Ephéméride | Le décret de l’Alhambra [31 Mars]

31 mars 1492

Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille signent le décret de l’Alhambra ordonnant l’expulsion d’Espagne des Juifs qui refusent la conversion. Un événement, le Gueroush Sefarad (גירוש ספרד), qui a marqué la conscience collective juive comme un des épisodes les plus tragiques de son histoire. Dans leurs pérégrinations, certains d’entre eux arrivèrent jusqu’en Pologne où ils fondèrent la communauté juive de Zamosc.

La ville de Zamosc, située dans la province de Lublin à l’est de la Pologne, fut fondée à la fin du XVIe siècle sur les terres d’un ancien village appartenant à Jan Zamoyski (1542-1605), homme d’État polonais, général et grand chancelier de la couronne de Pologne sous le règne de Stephen Bathory (1576-1587).
Jan Zamoyski, qui avait fait ses études en Italie, contribua à introduire en Pologne des idées humanistes reflétées dans ses politiques au niveau national et local. Zamosc, parfois nommée « Padoue de l’Est », fut conçue par l’architecte italien Bernardo Morando (1540-1600), originaire de Padoue, selon les principes de « Citta ideale » (« Ville idéale ») et il représente le seul complexe urbain complet de la Renaissance en Pologne.

Conformément à sa politique éclairée et à son attitude tolérante, Jan Zamoyski invita dans sa ville de nouveaux colons de diverses origines: Polonais, Arméniens, Grecs, Italiens, Hongrois, Écossais et Juifs. Cette politique contribua à renforcer la vie économique et culturelle de Zamosc et à créer un îlot de tolérance à une époque où d’autres pays catholiques en Europe persécutaient les Juifs et les protestants.

Les premiers Juifs s’installèrent à Zamosc en 1588, huit ans après la fondation de la ville. C’était des séfarades venant de l’Empire ottoman et de Venise et ils établirent ainsi la communauté séfarade la plus septentrionale d’Europe de l’Est. Ils reçurent des droits égaux qui comprenaient une exonération fiscale pour 25 ans et le droit d’établir leur propre communauté à condition qu’ils n’acceptent dans leur communauté que des Juifs d’origine espagnole et portugaise. Les privilèges étendus accordés aux Juifs comprenaient le droit de posséder des maisons, de construire une synagogue en briques et un mikveh, et d’établir un cimetière. Au plan professionnel, ils étaient libres de s’adonner à la plupart des activités, à l’exception de la fabrication de chaussures, de la pelleterie et de la poterie.

Le quartier juif était situé autour de Rynak Solny (le marché au sel), Ulica Zydowska (la rue juive) (aujourd’hui Ulica Zamenhofa), et Ulica Pereca, dans la partie nord-est du centre-ville. Un quartier juif plus récent se développa au début du 19ème siècle dans la zone s’étendant de Stara Brama Lwowska vers Nowa Osada.
La communauté séfarade originelle cessa d’exister dans les années 1620 suite à une crise économique induite par l’accumulation de créances irrécouvrables des débiteurs polonais. Attirés par l’importance commerciale de la ville, les Juifs ashkénazes commencèrent à s’installer également à Zamosc au début du 17ème siècle. L’afflux de Juifs ashkénazes s’accrut dans les années 1640, en particulier par les réfugiés fuyant les pogroms perpétrés par les troupes de Chmelniecki lors de la révolte ukrainienne contre la domination polonaise. Bien que Zamosc ait résisté au siège, de nombreux Juifs moururent du fait de la famine et des maladies.

