téléphone. À son retour, il est dénoncé, et c’est le chef de la Gestapo en personne, Danneker, qui vient l’arrêter le ler juin 1943.
Incarcéré au fort de Romainville, où sa conduite est exemplaire, il est transféré à Drancy le 6 octobre 1943 et déporté le lendemain par le convoi 60 vers Auschwitz, où il meurt d’épuisement le 2 juillet 1944. Son camarade Henri Bulawko, aura lui, la chance d’en revenir.