9 août 1881. Naissance d’Adele Bloch-Bauer, la dame en or. En se familiarisant avec Adele Bloch-Bauer, une riche héritière de la haute-bourgeoisie juive viennoise et hôtesse d’un célèbre salon au début du XXe siècle, on comprend pourquoi l’art et la vie semblaient se confondre à ses yeux. Elle fut éternisée par le célèbre artiste autrichien Gustav Klimt dans deux majestueux portraits (1907 et 1912), et peut-être aussi dans une allégorie de l’héroïne juive Judith (1901), exposée dans la Galerie du Belvédère de Vienne. Les trois tableaux sont des témoins historiques de l’importance du mécénat juif à l’époque dorée de Vienne. Adele Bloch-Bauer naquit à Vienne le 9 août 1881, fille cadette des sept enfants du banquier Moritz Bauer et de Jeannette Bauer née Honig. Son père était directeur général de l’influente association bancaire viennoise et président de la Compagnie ferroviaire de l’Orient dont le fameux Orient-Express reliait Berlin à Istambul. A l’âge de quinze ans, son monde protégé fut secoué par la mort prématurée de son frère bien-aimé Karl. Vraisemblablement, c’est le traumatisme de sa mort qui la mena à prendre ses distances avec la religion. Privée de la possibilité d’étudier – le savoir était l’apanage exclusif des hommes – et de se sentant malheureuse chez ses parents, Adèle se maria relativement jeune. Le 19 décembre 1899, elle épousa l’industriel Ferdinand Bloch, de dix-sept ans son aîné. Son mariage faisait suite au mariage de sa soeur Thérèse avec le frère de Ferdinand, le Dr Gustav Bloch. Adèle et Ferdinand n’eurent pas d’enfants. En 1917, les deux couples ajoutèrent leur nom de jeune fille à leur nom de famille: Bloch-Bauer. Adele Bloch-Bauer faisait l’effet d’un mélange raffiné de personnages romantiques: malade et fragile d’un côté, maîtresse de salon affirmée et fière de l’autre. Peut-être, en effet, trouva-t-elle son rôle dans les modèles de la littérature romantique. Elle étudia, seule, les littératures classiques allemande, française et anglaise. Elle était délicate, avait tendance à être malade et donnait l’impression de quelqu’un qui souffrait. Son visage étroit apparaissait autant élégant et intellectuel, qu’arrogant et suffisant. On la surprenait souvent en train de fumer, comportement peu seyant pour une dame de la bonne société. Les compositeurs Gustav Mahler et Richard Strauss, l’égérie et croqueuse de célébrités du monde des arts, Alma Mahler-Werfel, les écrivains Stefan Zweig et Jakob Wassermann, des artistes du cercle de Gustav Klimt, des acteurs du Burgtheater et, après la première guerre mondiale, les socialistes Karl Renner et Julius Tandler, comptaient parmi les invités éminents de son salon. Au cours de l’été 1903, Ferdinand Bloch-Bauer demanda à Klimt de peindre le portrait de sa femme, avec l’intention de l’offrir en cadeau pour l’anniversaire de ses parents en octobre. Le portrait fut exposé au public seulement au début de 1907. Adèle est assise sur un trône d’or, icône moderne de la “grande dame”, sur fond de ciel étoilé doré faisant pendant à sa riche robe dorée. Le mouvement fervent de symboles érotiques tels que des triangles, des œufs, des yeux, dans le flot de sa robe, laisse entrevoir une relation intime entre l’artiste et son modèle. Une autre indication de leur relation peut être trouvée dans le portrait de “Judith” en femme fatale, peint par Klimt en 1901, dans lequel on peut vraisemblablement reconnaître Adele à ses similitudes de traits du visage et au collier clinquant du sujet dans la dernière peinture. Un critique contemporain a identifié “Judith” comme une femme juive moderne. Dans un second portrait, datant de 1912, Adèle se tient face au spectateur, vêtue d’une robe à la mode. Le papier peint coloré derrière elle évoque un monde exotique fantastique d’Extrême-Orient. Les rumeurs d’une liaison entre elle et Klimt n’ont jamais été confirmées. Outre les deux portraits d’Adele, les Bloch-Bauers achetèrent également quatre paysages et de nombreux dessins de Klimt. Ils étaient tous deux fiers de leur collection d’art, qui comprenait des peintures d’artistes autrichiens célèbres tels que Ferdinand Georg Waldmüller, Rudolf von Alt et Emil Jakob Schindler, ainsi qu’une précieuse collection de porcelaine classique viennoise. En 1919, après que le couple eut déménagé dans son nouveau vaste palais, en face de l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, Adèle fit ériger un temple dédié à Klimt dans ses appartements. Ses tableaux décoraient les murs, tandis que sa photo se trouvait sur une console d’appoint. En 1918, après la chute de la monarchie austro-hongroise, Ferdinand et Adele demandèrent la nationalité tchèque en donnant l’adresse de leur château “Schloß Jungfern” près de Prague. Mais leur domicile resta à Vienne, où Adele continua son rôle de femme de salon. Julius Tandler, invité de marque, devint également son médecin. C’est peut-être en raison de son influence qu’elle commença à soutenir les causes socialistes. Dans son testament, elle légua son argent à de nombreuses œuvres de charité, parmi lesquelles la Société des amis des enfants. Elle fit don de sa bibliothèque à la bibliothèque publique et ouvrière de Vienne. Le 24 janvier 1925, Adèle Bloch-Bauer mourrut soudainement d’une méningite à Vienne. Après sa mort, le “Salon Klimt” fut transformé en “salle commémorative” à sa mémoire. Dans son testament, elle demanda à son mari de faire don des peintures de Klimt à la Galerie du Belvédère après sa mort. En 1938, à la suite de l’annexion de l’Autriche à l’Allemagne nazie, les peintures furent aryanisées. Ferdinand s’enfuit en Tchécoslovaquie, puis à Zurich, où il mourut peu après la fin de la guerre. Il est enterré à côté de sa femme à Vienne. Sa dernière demande de récupération des peintures de Klimt et d’autres œuvres de leur collection exquise n’aboutit pas de son vivant. Maria Altmann, la nièce d’Adele en Californie et héritière de la famille, engagea des poursuites contre la République d’Autriche, en exigeant que les tableaux de Klimt lui soient rendus. En mai 2005, la République d ‘Autriche et Maria Altmann acceptèrent de mettre fin à leur litige devant la Cour de district américaine, concernant cinq peintures de Gustav Klimt et de soumettre le différend à un arbitrage contraignant en Autriche. En janvier 2006, l’arbitrage aboutit à l’attribution des peintures à Maria Altmann. Peu après, elle les fit exposer au musée d’art du comté de Los Angeles. En juin 2006, le portrait intitulé Adèle Bloch-Bauer I fut acheté pour la Neve Galerie de Manhattan par Ronald Lauder pour la somme record de 135 millions de dollars. L’histoire fut portée à l’écran sous le titre “The Woman in Gold” (La femme au tableau en France), avec Helen Mirren. En avril 2005, le juge du district de New York, Edward Korman, octroya à Maria Altmann et à plusieurs membres de sa famille 21,8 millions de dollars du Fonds bancaire suisse . Cette somme considérable fut accordée parce qu’une banque suisse désignée en 1938 par Ferdinand Bloch-Bauer comme administrateur de sa raffinerie de sucre avait confié cette activité à un industriel lié aux nazis en 1939. (Source: Elena Shapira in Jewish Women’s Archive) par Klimt