La communauté juive de Munkacs jusqu’à la seconde guerre ondiale

Munkacs, située au carrefour des aires culturelles hongroise, ukrainienne, tchèque et slovaque, était la capitale commerciale de la région trans-carpatienne de l’Ukraine. La ville appartenait à la Hongrie jusqu’en 1920, à la Tchécoslovaquie de 1920 à 1938, et de nouveau à la Hongrie de 1938 à 1945.

Le Munkacs de l’entre-deux-guerres avait une très importante population juive, qui était particulièrement visible le jour du shabbat. Ce jour-là, la plupart des magasins étaient fermés et, après les offices, les rues se remplissaient de Juifs hassidiques vêtus de leurs costumes traditionnels. Le premier cinéma de la ville avait été fondé par un Juif hassidique et était également fermé le jour du shabbat et des fêtes juives.

Matériellement pauvres, mais riches en débats idéologiques, les Juifs de Munkacs de l’entre-deux-guerres constituaient près de la moitié de la population de la ville. La communauté juive de Munkacs était célèbre autant pour son activité hassidique ainsi que pour ses innovations en matière de sionisme et d’éducation juive moderne.

La population juive de Munkacs était passée de 2 131 en 1825, à 5 049 en 1891 (près de 50 pour cent de la population totale) à 7 675 en 1910 (environ 44 pour cent). En 1921, les 10 000 Juifs représentaient encore environ la moitié des habitants, mais en 1930, cette proportion était tombée à 43 %, avec un peu plus de 11 000 Juifs. Les Juifs de Munkacs constituaient 11 pour cent de la communauté juive de la Russie subcarpatique.

Au moins en partie en raison de leur isolement géographique, les Juifs de la Russie subcarpatique étaient parmi les plus pauvres d’Europe. Vivant au sein d’une majorité paysanne, un grand pourcentage des Juifs était employé dans les travaux manuels et agricoles. Environ 80 pour cent des Juifs de la région vivaient dans des petites villes ou des villages ruraux. Les habitants des deux grandes villes de Munkacs et d’Ungvar vivaient du petit commerce et de l’artisanat, même si un grand nombre d’entre eux étaient au chômage.

En 1935, Chaim Kugel, ancien directeur du lycée juif de Munkacs, puis délégué du Parti juif au Parlement tchécoslovaque, prononça un discours lors d’un débat parlementaire : « …Il est totalement impossible de décrire de manière adéquate la pauvreté dans la région. Les Juifs… sont touchés au même titre que les autres…. Je souhaite vivement protester contre toute tentative visant à imputer aux Juifs la pauvreté de la paysannerie ruthène des Basses-Carpates”. La politique gouvernementale était secrètement dirigée contre les Juifs, qui supportaient une lourde part des impôts et avaient du mal à obtenir des postes élevés dans la fonction publique.

En 1939, les Hongrois s’emparèrent et annexèrent la Rus des Basses-Carpates, y compris Munkacs, profitant du démembrement de la Tchécoslovaquie. Bien qu’une législation antisémite ait été introduite par les autorités hongroises, la Rus des Basses-Carpates, comme le reste de la Hongrie, est restée un refuge relatif pour les Juifs jusqu’à ce que l’Allemagne occupe la Hongrie en 1944.