Les années 1648 et 1649 représentent un tournant dans l’histoire juive. Dans la tradition juive, on les appelle « Tach V’tat » (les lettres hébraïques représentant les nombres 408 et 409, qui correspondent aux années 1648 et 1649 sur le calendrier non juif). On peut même dire que Tach V’tat marque le début de l’histoire juive moderne.
D’après les calculs des kabbalistes, l’année 1648 devait être une année spéciale.
Selon la tradition juive, l’ère messianique est inaugurée par une série d’événements cataclysmiques. Ce n’est pas quelque chose qui se passe tranquillement.
Dans la Bible, les « douleurs de l’enfantement du Messie » sont littéralement comparées aux douleurs de l’enfantement d’une femme qui accouche. Jusqu’à la naissance du bébé, c’est une période de douleur et d’inconfort.
C’est pourquoi, dans le Talmud, on voit déjà beaucoup de grands sages dire : « Que le temps du Messie vienne, mais que je ne le voie pas. » Je ne veux pas être témoin de tels temps, car le temps du Messie est apocalyptique. C’est une période d’événements terribles : guerre et dislocation, cruauté, mort et destruction – et de toutes ces douleurs, sortira un nouveau monde.
Dans la Bible, les « douleurs de l’enfantement du Messie » sont littéralement comparées aux douleurs de l’enfantement d’une femme qui accouche. Jusqu’à la naissance du bébé, c’est une période de douleur et d’inconfort.
C’est pourquoi, dans le Talmud, on voit déjà beaucoup de grands sages dire : « Que le temps du Messie vienne, mais que je ne le voie pas. » Je ne veux pas être témoin de tels temps, car le temps du Messie est apocalyptique. C’est une période d’événements terribles : guerre et dislocation, cruauté, mort et destruction – et de toutes ces douleurs, sortira un nouveau monde.
En Pologne et en Ukraine, les Juifs voyaient donc venir l’an 1648 avec des espoirs messianiques non dénués d’appréhension.
Ils n’avaient pas tort.
Ils n’avaient pas tort.
En 1637, s’était déjà produit un grand soulèvement de paysans locaux et de cosaques en Ukraine.
La plupart des terres en Ukraine étaient contrôlées par des propriétaires polonais, qui vivaient en Pologne sans jamais séjourner sur place. Le système féodal exploitait les paysans. Il leur était impossible de gagner assez en travaillant la terre pour seulement payer leur loyer. Chaque année, ils s’endettaient de plus en plus. Le propriétaire les possédait littéralement. Une grande partie de la population était complètement opprimée, exploitée et vivait dans les pires conditions possibles.
En Ukraine, il y avait aussi un grand nombre de cosaques. Il s’agissait d’une tribu de guerriers redoutables – peut-être d’origine asiatique – et surtout connus pour leur talent de grands cavaliers. Ils étaient également victimes de discrimination et exploités. Peu importe qui possédait la terre et dirigeait le pays, les cosaques étaient toujours considérés comme des étrangers.
En 1637, les cosaques organisèrent une rébellion en Ukraine. Elle tint pendant deux ou trois ans. Au cours du conflit, de 1637 à 1640, les Cosaques avaient tué environ 2 000 Juifs. On tuait les Juifs parce qu’ils étaient employés du propriétaire polonais. C’étaient des collecteurs d’impôts, qui faisaient respecter la volonté des propriétaires. C’étaient les emplois juifs typiques de l’époque.
Les cosaques n’allaient pas se rendre en Pologne pour punir les propriétaires eux-mêmes. Mais ils étaient contents de prendre leur revanche sur ceux qu’ils avaient en face d’eux, ceux qui étaient les symboles vivants de l’oppression – les Juifs.
Les cosaques n’allaient pas se rendre en Pologne pour punir les propriétaires eux-mêmes. Mais ils étaient contents de prendre leur revanche sur ceux qu’ils avaient en face d’eux, ceux qui étaient les symboles vivants de l’oppression – les Juifs.
Vers 1640, les propriétaires polonais avaient réaffirmé leur pouvoir. Les chefs de la rébellion avaient été capturés et exécutés, et la situation s’était calmée. À l’époque, cela semblait être la fin du conflit.
Mais en 1648, la situation se dégrada à nouveau, avec des conséquences terribles pour les Juifs.
Voici le récit qu’en fait le grand historien yiddish Simon Doubnov dans « Histoire des Juifs de Russie et de Pologne ».
Voici le récit qu’en fait le grand historien yiddish Simon Doubnov dans « Histoire des Juifs de Russie et de Pologne ».
