Ephéméride | Harvard [13 mars]

13 mars 1639

New College, la plus ancienne université des Etats-Unis, est rebaptisée Harvard en l’honneur d’un généreux donateur. Au cours des années 20, l’université mit en place, comme d’autres universités d’élite, une politique visant à restreindre le nombre de ses étudiants juifs.

Pendant et après la Première Guerre mondiale, la communauté juive américaine devint la cible de l’antisémitisme de divers groupes sociaux, notamment le Ku Klux Klan et divers défenseurs des restrictions à l’immigration. Les universités de la « Ivy League » ne faisaient pas exception, et plusieurs de ces établissements vénérables modifièrent les conditions d’admission pour restreindre la proportion d’étudiants juifs au cours des années 1920. Cependant certains étudiants juifs à Harvard, le flambeau de l’éducation américaine, ne tinrent pas ces restrictions pour acquises.

Le nativisme et l’intolérance dans certaines couches de la population protestante blanche visaient à la fois les Juifs d’Europe de l’Est et les catholiques d’Europe du Sud. Dans l’enseignement supérieur, les Juifs étaient particulièrement mal vus. En 1919, environ 80% des étudiants des Hunter College et City College de New York étaient juifs et 40% de ceux de Columbia. A Harvard, la proportion de Juifs en première année, avait triplé entre 1900 et 1922, passant de 7% à 21%.

Dans les universités de la « Ivy League », les Juifs remportaient une part disproportionnée des distinctions académiques et des élections à Phi Beta Kappa (association qui regroupe les 10% des meilleurs étudiants des 10% des meilleures universités), mais étaient largement considérés comme compétitifs, désireux d’exceller au plan académique et moins intéressés par les activités parascolaires telles que les sports collectifs. Les non-juifs les accusaient d’être claniques, dépourvus de savoir-faire social et ne voulant pas ou ne pouvant pas s’intégrer.

En 1922, le président de Harvard, A. Lawrence Lowell, proposa d’instaurer un quota sur le nombre de Juifs accédant à l’université. Lowell était convaincu que Harvard ne pouvait survivre que si la majorité de ses étudiants étaient de vieille souche américaine.

Lowell soutenait que réduire le nombre de Juifs à Harvard à un maximum de 15% serait bon pour les Juifs, parce que ces limites empêcheraient la montée de l’antisémitisme. Lowell raisonnait: « Le sentiment antisémite parmi les étudiants augmente, et il croît proportionnellement à l’augmentation du nombre de Juifs. Si leur nombre devait atteindre 40% du corps étudiant, l’hostilité raciale deviendrait intense. »

Le combat contre les quotas de Juifs à Harvard fut mené par Harry Starr, un étudiant de premier cycle et fils d’un immigrant russe qui avait établi la première boucherie casher à Gloversville, New York.
Comme président de la Menorah Society, la principale organisation étudiante juive de Harvard, Starr organisa une série de réunions entre étudiants juifs et non-juifs, avec des professeurs et des administrateurs de l’université pour discuter du quota proposé par Lowell. Les réunions étaient souvent houleuses et pénibles. Comme Starr l’a rappelé dans un compte rendu publié en 1985, que l’on peut trouver à l’American Jewish Historical Society: « Nous avons compris que c’était le nombre qui comptait; qu’ils soient mauvais ou bons, on aimait pas qu’il y ait trop de Juifs. Riches ou pauvres, brillants ou médiocres, raffinés ou mal dégrossis – le problème était: trop de Juifs. »

Starr insistait sur le fait qu’il ne pouvait y avoir aucun « problème juif » à Harvard ou en Amérique. « Le Juif ne peut pas se considérer comme un problème … Né ou naturalisé dans ce pays, c’est un Américain à part entière. »
Si admettre à Harvard tous les Juifs qui répondaient aux exigences académiques devait entraîner un changement dans la composition sociale traditionnelle du corps étudiant, qu’il en soit ainsi.
Starr refusait d’entendre parler d’une souche américaine « pure » comme un moyen de limiter les admissions juives à Harvard. « La tolérance », écrit-il dans le Menorah Journal, « ne doit pas être administrée comme de l’huile de ricin, les yeux fermés et les mâchoires serrées ».

Lowell reçut beaucoup de critiques publiques, en particulier dans la presse de Boston. Les superviseurs de Harvard nommèrent un comité de 13 membres, dont trois Juifs, pour étudier le « problème juif » de l’université.
Le comité rejeta un quota juif mais considéra que la « diversité géographique » des étudiants était souhaitable. Harvard avait utilisé un concours pour déterminer qui était admis, et les étudiants juifs d’origine urbaine obtenaient de bons résultats à l’examen.
Les écoles publiques urbaines telles que la Boston Latin Academy préparaient intensivement leurs étudiants, dont beaucoup étaient juifs, à passer le test d’admission de Harvard.
Le comité spécial recommanda que l’examen compétitif soit remplacé par une politique d’admission qui accepterait les meilleurs étudiants de toutes les parties du pays, peu importait les résultats aux examens.
De la sorte, en 1931, parce que une partie des étudiants des États urbains étaient remplacés par des étudiants du Wyoming et du Dakota du Nord qui se classaient en tête de leurs classes de lycée, les rangs juifs à Harvard furent réduits à 15% du corps étudiant.

À la fin des années 1930, James Bryant Conant, le successeur de Lowell à la présidence, assouplit les exigences en matière de répartition géographique, et les étudiants juifs furent de nouveau admis principalement sur la base du mérite.
A Yale, les quotas d’admission de Juifs se prolongèrent jusqu’aux années 60.