Les Juifs étaient tenus de payer des impôts selon un système introduit dans la seconde moitié du 16ème siècle, qui resta largement en vigieur jusqu’au début du 19ème siècle. Il y avait des impôts pour le propriétaire local, les autorités de la ville, et un impôt par tête (capitation) au profit de l’Etat.
Les nombreuses guerres menées par la Pologne au XVIIe siècle entraînèrent une augmentation massive du montant de la capitation qui, à la fin du XVIIe siècle, était presque dix fois plus élevée que cent ans plus tôt.
Dans le même temps, le statut juridique des Juifs s’était détérioré avec de nouvelles restrictions imposées à leurs droits résidentiels à Zamosc.
En 1765, cependant, la population juive de Zamosc et de ses communautés avoisinantes comptait 1 905 individus.

Alors que les juifs séfarades étaient actifs dans la finance, certains habitants juifs de Zamosc plus récents établirent de petites entreprises commerciales qui vendaient du bois, des céréales et du bétail. D’autres étaient des artisans, principalement des tailleurs, des serruriers, des ferblantiers et des charpentiers.
Il y avait en outre des Juifs qui louaient des parcelles de terrain. Un permis spécial accordé par le propriétaire Michal Zdzislaw Zamoyski en 1726, confirma les privilèges antérieurs pour la production et la vente de boissons alcoolisées déjà promulguées à des conditions spéciales en 1631. Les Juifs avaient le droit d’abattre les bovins et de vendre de la viande cachère et non cachère vprovenant d’endroits séparés dans les étals publics sans aucune opposition de la guilde des bouchers.

Au cours des dernières années du royaume indépendant de Pologne à la fin du XVIIIe siècle, dix-huit familles juives quittèrent Zamosc, à la suite des efforts des autorités polonaises pour encourager les Juifs à pratiquer l’agriculture et déménagèrent dans les villages environnants.
Le début de l’industrie au début du 19ème siècle, vit l’apparition d’un certain nombre de petites usines, établies par les Juifs, qui employaient d’autres Juifs. En 1846-1847, il s’agissait d’une cave viticole, de trois briqueteries, de trois moulins à farine, d’une savonnerie et de quelques scieries.

À la suite des divisions de la Pologne à la fin du 18ème siècle, Zamosc fut occupée par les Autrichiens de 1772 à 1809, année où elle fut incluse dans le nouveau Grand Duché de Varsovie à la suite des campagnes militaires des guerres napoléoniennes qui causèrent de graves destructions à Zamosc.
À la suite du Congrès de Vienne en 1815, Zamosc et ses environs furent occupés par les Russes et, dans le cadre du « Royaume du Congrès », la Pologne resta sous domination russe jusqu’à la Première Guerre mondiale. Le régime russe était moins favorable aux Juifs.

Le gouverneur de Zamosc, en 1830, envisagea même d’expulser toute la communauté juive de la ville en punition de leur refus de procéder à un recensement des Juifs locaux.
Les Juifs furent interdits d’entrer dans la ville pendant un certain nombre d’années au cours des années 1830.
En 1845, de nouvelles taxes furent introduites pour le droit de porter des vêtements traditionnels juifs.
Pendant les insurrections polonaises de 1830 et 1863, beaucoup de Juifs de Zamosc se rangèrent du côté des Polonais.
En 1870, huit Juifs locaux furent accusés de vol dans le camp militaire russe local; ils furent épargnés d’une éventuelle peine de mort seulement après l’intervention de personnalités juives étrangères et de l’Alliance Israélite Universelle de France. La population juive de Zamosc passa de 2490 en 1856 à 7034 en 1897 et à 9000 en 1909, représentant respectivement environ 50% et 63% de la population totale de la ville.

La première synagogue en bois de Zamosc fut érigée à la fin du XVIe siècle, à l’occasion de l’ouverture d’un cimetière juif. L’impressionnante synagogue de style Renaissance fut construite dans les années 1610.
La communauté juive de Zamosc étendait son autorité sur un certain nombre de petites communautés dans la campagne environnante: Laszczow, Bilgoraj, Frampol, Krasnobrod, Zolkiewka, Wysokie et Modliborzyce.