« Au printemps 1648, alors que le roi Vladislav IV occupait encore le trône de Pologne, l’un des chefs cosaques les plus populaires, Bogdan Khmelnitzki, de la ville de Chigirin, dans la province de Kiev, déploya la bannière de la révolte en Ukraine et dans la région au-delà des chutes du Dniepr. Furieux de la conduite des autorités polonaises dans sa ville natale, Khmelnitzki commença à inciter les cosaques ukrainiens à la résistance armée. Ils l’élurent secrètement leur hetman (commandant en chef des armées) et l’habilitèrent à mener des négociations avec les cosaques zaporogues.
Arrivé dans la région au-delà des chutes du Dniepr, il organisa des compagnies militaires et conclut une alliance avec le Khan des Tatars de Crimée, qui s’engagea à envoyer d’importantes troupes au secours des rebelles.
En avril 1648, les armées combinées des Cosaques et des Tatars se déplacèrent d’au-delà des chutes du Dniepr jusqu’aux frontières de l’Ukraine.
À proximité des Eaux Jaunes et de Korsun, ils infligèrent une sévère défaite à l’armée polonaise sous le commandement de Pototzki et Kalinovski (6-15 mai), et cette défaite donna le signal de la révolte à toute la région sur les rives orientales du Dniepr.
En avril 1648, les armées combinées des Cosaques et des Tatars se déplacèrent d’au-delà des chutes du Dniepr jusqu’aux frontières de l’Ukraine.
À proximité des Eaux Jaunes et de Korsun, ils infligèrent une sévère défaite à l’armée polonaise sous le commandement de Pototzki et Kalinovski (6-15 mai), et cette défaite donna le signal de la révolte à toute la région sur les rives orientales du Dniepr.
Les paysans et citadins russes quittèrent leurs maisons et, s’organisant en bandes, dévastèrent les domaines des nobles polonais, tuant leurs propriétaires ainsi que les intendants et les arendars juifs.
Dans les villes de Pereyaslav, Piryatin, Lokhvitz, Lubny et les pays environnants, des milliers de Juifs furent sauvagement tués et leurs biens détruits ou pillés.
Les rebelles ne laissaient survivre que ceux qui embrassaient la foi grecque orthodoxe.
Les Juifs de plusieurs villes de la région de Kiev, pour échapper aux mains des Cosaques, s’enfuirent vers le camp des Tatars et se livrèrent volontairement comme prisonniers de guerre. Ils savaient que les Tatars s’abstenaient en règle générale de les tuer et les transportaient plutôt en Turquie, où ils étaient vendus comme esclaves et avaient une chance d’être rachetés par leurs coreligionnaires turcs.
C’est à ce moment-là, au mois de mai, que le roi Vladislav IV. mourut, et un interrègne s’ensuivit, qui, marqué par des troubles politiques, dura six mois.
Les flammes de la révolte s’emparèrent de toute l’Ukraine, ainsi que de la Volhynie et de la Podolie. Des bandes composées de cosaques et de paysans russes conduits par les complices de Khmelnitzki, de sauvages cosaques zaporogues, se dispersèrent dans toutes les directions et commencèrent à exterminer les Polonais et les Juifs.
Pour citer un historien russe : « Tuer s’accompagnait de tortures barbares ; les victimes étaient écorchées vives, fendues en deux, matraquées à mort, rôties sur des charbons ou ébouillantées. Même les nourrissons au sein n’étaient pas épargnés ».
Dans les villes de Pereyaslav, Piryatin, Lokhvitz, Lubny et les pays environnants, des milliers de Juifs furent sauvagement tués et leurs biens détruits ou pillés.
Les rebelles ne laissaient survivre que ceux qui embrassaient la foi grecque orthodoxe.
Les Juifs de plusieurs villes de la région de Kiev, pour échapper aux mains des Cosaques, s’enfuirent vers le camp des Tatars et se livrèrent volontairement comme prisonniers de guerre. Ils savaient que les Tatars s’abstenaient en règle générale de les tuer et les transportaient plutôt en Turquie, où ils étaient vendus comme esclaves et avaient une chance d’être rachetés par leurs coreligionnaires turcs.
C’est à ce moment-là, au mois de mai, que le roi Vladislav IV. mourut, et un interrègne s’ensuivit, qui, marqué par des troubles politiques, dura six mois.
Les flammes de la révolte s’emparèrent de toute l’Ukraine, ainsi que de la Volhynie et de la Podolie. Des bandes composées de cosaques et de paysans russes conduits par les complices de Khmelnitzki, de sauvages cosaques zaporogues, se dispersèrent dans toutes les directions et commencèrent à exterminer les Polonais et les Juifs.
Pour citer un historien russe : « Tuer s’accompagnait de tortures barbares ; les victimes étaient écorchées vives, fendues en deux, matraquées à mort, rôties sur des charbons ou ébouillantées. Même les nourrissons au sein n’étaient pas épargnés ».
