20 mars 1602
Fondation de la Compagnie hollandaise des Indes orientales. Grace aux Juifs, Amsterdam allait bientôt devenir la capitale mondiale du diamant.
Lorsque les armateurs chrétiens d’Amsterdam fondèrent la Compagnie hollandaise des Indes orientales en 1602, ils décidèrent qu’aucun Juif ne devait devenir un cadre supérieur ou un administrateur de la Compagnie.
Les statuts de la Compagnie hollandaise des Indes orientales suscitèrent beaucoup d’étonnement à l’époque. Il s’agissait de la première expérience de société par actions dans laquelle les actions étaient négociables.
Au début, les Juifs n’investirent pas dans la Compagnie car ils ne voulaient pas financer une entreprise qui était en concurrence directe avec eux et qui manifestait des préjugés contre les Juifs en leur interdisant de devenir administrateurs. Seuls deux Juifs comptaient parmi les actionnaires initiaux de la compagnie – Stephanus Cardoza, qui souscrivit des actions pour la valeur de 1800 florins, et Elizabeth Pinto, qui investit 3000 florins.
Cependant, à mesure que la Compagnie hollandaise des Indes orientales gagnait en influence et en puissance, les Juifs rachetaient peu à peu ses parts et, à la fin du XVIIe siècle, devinrent les principaux actionnaires en Hollande, contrôlant un quart des actions.
Au milieu du dix-septième siècle, l’assistance aux Juifs nécessiteux d’Amsterdam fut financée par une taxe municipale sur les actionnaires juifs de la Compagnie des Indes, qui constituait la principale source de revenus de la communauté à cette époque et pour bien des années encore.
Jusqu’au début du dix-huitième siècle, l’approvisionnement en diamants du monde entier venait de l’Inde. Les caravanes qui les amenaient à travers l’Arabie échangeaient ces pierres rares à des marchands juifs à Aden et au Caire contre de l’or et de l’argent. Les marchands juifs orientaux les revendaient ensuite aux marchands juifs de Venise, de Lituanie et de Francfort. C’était une activité naturelle pour les Juifs disséminés dans toute l’Europe centrale: puisqu’ils étaient des prêteurs d’argent, ils devaient se préoccuper d’évaluer, de réparer et de vendre des gemmes qui leur avaient été déposées en garantie de prêts. Ils avaient aussi des liens étroits avec les centres commerciaux juifs de l’Empire ottoman à travers lesquels tous les diamants indiens passaient.
De plus, la taille et le polissage des diamants étaient l’un des rares métiers auxquels les Juifs pouvaient participer hors des guildes médiévales d’Europe fermées aux Juifs. Pour la plupart des Juifs, il n’y avait pas de choix à cette époque: s’ils voulaient exercer une profession, il fallait que ce soit le polissage de pierres précieuses ou le prêt d’argent. Dans les deux cas, ils traitaient des diamants.
Au seizième siècle, quand les Portugais eurent réussi à établir une route maritime vers l’Inde, les caravanes furent supplantées par des bateaux. Les Juifs du Portugal, qui étaient principalement des Juifs séfarades, prirent rapidement des dispositions à Lisbonne pour que les officiers des navires achètent directement des diamants aux mineurs indiens de Goa. Et Lisbonne devint le principal point d’entrée en Europe pour les diamants.
Des entrepreneurs juifs installèrent alors des ateliers de taille à Lisbonne (et aussi à Anvers). Ils employèrent les Juifs ashkénazes les plus pauvres d’Europe de l’Est comme tailleurs et polisseurs dans ces usines. Jusqu’à la fin du XVIe siècle, l’industrie du diamant prospéra.
Pendant l’Inquisition, les diamants s’avérèrent être un atout précieux pour les Juifs. Contrairement à presque tous les autres biens, ils étaient assez petits pour être dissimulés sur le corps; et ils étaient aussi immédiatement échangeables contre de l’argent dans n’importe quel pays d’Europe. Pour le peuple juif, qui vécut pendant des siècles dans la crainte constante d’être expulsé de ses foyers, les diamants devinrent un moyen logique de stocker et préserver leur avoirs.