Les idées messianiques du sabbataïsme et plus tard celles des frankistes reçurent peu d’écho à Zamosc.
Le mouvement hassidique eut plus de succès dans les petites communautés rurales autour de Zamosc. Ce n’est que vers le milieu du 19ème siècle que le nombre de Hassidim devint important en majorité partagée entre les adeptes des rabbins de Belz et de Gur.
La domination autrichienne à la fin du 18ème siècle facilita l’introduction du mouvement des lumières à Zamosc. L’influence autrichienne suscita la création d’écoles judéo-allemandes.
Au 19ème siècle, les Juifs de Zamosc entreprirent de gros efforts pour faire progresser l’éducation locale.
En 1886, l’intelligentsia locale mit en place une école juive pour les garçons dont le programme comprenait des matières telles que le russe et les mathématiques. D’autres enfants juifs étaient envoyés au lycée d’état ainsi qu’à un lycée privé. Vers la fin du XIXe siècle, le nombre d’étudiants juifs dans les établissements d’enseignement supérieur augmenta.

D’autres activités de la communauté juive étaient dirigées vers l’assistance aux nécessiteux. Les services de santé reçurent une impulsion avec l’ouverture du Bikur Holim dans la seconde moitié du 19ème siècle; et en 1911 de Linat Zedek, une petite clinique qui évolua ensuite en un hôpital de 24 lits. La communauté exploitait également une cantine cachère pour les soldats juifs de la garnison locale de l’armée russe, une maison de retraite, et un fonds d’aide mutuelle qui accordait des prêts sans intérêt aux commerçants et artisans juifs. Une deuxième synagogue fut construite dans le district de Nowa Osada en 1872 et agrandie entre 1909 et 1913.

La répression politique croissante du régime tsariste au cours des dernières décennies du XIXe siècle et au début du XXe siècle eut un double effet: d’une part, le nombre de Juifs émigrés augmenta, principalement vers les États-Unis; d’autre part, l’engagement politique des Juifs de Zamosc se développa considérablement, beaucoup rejoignant le Bund – le parti socialiste juif dont la branche locale ouvrit en 1903 – et le parti socialiste sioniste Poalei Zion. La révolution russe de 1905 fut bien accueillie par les travailleurs juifs de Zamosc qui exigèrent une amélioration de leurs conditions de travail. La répression qui suivit entraîna de nombreuses arrestations et même des déportations en Sibérie.

Au début de la première guerre mondiale, l’armée austro-hongroise occupa Zamosc en septembre 1914. Lorsque l’armée russe reprit Zamosc, les Juifs furent accusés de s’être rangés du côté des Autrichiens et, en conséquence, les Russes exécutèrent 11 Juifs. L’armée austro-hongroise repris la ville en 1915 et l’occupa jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale.
De nombreux habitants quittèrent la ville à cause des combats, d’autres périrent dans une épidémie de typhus qui éclata en 1916.

Depuis la fin de 1918, Zamosc fait partie de la République de Pologne. Au cours de la période entre les deux guerres mondiales, et malgré une émigration continue particulièrement forte parmi les jeunes, il y eut une augmentation significative de la population juive qui passa de 9.383 en 1921 à environ 12.000 au début de la deuxième guerre mondiale, représentant ainsi environ 45 % de la population totale.

La Première Guerre mondiale et la guerre entre la Pologne et la Russie soviétique qui suivit eurent des conséquences graves sur les Juifs de Zamosc. L’activité économique put être réorganisée seulement au début des années 1920. Le niveau de vie recommença cependant à décliner à cause de la Grande Dépression qui frappa durement l’économie polonaise et en raison des politiques anti-juives du gouvernement polonais.
La plupart des Juifs locaux étaient employés dans des petites entreprises et une industrie prometteuse qui pourvoyait aux besoins de la campagne polonaise. Il y avait des syndicats juifs qui défendaient les droits des boulangers juifs, des vendeurs, des travailleurs du transport et du bois, ainsi qu’une association de commerçants et une union d’artisans religieux fondée au début des années 1930.

