Ephéméride |Leopold (Leyb) Pilichowski [23 Mars]

23 mars 1869

Naissance à Pila (Pologne) de Leopold (Leyb) Pilichowski, peintre de la réalité sociale des Juifs polonais.

Leopold Pilichowski reçoit une éducation juive primaire dans son village natal et étudie ensuite l’art à Łódź.
Là, il passe un certain temps en compagnie du peintre Szmul Hirszenberg (à qui il était apparenté) et de l’écrivain hébreu David Frishman.
Pilichowski poursuit ses études à l’Académie des beaux-arts de Munich et plus tard à l’Académie Julian à Paris.
En France, il peint des portraits, des scènes de rue parisiennes et des nocturnes. En 1891, il expose un tableau intitulé « Pierwsze jesienne liście » (Premières feuilles d’automne).

En 1894, Pilichowski tient sa première exposition à Łódź. Il s’y installe à nouveau et vers 1895 peint ses premières œuvres à thèmes juifs.
« Robotnik-farbiarz wełny » (un teinturier juif, vers 1895, Musée national de Varsovie) et « Dolce farniente » (Douce paresse, vers 1895), en particulier saisissent la pauvreté des Juifs dans cette ville.
Son implication dans le commentaire social le conduit à peindre des colporteurs juifs, des immigrants, des vagabonds, dans des moments de repos dans une gare, appuyés, désespérés contre un mur, ou sommeillant sur les marches d’un bâtiment.
Les titres de ce cycle comprennent son « Na dworcu kolejowym » (A la gare, ou les émigrants, avant 1901, Musée d’art, Łódź), « Spokój » (Repos, avant 1903), et « Tułacze » (Les fatigués, avant 1903).
Ce style de peinture culmine dans la « Pietá » de Pilichowski (avant 1911), montrant un Juif en deuil assis sur le sol à côté du corps enveloppé d’une victime de pogrom.
Pilichowski dépeint également les coutumes juives traditionnelles tournant autour de la prière et de l’étude. « Przy Talmudzie » (au Talmud) et « W swobodnyem czasu » (Dans un moment libre), tous deux avant 1903, montrent des Juifs appauvris dans des moments de dignité, profondément engagés dans l’étude de textes religieux. Il représente des fêtes et des jours saints dans son « Sukot » (Souccot, 1894-1895, Musée juif, New York) et « Jom Kipur » (Yom Kippour, avant 1910).

Il se rend à Paris en 1904 avec sa femme et ses jeunes enfants et s’y installe jusqu’en 1914.
Pendant son séjour à Paris, des troubles éclatent à Łódź qui vont se transformer en pogrom. Le journal l’Illustration raconte les faits et reproduit des peintures de Pilichowski, qui avaient été exposées à Paris et qui montrent la misère des Juifs de Łódź9:

« Il y a quinze jours, tout le monde, en France, ignorait, ou à peu près, l’existence de la ville de Lodz, en Pologne. Les villes heureuses n’ont pas d’histoire!….
Croupissant dans une misère noire, inquiétés, d’autre part, à cause de leur religion, par l’autorité, les juifs de Lodz s’efforcèrent de quitter cet enfer. Le « sionisme » en fournit à nombre d’entre eux le moyen. Ils émigrèrent en masse en Amérique. Le socialisme s’en mêla, remua les ouvriers non israélites et aussi maltraités, au point de vue du gain, que les juifs. La population ouvrière de Lodz tout entière fermenta : on sait quel a été, ces jours derniers, le résultat de ce lamentable état de choses.
Une première bagarre eut lieu, le 18, entre ces miséreux et la police. Il y eut de nombreuses victimes. Une question confessionnelle s’étant élevée au sujet des funérailles, les socialistes s’unirent résolument aux juifs. Le 20, 70 000 manifestants se heurtaient à la police. On éleva des barricades. Il y eut, dans les rues, de véritables batailles rangées. La police et la troupe furent sans pitié. Pendant plusieurs jours, ce furent d’indescriptibles boucheries.
Nous avons eu la bonne fortune de découvrir, à Paris, un peintre qui nous apporte sur la vie populaire dans cette malheureuse ville, des documents d’un haut intérêt et d’un réalisme très sincère. C’est M. Léopold Pilichowski, un exposant fidèle de nos Salons. Fils d’un humble cultivateur des environs de Lodz, M. Pilichowski a connu, au début de la vie, toutes les misères des pauvres, et c’est à force d’énergie et de persévérance qu’il parvint à poursuivre ses études artistiques, à Munich, puis à Paris. Maître de son art, il a consacré le meilleur de son talent à représenter les scènes de la vie juive à Lodz et dans la région, son pays natal. Ses modèles favoris ont été ses coreligionnaires infortunés, et l’on peut penser qu’il a mis à les peindre le meilleur de lui-même. Nous connaissons admirablement, par lui, les types de ces pauvres diables que, depuis une huitaine, on fusille en masse dans les rues de la grande ville polonaise. »

À partir de 1908, Pilichowski devient un sioniste engagé, et il peint des portraits de personnalités, Max Nordau, Naḥum Sokolow, Ahad Ha-Am et Ḥayim Naḥman Bialik.
Son portrait le plus célèbre (maintenant dans les Archives centrales sionistes à Jérusalem) montre Theodore Herzl debout sur une montagne comme s’il fixait la terre promise.

Son symbolique « Drzewo wolności » (Arbre de liberté, 1911) montre des immigrants juifs européens réunis autour d’un cyprès sur les collines de Jérusalem.
En 1925, il visite la Palestine, où il peint son « Otwarcie Uniwersytetu w Jerozolimie » (Ouverture de l’Université hébraïque de Jérusalem), un portrait de groupe montrant plus de 120 personnes, dont lui-même.

En 1914, Pilichowski s’installe à Londres où il peint les Juifs appauvris de Whitechapel.
Il devient président de l’organisation des Juifs polonais à Londres et de la Ben Uri Art Society (1926-1932).

Il meurt à Londres soit en 1933 selon certains, mais plus vraisemblablement en 1934.