Ephéméride | Jésus [25 Décembre]

Portrait de jésus

25 décembre 0000. Non-naissance de Jésus.

Le choix de la date de naissance de Jésus remonte au IVe siècle. Il ne serait d’ailleurs pas né en l’an 0, mais autour de l’an – 4.

Il y a un peu moins de 2000 ans, Ponce Pilate, préfet de Rome en Judée, condamnait à mort par le supplice de la crucifixion sur le mont Golgotha un homme nommé Jésus de Nazareth. Si les versions des derniers instants de la vie du Christ peuvent varier, ce fait s’inscrit dans une réalité historique. En revanche, le récit des Rois mages et la date de Noël ne sont pas reliés à des faits connus. La commémoration de la naissance de Jésus le 25 décembre remonte d’ailleurs au début du IVe siècle.

Il n’y a plus vraiment de débat sur l’existence de Jésus d’un point de vue historique. On a même une idée assez précise des dernières années de sa vie à partir de son baptême dans le Jourdain. En revanche, il est impossible de savoir avec certitude quelle a été sa jeunesse. Une histoire compliquée à restituer, la plupart des sources n’ayant été écrites que bien des années après les faits rapportés. Qui plus est, on ne s’intéresse que depuis récemment à ce qui a pu être la vie du Christ entre ses 12 et 28 ans. Les chercheurs s’accordent sur un point: l’homme qui a été condamné à mort par Ponce Pilate n’est pas né le 25 décembre de l’an 0, mais peu avant l’an 750 « ab urbe condita » (les Romains comptaient les années à partir de la date de fondation de Rome). C’est-à-dire autour de l’an 4 avant notre ère. Si aucune source n’est fiable à 100%, cette date de naissance en l’an – 4 est retenue car elle correspond au récit de l’Évangile selon Matthieu, qui place la naissance de Jésus à la fin du règne d’Hérode le Grand.

Cette erreur dans les datations, reconnue par le pape Benoît XVI en 2012, est à attribuer à Denys le Petit. Ce moine, qui vivait à Rome au début du VIe siècle, avait été chargé par l’Église de recalculer la date de Pâques. À sa décharge, les sources contradictoires ne permettaient pas une certitude absolue. C’est ainsi qu’à la suite d’une succession de calculs, le calendrier a basculé sans transition de l’an 247 après le début du règne de Dioclétien (empereur romain responsable de la dernière grande persécution contre les chrétiens, qui pour l’Église marquait le début de l’ère chrétienne) à l’an 532 après Jésus-Christ. La date de naissance de Jésus fut fixée au 25 décembre, pour faire correspondre le premier jour de l’année (qui tombe le 1er janvier depuis la République romaine) avec la circoncision du Christ.

A l’origine, il s’agissait d’une fête d’origine romaine célébrée chaque année, majoritairement dans la nuit du 24 au 25 décembre ainsi que le 25 toute la journée. Avant la christianisation de l’Occident, elle était appelée « Dies Natalis Solis Invicti » et correspondait au jour de naissance de « Sol Invictus ». La date du 25 décembre avait été fixée comme grande fête du soleil invaincu (Sol Invictus) par l’empereur romain Aurélien qui choisit ainsi comme date le lendemain de la fin des Saturnales mais qui correspond aussi au jour de naissance de la divinité solaire Mithra, un culte venu d’Orient qui connut une très grande popularité à la fin dans l’empire romain. Aurélien souhaitait en effet unifier religieusement l’empire. En choisissant cette date, il contentait les adeptes de Sol Invictus et du culte de Mithra, tout en plaçant la fête dans la continuité des festivités traditionnelles romaines.

La célébration de Noël en tant que jour de naissance de Jésus de Nazareth conduisit à la christianisation progressive de ce « Noël païen ». La première mention d’une célébration chrétienne à la date du 25 décembre a lieu à Rome en 336. Le christianisme s’ajoute ainsi à la liste des religions rendant un culte à Noël. À la suite de l’édit de Thessalonique interdisant les cultes païens, la fête de Noël (du latin Natalis) devient même exclusivement chrétienne. Après la chute de l’Empire romain d’Occident, la fête de Yule est remplacée de la même manière lors de la christianisation des peuples germains et scandinaves. Noël devient une des fêtes chrétiennes les plus importantes durant la période médiévale et est diffusée dans le reste du monde lors de la colonisation et de l’occidentalisation contemporaine. Néanmoins, sa célébration n’étant pas exigée par des sources bibliques et conservant toujours de nombreux éléments païens, elle est rejetée par les groupes chrétiens les plus radicaux.

