En ce temps là il n’y avait ni Facebook ni Internet…

On se réunissait chez l’un ou chez l’autre autour d’un “glous tey” avec un morceau de leykekh.

Une fois passées les discussions traditionnelles concernant les enfants, la santé et le travail, il y avait toujours quelqu’un dans l’assemblée pour lancer la série des blagues en Yiddish.

Moi, tout môme que j’étais, je ne comprenais pas toujours le sens de certaines blagues mais j’adorais ce moment ou la joie et le rire entraient dans la maison. Certains finissaient pliés en deux quand d’autres sortaient les mouchoirs pour essuyer des larmes qu’ils ne pouvaient contenir.

Pour les plus atteints il y avait cette expression “Ikh hob mir oysgepisht in di mayke” que l’on peut traduire par “Je me suis pissé dans la culotte”. Nous étions dans les années 50-60’s et les personnes dont j’évoque le souvenir ici avaient tous vécu l’enfer quelques années auparavant.

Dans ce domaine de l’humour Yiddish nous avions notre champion.

Il s’appelait Srul et tenait une petite échoppe de réparation de chaussures à Belleville. Son stock de blagues était inépuisable et son talent était incomparable pour les raconter. Il avait ce pouvoir d’imagination qui lui permettait d’inventer une nouvelle histoire en partant d’un évènement anodin tout comme il pouvait reprendre une blague archi-connue et vous l’emballer de telle manière que vous aviez l’impression de l’entendre pour la première fois. Il n’est plus de ce monde depuis bien longtemps mais parfois je me dis que ceux qui partagent son caveau de société à Bagneux ne doivent pas s’ennuyer en sa compagnie.

Aujourd’hui nous avons Internet et Facebook. Il suffit de taper “blagues juives” dans Google et de faire un copier/coller pour devenir en deux secondes un conteur. Comme tout le monde va faire ses courses aux mêmes endroits on nous ressert évidemment toujours et encore les mêmes plats. Il faut vivre avec son époque me direz-vous et vous avez certainement raison mais pour ma part j’échangerais bien une centaine de ces blagues connues contre un petit texte original de Jean-Claude Lonka