L’activité sioniste s’intensifia pendant l’occupation autrichienne de Zamosc pendant la Première Guerre Mondiale. Une branche de Mizrachi ouvrit ses portes en 1916, suivie l’année d’après par une conférence sioniste à laquelle assistaient des délégués d’autres villes de la région. Le sionisme se renforça au cours des années 1920, presque tous les principaux partis sionistes attirant des partisans parmi les Juifs de Zamosc. Les mouvements de jeunesse sionistes comprenaient Tze’irei Mizrachi (1918), Hashomer Hatzair (1919), Freiheit (= Dror, 1929), Beitar (1929), Hanoar Hazioni (19129) et Gordonia (1931).
La formation agricole des émigrants aspirants à l’aliyah en Eretz Israël était organisée à Avigdoria, une ferme appartenant au mouvement Hechalutz installée sur les terres appartenant à l’activiste sioniste local Avigdor Ilander.
Brith Hahayal et Brith Yeshuron attiraient respectivement des membres des mouvements révisionnistes et des mouvements sionistes révisionnistes religieux. Un certain nombre de Juifs de Zamosc émigrèrent en Eretz Israël durant l’entre-deux-guerres. Le mouvement sioniste encouragea et parraina des clubs sportifs juifs à Zamosc: Maccabi (à partir de 1912), Nordiya (1932) et Hapoel.

Les partis politiques juifs actifs à Zamosc comprenaient les sionistes généraux, les sionistes socialistes, Poalei Zion, Mizrachi et les révisionnistes. Outre le groupe sioniste qui était dominé par les socialistes – ils obtinrent la majorité absolue lors des dernières élections tenues juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale -, les autres partis politiques incluaient l’Agudat Israël, un parti conservateur religieux, le Bund qui, avec son mouvement de jeunesse Tsukunft (Futur) contrôlait une grande partie des syndicats locaux et un petit groupe de communistes actifs dans l’illégalité.
Tous les partis politiques avaient des représentants au Conseil de la communauté, l’organe administratif principal de la communauté juive locale. La communauté contribuait à aider les familles les plus pauvres, en particulier pendant les années de crise économique. La communauté administrait un orphelinat, l’hôpital juif et l’organisation de santé TOZ.

Des Juifs furent élus au conseil municipal de Zamosc. En 1928, la moitié de ses 24 membres étaient juifs, mais en 1929 leur nombre diminua à six seulement (un quart du total), et resta inchangé en 1939, lorsque les dernières élections eurent lieu. L’attitude générale à l’égard des Juifs s’aggrava au cours des années 1930 à cause de l’antisémitisme grandissant en Pologne. À Zamosc, il s’exprima par les boycotts des établissements juifs ainsi que par les attaques violentes contre les Juifs et leurs biens.

La première école hébraïque moderne de Zamosc, appartenant au réseau Yavneh, fut ouverte par le Mizrachi en 1916 et fonctionna jusqu’en 1923. L’éducation juive s’étendit pendant l’entre-deux-guerres avec l’ajout de jardins d’enfants et d’écoles primaires: l’école hébraïque Kadimah ouvrit en 1918 et fut affiliée au réseau Tarbut après 1936. Le lycée juif local ouvrit ses portes en 1927 comme établissement d’enseignement public avec le polonais comme langue d’enseignement. Il y avait aussi une école primaire yiddish qui portait le nom d’I.L.Peretz.