Lorsque les marchands et les travailleurs juifs du diamant furent contraints par l’Inquisition à fuir Lisbonne et Anvers, ils se réinstallèrent à Amsterdam. Puisque les usines de taille ne nécessitaient aucun équipement, à l’exception des outils à main, qui étaient portables, les Juifs transformèrent immédiatement Amsterdam en centre diamantaire de l’Europe. Au milieu du XVIIe siècle, des marchands de diamants juifs aidèrent à financer la Compagnie hollandaise des Indes orientales, qui organisait sa propre route commerciale vers l’Inde. Amsterdam remplaça alors Lisbonne comme port d’entrée en Europe pour les diamants indiens.
Juste au moment où les filons diamantifères de l’Inde commencèrent à cesser de produire, d’autres furent découverts en 1725 au Brésil. Les Hollandais manoeuvrèrent pour prendre le contrôle de ce trafic, mais ils devaient maintenant faire face à la montée de la puissance maritime britannique. Au milieu du dix-huitième siècle, les Britanniques avaient presque entièrement repris le commerce des diamants, à la fois depuis l’Inde et depuis le Brésil. Lorsque le centre de négoce des diamants bruts passa d’Amsterdam à Londres, les marchands de diamants juifs aussi. En Angleterre, ils obtinrent des licences pour l’importation de diamants bruts et organisèrent rapidement un commerce triangulaire d’argent, de corail et de diamants.
L’argent était exporté vers Livourne, en Italie, où le produit des ventes était utilisé pour acheter du corail; le corail était ensuite importé en Angleterre et le produit servait à acheter des diamants du Brésil et de l’Inde. Les commerçants juifs envoyaient les diamants à des usines de taille qui avaient été rétablies à Anvers, et de là, les bijoux étaient vendus à toutes les cours royales d’Europe. Pour sélectionner et évaluer ces diamants, les tribunaux choisissaient des experts juifs, connus sous le nom de «Juifs de cour». En Suède, c’était la famille Isaac; à Hambourg, c’était la famille Lippold; à Vienne, c’était la famille Oppenheim.
Selon les registres de la Compagnie britannique des Indes orientales, les commerçants juifs contrôlaient pratiquement la totalité du trafic mondial de diamants à la fin du dix-huitième siècle. Cependant, les filons brésiliens s’épuisaient rapidement et l’Inde n’en produisait plus. Mais au moment même où il semblait que le monde allait manquer de diamants, les mines sud-africaines furent découvertes dans les années 1860.
En octobre 1871, Cecil Rhodes rejoint son frère Herbert pour chercher fortune dans la colonie britannique du Cap. Sur les champs diamantifères, le jeune Rhodes se montre audacieux et inventif. Avec son frère, C.J. Rhodes commence à creuser pour trouver des diamants mais très vite, il réalise que vendre du matériel (telle des pelles) et des denrées alimentaires aux mineurs est plus rentable. Il prend aussi conscience que le contrôle de la production de diamant permet de déterminer les prix du marché à Londres. Il se donne alors l’objectif de construire un monopole sur les champs de Kimberley pour influer sur les prix du marché. Son frère Herbert, dépassé et dépité comme beaucoup de mineurs par la dureté de la prospection minière, abandonne pour sa part les champs diamantifères et laisse son jeune frère à ses affaires et à ses ambitions.
C.J. Rhodes réalise ses premiers profits par la vente de matériels et de denrées alimentaires, avec lesquels il rachète progressivement les concessions minières à des prospecteurs qui ne trouvent rien et qu’il rassemble en une concession unique. Il tisse également un réseau de relations d’affaires avec les diamantaires influents de Kimberley avec lequel il s’engage à travailler. À partir de 1885, toutes les mines de diamants de la région de Kimberley lui appartiennent à quelques exceptions près.
En mars 1888, après avoir triomphé de son unique rival, Barney Barnato, Rhodes forme l’entreprise De Beers Consolidated Mines contrôlant 90 % de la production mondiale de diamants.
En 1893, Rhodes s’engage à vendre toute la production de diamants de la De Beers à un syndicat composé de dix entreprises. Il s’agissait de Wernher, Beit & Company, de Barnato Brothers, de Mosenthal Sons & Company, de A. Dunkelsbuhler, de Joseph Brothers, de I. Cohen & Company, de Martin Lilienfeld & Company, de F. F. Gervers, de S. Neumann et de Feldheimer & Company. Toutes ces entreprises étaient interconnectées par le mariage et les liens familiaux, et toutes appartenaient à des marchands juifs.
Commence alors la saga Oppenheimer, mais cela mérite un autre article…