Jésus serait donc né sous Hérode. Ce roi est installé à la tête de la Judée par le Sénat romain en 37 av. J.-C. (le lecteur aura compris que les dates font ici référence aux conventions historiques et non aux faits que l’article relate). Une fois au pouvoir, il mène une habile politique de conquête et doit notamment manœuvrer avec Cléopâtre, reine d’Égypte. Il parvient à ne pas trop souffrir de la guerre civile qui oppose Octave à Marc-Antoine pour la tête de ce qui n’est pas encore l’Empire romain. Son règne est marqué par la reconstruction du Temple de Jérusalem. À sa mort, en 4 av. J.-C., son royaume est divisé entre ses trois fils et une de ses sœurs. La Galilée de Jésus, au nord-est, dont la capitale est fixée à Sepphoris, à quelques kilomètres de Nazareth, revient à Hérode Antipas. Nommé tétrarque (chef de la nation divisé en quatre), son règne durera plus de quarante ans, émaillés de querelles avec ses voisins. Jérusalem et la Judée reviennent à Hérode Archélaos, son frère, qui à peine dix ans après la mort de son père, sera destitué par l’Empire romain et remplacé par un préfet de Rome.

Le village de Nazareth, dans lequel a grandi Jésus, était a priori très modeste, presque insignifiant. Il n’y avait probablement même pas de bâtiment destiné à un usage synagogal. Au vu de cette pauvreté, une question s’impose: qui a bien pu éduquer Jésus? Comment un enfant issu d’un milieu aussi insignifiant a pu devenir un personnage aussi important, capable d’emmener derrière lui de nombreux fidèles.

Jeune, Jésus a sans doute travaillé avec ses frères pour aider son père Joseph, non pas charpentier mais artisan (le travail du bois ne se limitait pas aux charpentes). Ils ont probablement participé à la reconstruction de la capitale, Sepphoris, lancée par Hérode Antipas. Est-ce que Jésus aura profité de ces travaux pour rencontrer d’autres cultures et sortir de son village? Peut-être, mais il est impossible de le savoir. Quand Jésus s’éloigne de Nazareth, s’ouvrent des années assez obscures. Certains vont jusqu’à supposer qu’il aurait adhéré au mouvement essénien, mouvement du judaïsme des Ier et IIe siècles av. J.-C, voire qu’il aurait séjourné à Qumrân, près de la mer Morte, où l’on a retrouvé entre 1947 et 1956 les célèbres manuscrits. Les manuscrits de Qumrân sont un ensemble de parchemins et de fragments de papyrus, principalement en hébreu, qui recèle de nombreux livres de l’Ancien Testament.

En 1991, John Dominic Crossan, historien des religions irlando-américain, sort un ouvrage qui fait sensation, « The Historical Jesus: the Life of a Mediterranean Jewish Peasant » (« Le Jésus historique: la vie d’un paysan juif méditerranéen »), dans lequel il suggère que Jésus avait été fortement influencé par les cyniques, cette école philosophique grecque très influente pendant plusieurs siècles. Jésus serait une sorte de sage itinérant dont les paroles subversives et le style de vie étaient à contre-courant des mœurs de son époque. Or l’archéologie récente montre que la Galilée était beaucoup plus juive qu’on ne le pensait. On a retrouvé des images de menorah ou des vaisselles en pierre typiques des pratiques rituelles juives. Ce qui, en somme, est assez logique, car elle a été progressivement conquise à la fin du IIe siècle av. J-C. par les souverains hasmonéens de Jérusalem. Le contexte dans lequel a grandi Jésus amène donc à penser qu’il était plus proche du Juif pratiquant que du Juif hellénisant.

Une Galilée très juive, un contexte politique instable sur la région, qui débouche sur une présence romaine très forte. C’est dans ce contexte qu’a grandi Jésus avant de commencer son propre ministère, à une époque où nombreux étaient les groupes religieux à prôner une interprétation particulière des pratiques et des croyances juives, non seulement les Esséniens, mais aussi les Pharisiens.

Quant au bœuf et à l’âne qui décorent régulièrement les crèches de Noël, vous aurez beau fouiller de fond en comble les Evangiles, vous n’en trouverez mention nulle part… Ces éléments ont été rajoutés tardivement (apparemment, par François d’Assise en 1223) sur la base d’un verset du prophète Esaïe: « Un bœuf reconnaît son propriétaire et un âne la mangeoire de son maître: par contre, mon peuple ne me reconnaît pas. »

D’ailleurs, le Concile de Trente, en 1563, interdit les représentations du bœuf et de l’âne! Face à un protestantisme grandissant, on est alors désireux de manifester plus de rigueur dans l’expression de la foi chrétienne… et on supprime donc certaines croyances fondées sur les seuls évangiles apocryphes. Cette recommandation fut relativement bien suivie jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Impossible donc de voir des bœufs ou des ânes chez Velasquez ou Rubens, par exemple!

Et la neige sur la crèche de Noël, alors? Il peut neiger exceptionnellement à Nazareth, mais pas tous les Noëls quand même. A l’heure où j’écris, la température est de 14° et la journée a été ensoleillée.