La vie culturelle de la ville était enrichie par un certain nombre de bibliothèques publiques. La première fut la bibliothèque I. L. Peretz ouverte dès 1912, avec des livres principalement en yiddish, qui attirait les lecteurs parmi les membres du Bund. Cette bibliothèque connut un certain nombre de vicissitudes: environ 5000 livres furent détruits lorsque la police polonaise prit les locaux d’assaut en 1923. Son activité repris en 1926 pour être fermée à nouveau par les autorités en 1931, accusée d’abriter des activités communistes. Finalement, la bibliothèque ouvrit de nouveau en 1932 et fonctionna jusqu’au Khurbn.
La bibliothèque hébraïque David Frishman commença son activité en 1922 en servant de centre culturel pour la jeunesse sioniste de Zamosc.
Il y avait deux autres bibliothèques publiques à Zamosc: la bibliothèque Solomon Ettinger avec des livres en yiddish, polonais et russe, et une plus petite bibliothèque appartenant aux syndicats.
Les bibliothèques servaient de lieux de rencontre pour un certain nombre de cercles littéraires, de conférences, de théâtre amateur et un orchestre. Zamoshtisher Shtime (La voix de Zamosc), un périodique en langue yiddish du Poalei Zion fut publié de 1928 à 1939.
D’autres périodiques juifs de Zamosc comprenaient Zamoshtisher Vort (La parole de Zamosc, à partir de 1930), publié par l’Agudat Israel, Habe’er (Le puit, à partir de 1923), et Undzer Geist (Notre esprit), les deux derniers consacrés aux questions religieuses.

L’armée allemande occupa Zamosc le 14 septembre 1939. Les raids aériens allemands coûtèrent des centaines de victimes à la population juive locale et à un grand nombre de réfugiés juifs de l’ouest de la Pologne qui s’étaient réfugiés à Zamosc. Les forces allemandes occupantes et les antisémites locaux saisirent l’occasion pour piller les biens juifs et assassiner les habitants juifs. À la fin de septembre 1939, Zamosc fut occupée pendant deux semaines par l’armée soviétique. Lors de sa retraite, environ 5 000 Juifs quittèrent Zamosc pour l’Union soviétique.

En octobre 1939, les Allemands installèrent un Judenrat et obligèrent les Juifs à payer une « contribution » de 100 000 zlotys et à fournir chaque jour 250 Juifs pour un travail de force, quota qui passa ensuite à 500 et 600 Juifs. La population juive de Zamosc à l’époque s’élevait à 4.984 personnes, selon un recensement mené par le Judenrat. En décembre 1939, les Allemands expulsèrent 500 Juifs de Lodz, Kalo et Wloclawek et les réinstallèrent à Zamosc. Le Judenrat logea ces réfugiés dans les maisons des Juifs qui avaient fui vers l’Union Soviétique. Peu après, les Allemands tuèrent 150 personnes âgées et enfants de ce groupe. Les persécutions one firent qu’augmenter en 1940, avec l’introduction du port obligatoire d’un brassard avec une étoile de David jaune et de nombreuses autres restrictions de mouvement, d’occupation, de nourriture. Le nombre de travailleurs forcés augmenta et des centaines furent envoyés vers d’autres localités dans la région de Lublin.

En 1941, environ 1 500 à 2 000 Juifs de Zamosc furent envoyés au nouveau camp de travail d’Izbica. Le 1er mai 1941, tous les Juifs de Zamosc, estimés à environ 7000, furent contraints de déménager dans un ghetto ouvert dans le nouveau quartier de la ville autour de la rue Hrubieszowska. Le bureau du Judenrat était situé dans le bâtiment de la synagogue de la nouvelle ville. La situation à l’intérieur du ghetto s’aggrava avec l’apparition d’une épidémie de typhus au cours de l’hiver 1941-1942. Les déportations massives de Zamosc commencèrent à la veille de Pessakh, le 11 avril 1942. La population juive tout entière fut rassemblée sur la place du marché. 89 Juifs furent tués sur place et 150 autres abattus par les Allemands sur le chemin vers la gare. Environ 3000 Juifs furent déportés immédiatement vers le camp de la mort de Belzec. Les 2000 juifs restants furent rejoints le 20 avril 1942 par 2100 déportés juifs de Tchécoslovaquie et d’Allemagne.

