Fondée au 13e siècle en tant que fortification contre les invasions tatares et mongoles par le prince Danylo de Galicie, puis léguée à son fils Lev (Léo) qui y construit la ville qui porte son nom, elle passe au 14e siècle sous la domination des rois polonais pour plus de 400 ans et devient un important centre de l’union polono-lituanienne.
Cité cosmopolite, elle est peuplée par de nombreux immigrants, allemands, tchèques, polonais, juifs, arméniens, tatars, moldaves, sarrasins, tant des marchands que des artisans invités par le roi Casimir le Grand pour développer les centres urbains de Pologne, et qui sont installés dans des quartiers spécifiques à chaque ethnie. Les paysans ukrainiens (ruthènes) vivent aux alentours.
En 1772, après le premier partage de la Pologne, la ville passe sous domination autrichienne, capitale de la Galicie orientale.
À partir des années 1890, elle sera soumise à une forte polonisation, les élites polonaises ayant obtenu dans la province une autonomie de fait, tandis qu’elle constitue aussi pour le mouvement national ruthène un « Piémont ukrainien ».
En 1939, suite au pacte secret Molotov-Ribbentrop, la région est envahie par l’Armée rouge et soviétisée.
Commence alors, une épuration féroce. De nombreux assassinats et déportations frappent les habitants polonais, ukrainiens et juifs jugés comme ennemis du régime. Les autorités offrent aux populations la possibilité d’adopter la citoyenneté soviétique. Ceux qui refusent sont jetés dans des trains et déportés en Sibérie. Nombreux parmi ceux qui se sont réfugiés dans la zone pour fuir les Allemands préfèrent retourner à l’ouest de crainte de ne jamais pouvoir retrouver leurs foyers s’ils acceptent la proposition. À la frontière des zones d’occupation allemande et soviétique, on voit ainsi des trains chargés de Juifs fuyant les Allemands croiser des trains chargés de Juifs fuyant les Soviets.
Des milliers d’intellectuels, de « bourgeois » de toutes origines sont jetés en prison. Lorsque les Allemands déclenchent l’opération Barbarossa, le 22 juin 1941, il n’est plus temps de les évacuer. Beria, le chef des forces de sécurité intérieures de Staline ordonne au NKVD de les exécuter.
Le pogrom fait rage pendant quatre jours, sans foi ni loi, du 30 juin au 3 juillet. Parmi les quelque 4 000 morts figurent de nombreuses femmes et enfants, ainsi que des personnalités juives de la ville, comme Henryk Hescheles, rédacteur en chef du quotidien juif polonais Chvila, et le rabbin Yecheskiel Levin de la Synagogue progressiste.
L’avocat Edmund Kessler, l’un des rares Juifs de Lemberg survivants du « Khurbn », décrit le pogrom dans ses mémoires comme une « orgie de fanatisme, d’effusion de sang, et de pillage ».
En fait, on sait que certains soldats allemands de la Wehrmacht, qui avaient libre accès aux prisons, ont également participé aux violences contre les Juifs.
Les auteurs n’ont pas à craindre de sanctions, puisqu’en vertu du décret juridictionnel du Haut Commandement de la Wehrmacht (OKW) du 13 mai 1941, les actes de violence commis par des militaires contre des civils ne devaient pas être punis, ce que beaucoup comprennent comme un appel à des attaques contre la population juive.
En même temps, il niera avoir jamais donné l’ordre de tuer.
Le témoin, l’ancien aumônier du bataillon, un responsable ukrainien de l’OUN, niera même catégoriquement qu’il y ait jamais eu de pogrom à Lviv. Faute de preuves, le parquet abandonnera les poursuites contre Oberländer, mais estimera qu’il était établi que les soldats de Nachtigall s’étaient rendus coupables du meurtre de nombreux Juifs.
Les commandants de la 1ère division d’infanterie de montagne de la Wehrmacht décriront également le pogrom comme une action spontanée de la population locale.
Le jour suivant, Lanz rapporté: « En ce qui concerne la conduite de la population ukrainienne, il s’est produit le 1.7. un véritable pogrom contre les Juifs et les Russes à Lemberg.
Bien que le commandant de la ville, le colonel Karl Wintergerst, nommé par la direction de l’armée, dispose de plusieurs bataillons et ait reçu l’ordre de prendre « toutes les mesures nécessaires pour maintenir la sécurité, la discipline et l’ordre » dans la ville de Lemberg, il laisse les hordes pogromistes accomplir leur besogne pendant des jours et n’arrête les émeutes pour la première fois, que lorsqu’elles entravent la progression des unités de la Wehrmacht.
Un soupçon encore plus grave pèse sur le commandant en chef de l’armée, le général Carl-Heinrich von Stülpnagel, qui aurait consciemment accepté et même approuvé le pogrom.
La preuve en est un rapport d’incident de l’Einsatzgruppe SS C, qui indique: « Le haut-commandement de la 17e armée a suggéré d’utiliser les Polonais anti-Juifs et anti-communistes vivant dans les zones nouvellement occupées à des fins d’auto-nettoyage. »
Stupnagel, entré dans la mémoire officielle allemande, comme héros de la résistance contre Hitler pour sa participation au complot du 20 juillet 1944 et son exécution, partageait pleinement la vision nazie du « bolchevisme juif ».
Les SS acceptèrent volontiers la suggestion de Stulpnagel. Dans un télex daté du 29 juin 1941, Reinhard Heydrich, chef du puissant Bureau principal de la sécurité du Reich (RSHA), donna l’instruction à tous les chefs de la force opérationnelle : « Aucun obstacle ne doit être opposé aux tentatives d’auto-nettoyage des cercles anti-communistes et anti-Juifs dans les zones nouvellement occupées.
Au contraire, il s’agit de les déclencher sans laisser de trace, de les intensifier, au besoin de les orienter dans le bon sens, sans que ces « groupes d’autoprotection » locaux puissent se référer ultérieurement aux ordres ou assurances politiques donnés. »
Après le pogrom de Lemberg, le chef de l’Einsatzgruppe C, Otto Rasch, fit rapport à Heydrich, que pendant les jours du pogrom, il y avait eu une « étroite coopération » entre les commandos spéciaux SS et la milice ukrainienne, qui s’étaient « attelés au travail de nettoyage « .
A partir du 2 juillet, l’Einsatzgruppe C prend alors en charge la poursuite « ordonnée » du meurtre de la population juive et de l’intelligentsia polonaise.