La cruauté la plus terrible, cependant, s’exerçait envers les Juifs. Ils étaient destinés à l’anéantissement total, et la moindre pitié qu’on leur témoignait était considérée comme une trahison.
Les cosaques sortaient les rouleaux de la Loi des synagogues, dansaient dessus en buvant de la vodka.
Après cela, on couchait dessus les Juifs et on les massacrait sans pitié. Des milliers d’enfants juifs furent jetés dans des puits ou enterrés vivants.
Les chroniqueurs juifs contemporains ajoutent que ces bêtes humaines s’abstenaient délibérément d’achever leurs victimes, afin de pouvoir les torturer plus longtemps. Ils leur coupaient les mains et les pieds, détaillaient les enfants en morceaux, «comme des poissons», ou les faisaient rôtir sur le feu.
Ils ouvraient les entrailles des femmes, y inséraient des chats vivants, puis recousaient les plaies.
La bestialité débridée des sauvages ivres s’exprimait dans ces affreux supplices dont même les Tatars étaient incapables.
Particulièrement tragique fut le sort des Juifs qui, dans l’espoir d’une plus grande sécurité, avaient fui les villages et les bourgades vers les villes fortifiées.
Apprenant que plusieurs milliers de Juifs s’étaient réfugiés dans la ville de Niemirov en Podolie, Khmelnitzki y envoya un détachement de Cosaques sous le commandement du Zaporogue Gania.
Ayant du mal à prendre la ville d’assaut, les Cosaques recourent à une ruse. Ils s’approchèrent de Niemirov, brandissant des bannières polonaises et demandant à entrer dans la ville.
Les Juifs, dupés en croyant que c’était une armée polonaise qui était venue à leur secours, ouvrirent les portes (20 Sivan = 10 juin 1648). Les Cosaques, aidés par les habitants russes locaux, tombèrent sur les Juifs et les massacrèrent. Les femmes et les filles furent violées.
Le rabbin et Rosh-Yeshiva de Niemirov, Jehiel Michael ben Eliezer, se cacha dans le cimetière avec sa mère, espérant ainsi au moins être enterré après sa mort. Là, il fut saisi par l’un des émeutiers, un cordonnier, qui commença à le matraquer. Sa mère âgée supplia le meurtrier de la tuer à la place de son fils, mais le cordonnier tua le rabbin d’abord, puis la femme âgée.
Les jeunes femmes juives étaient fréquemment laissées en vie, les cosaques et les paysans les forçant au baptême et les prenant pour épouses. Une belle fille juive qui avait été enlevée à cette fin par un cosaque réussit à le convaincre qu’elle était capable de jeter un sort sur les balles. Elle lui proposa de lui tirer dessus, afin de lui prouver que la balle glisserait sur elle sans lui faire de mal. Le cosaque déchargea son arme et la jeune femme tomba, mortellement atteinte, mais heureuse de savoir qu’elle avait été sauvée d’un sort encore pire.
Une autre fille juive, qu’un cosaque était sur le point d’épouser, se jeta du pont dans la rivière, tandis que le cortège nuptial se dirigeait vers l’église.
Au total, environ six mille Juifs périrent dans la ville de Niemirov. »
Au total, environ six mille Juifs périrent dans la ville de Niemirov. »
En 1650, les chefs religieux juifs du « Conseil des Quatre Pays » de Pologne instaurèrent une journée de jeûne le 20 Sivan, en commémoration du massacre de Niemirov. On y récite des selikhot et des kinoth composées par des rabbins témoins des événements. Cette tradition se perpétua jusqu’aux débuts du XXe siècle.
Les estimations des historiens sur le nombre de victimes juives dans les années 1648-1653 varient entre 50000 et 300000. Un tiers peut-être de la population juive totale. La plus grande catastrophe de l’histoire juive, en termes relatifs, jusqu’à la Shoah.
Finalement, en 1653, la rébellion prit fin. Les monarques de Pologne et de Russie la réprimèrent de façon très convaincante. Dix à douze mille cosaques furent exécutés publiquement, dont Khmielnicki lui-même. La direction de la révolte fut décapitée et elle ne captiva plus l’imagination du peuple.
Cependant Khmelnicki demeure pour les cosaques et les Ukrainiens un héros de leurs aspirations nationales et une grande statue en son honneur trône sur une des grandes places de Kiev.
Cependant Khmelnicki demeure pour les cosaques et les Ukrainiens un héros de leurs aspirations nationales et une grande statue en son honneur trône sur une des grandes places de Kiev.
(Illustration: le shtetl de Niemirov en 1930)