Une deuxième déportation eut lieu le 27 mai: environ 2 100 Juifs furent envoyés à Belzec et assassinés. Au cours de l’été 1942, près de 1 000 Juifs furent envoyés dans des camps de la mort dans un certain nombre de plus petites déportations.
La troisième déportation de masse eut lieu le 16 octobre 1942: la population juive fut de nouveau rassemblée sur la place du marché, puis emmenée à Izbica, puis à Belzec et à Sobibor et assassinée.
Plusieurs centaines de Juifs qui avaient réussi à se cacher dans des abris préparés furent ensuite découverts et arrêtés avec l’aide des pompiers polonais locaux. Après avoir été détenus pendant huit jours sans nourriture ni eau, les survivants furent exécutés dans le cimetière juif.

En mars 1943, tous les Juifs restés dans le ghetto de Zamosc furent tués par les Allemands et, en mai 1943, les derniers Juifs de Zamosc provenant des camps de travaux forcés autour de Zamosc furent déportés et tués à Majdanek. Au cours de ces années, des centaines de Juifs s’enfuirent vers les forêts où certains rejoignirent les groupes partisans locaux ou soviétiques opérant à partir des forêts de Polésie.

Après la libération de Zamosc par l’armée soviétique, les 12 premiers survivants juifs retournèrent dans la ville. Ils furent rejoints par environ 300 personnes revenues d’Union soviétique. La population polonaise locale les reçut avec l’hostilité et même violence. En 1945 deux Juifs périrent des mains des antisémites locaux. La plupart des Juifs quittèrent Zamosc après une courte période de temps et en 1947 il n’y avait plus que cinq Juifs dans la ville.

Des personnalités éminentes ont illustré la communauté juive de Zamosc:
– Arieh Loeb Kinderfreund (1798-1873), auteur de poèmes, d’un essai en latin sur la priorité de la langue hébraïque et de divers ouvrages apologétiques.
– Yaakov ben Seeb (Wolf) Kranz (1741-1804), prédicateur connu sous le nom du Magid de Dubno.
– Alexander Zederbaum (1816-1893), pionnier du journalisme juif, il édita le premier hebdomadaire en langue hébraïque de Russie.
– Isaac Leibush Peretz (1852-1915), un des trois pères fondateurs de la littérature yiddish.
– Rosa Luxemburg (1871-1919), une des leaders du mouvement révolutionnaire de son époque.
– Mordechai Strigler (1921-1998), écrivain yiddish et rédacteur du Forverts (1987-1998). Né à Zamosc, et ordonné rabbin en 1937, il devint écrivain après la Seconde Guerre mondiale et publia une série en six volumes intitulée Oysgebrente Likht (Bougies éteintes) sur la Shoah, et « Main dans la main contre le vent » (1955), un roman historique sur la vie juive en Pologne pendant les 17ème et 18ème siècles. Strigler reçut le prix Itzik Manger de littérature yiddish en 1978.

(Source: Haim F. Ghiuzeli, Beit Hatfutsot)

Illustration: La synagogue Dawna à Zamosc

La première synagogue de Zamosc fut construite dans les années 1590 sous la forme d’une structure en bois. La construction d’un édifice en briques conformément aux privilèges accordés à la communauté juive locale fut entreprise après 1610 et se poursuivit pendant huit ans. La synagogue Dawna (« Vieille ») est un exemple frappant du style polonais de la fin de la Renaissance en harmonie avec la conception urbaine générale de la vieille ville de Zamosc.
Les murs extérieurs furent prolongés pour cacher le toit donnant ainsi au bâtiment un aspect général de forteresse.
La salle de prière (11,6 x 12,2 m.) constitue le noyau du bâtiment; les salles de prière des femmes furent ajoutées vers le milieu du 17ème siècle.
Comme dans d’autres synagogues polonaises, le plancher fut abaissé afin d’augmenter la taille de l’intérieur. Les murs étaient décorés de riches peintures en stuc vermillon avec des motifs floraux dont un arbre de vie stylisé, des couronnes, des rosaces et des inscriptions hébraïques.
Au cours du 18ème siècle, un hall d’entrée modeste fut ajouté du côté occidental de la salle de prière. La synagogue fut rénovée dans la seconde moitié du 19ème siècle lorsque le bâtiment reçut un nouveau toit et des combles. En même temps, un deuxième étage fut construit au-dessus des salles de prière des femmes d’origine.

Pendant la Shoah, le bâtiment subit d’importants dégâts, en particulier dans les parties nord détruites par les Allemands. La synagogue fut vandalisée et pillée, puis utilisée comme étable. Elle fut reconstruite après la Seconde Guerre mondiale, en 1948-1950, et à partir de 1958 le bâtiment servit de bibliothèque. Une seconde restauration du bâtiment fut réalisée en 1967-1972. Quelques traces de l’ancienne splendeur de la synagogue peuvent être discernées à l’intérieur du bâtiment. La place de l’Aron Ha-Kodesh est évidente sur le mur oriental. La niche qui abritait les rouleaux de la Torah est décorée de motifs de récipients – symbole des Lévites et couronne de la Torah. La bimah octogonale de fer avec une couronne de la Torah était située au centre de la salle de prière et était un cadeau de Shmuel Barzel en 1787. La salle de prière comptait également un certain nombre de majestueuses menorahs. Aujourd’hui, il n’y a aucun reste de la bimah ou du candélabre.

La Fondation pour la préservation du patrimoine juif en Pologne (FODZ), les autorités locales, des ONG dont le World Monuments Fund et l’organisation israélienne des Juifs de Zamosc, cherche à établir dans la synagogue un centre culturel qui fournira des logements et des structures pour diverses initiatives locales, ainsi que le Musée des Juifs de la région de Zamosc. Le site de la Fondation pour la préservation du patrimoine juif en Pologne indique:

« En collaboration avec les autorités de la ville et les organisations non gouvernementales locales, nous voulons rénover la synagogue de Zamosc et en faire un centre culturel dynamique qui servira tous les habitants de Zamosc et de ses environs. La synagogue abritera également un musée des Juifs de Zamosc et de sa région. Le musée présentera l’histoire de la pénétration et de l’enrichissement mutuels des cultures polonaises et juives dans la région de Zamosc. Il présentera également les Juifs qui ont contribué à l’histoire intellectuelle, religieuse et culturelle de la région. Malheureusement, le bâtiment de la synagogue de Zamosc est en très mauvais état et nécessite de toute urgence une restauration complexe. Le coût des travaux de restauration est estimé à quelques millions de PLN; La Fondation prend des mesures pour obtenir des fonds suffisants pour les travaux de rénovation, mais c’est un énorme défi. »

L’attribution de nouvelles fonctions au bâtiment, y compris l’utilisation comme galerie d’art, concert et salle de théâtre, sont jugés nécessaires pour obtenir des fonds pour les travaux de conservation nécessaires, mais suscite la controverse. Une autre organisation, le Yaacov Magid of Dubno Fund (YMDF), créée en 2001, indique comme l’un de ses objectifs: « redonner au splendide intérieur de la synagogue sa gloire d’antan ». Irrités par la façon dont le FODZ a utilisé le site pour lever des fonds, ils ont approché le représentant d’Agudath Israel d’Amérique auprès des Nations Unies pour demander une intervention en faveur de la protection du site sacré contre des « buts impies ».

En septembre 2009, des travaux de restauration ont été entrepris par le FODZ. La plus grande partie du financement de la restauration provient des subventions de l’Espace économique européen et de la Norvège, qui ont été établies par l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège pour soutenir divers projets sociaux et économiques en Europe, ainsi que le World Monuments Fund.