12 avril 1454
Jean de Capistran prêche la croisade contre les Turcs. Pour les catholiques, il fut un saint. Pour les Juifs, un diable.
San Giovanni da Capestrano, connu sous le nom de Jean de Capistran en français (24 juin 1386 – 23 octobre 1456), était un franciscain italien, prédicateur, théologien, inquisiteur, croisé et instigateur de persécutions contre les Juifs.
Il nait à Capistrano, près de Naples en Italie, en 1385. Il étudie et pratique à la fois le droit séculier et le droit canon, mais plus tard est emprisonné au cours d’une guerre. Là, il dénonce son mariage et décide de servir Dieu. Après sa libération, il vend sa propriété et entre dans un monastère où la Règle de Saint François est strictement observée.
Pendant sept ans, Capistran pratique de sévères austérités, soigne les malades dans les hôpitaux et prêche la parole de Dieu. Il devient un disciple de Saint Bernard de Sienne, l’assistant dans des conférences publiques et des discussions. Cependant, Jean est accusé d’avoir propagé des opinions hétérodoxes et se rend à Rome pour justifier ses enseignements en présence du pape et d’un groupe de cardinaux, où il se défend bien.
Ensuite, il prêche dans toute l’Italie. Cinq papes successivement lui confient des missions de représentation dans des affaires importantes, et il se rend en France, en Autriche, en Pologne et en Allemagne. Ses négociations ont beaucoup de succès, mais aucun des papes ne l’élève plus haut que la position d’évêque, peut-être en raison de sa propre résistance.
Capistran s’avère être d’une grande aide au Saint-Siège dans la lutte contre l’hérésie et la menace de l’Islam. Il utilise ses dons oratoires exceptionnels pour persécuter les Hussites et d’autres minorités religieuses, y compris les Juifs, dont beaucoup seront tués par des foules à son instigation, notamment en Allemagne et en Pologne.
Dans ses discours, Capistran accuse les Juifs de tuer des enfants chrétiens et de profaner l’hostie. Les Juifs tremblent à son approche, car ses sermons sont de véritables invitations à l’émeute. Ses admirateurs l’appellent « le fléau des Judéens ». Les ducs de Bavière, Louis et Albert, influencés par les agitations de Capistran, chassent les Juifs de leurs duchés; dans certains endroits en Bavière, les Juifs sont forcés à porter un insigne infamant sur leurs manteaux (1452). Toujours sous l’influence de Capistran, le duc régnant de Franconie, Mgr Godfrey de Wurtzbourg, révoque les privilèges qu’il a accordés aux Juifs et décrète leur bannissement.
Envoyé en Bohême comme « Maître Inquisiteur » pour éradiquer l’hérésie, le célèbre prêtre franciscain est invité à Vretslav (cle nom de Wrocław à l’époque) où il reçoit un accueil enthousiaste à son arrivée au début de l’année 1453 à l’âge de 67 ans.
Constatant la richesse ostentatoire des bourgeois de Vretslav, le morbide Capistran commence une série de sermons dans l’église Sainte-Elisabeth, dans lesquels il décrie l’extravagance de la richesse et condamne son déploiement.
D’après les archives de la ville, son éloquence est si convaincante que l’église ne peut contenir les foules qu’il attire et il prêche par la fenêtre de son appartement de Plac Solny 2, surplombant la place où ses disciples empilent leurs objets précieux et y mettent le feu.
Condamnant le luxe vestimentaire, l’excès de boisson et de nourriture comme du vice, Capistran convainc sa congrégation d’ajouter les jeux de cartes, de dés, les jeux de tables et d’autres articles aux feux de joie quotidiens.
Ce sujet épuisé, Capistran se tourne vers ses trois objets de vindicte préférés: les hussites, les Turcs et les Juifs.
Comme il ne s’en trouve aucun des deux premières catégorties à Vretslav, ce sont les Juifs qui sont victimes de ses calomnies les plus vives. La rumeur d’une profanation juive de l’eucharistie circule rapidement et les autorités de la ville l’utilisent comme prétexte pour arrêter les Juifs de la ville et confisquer leurs biens.
Capistran lui-même supervise les interrogatoires pendant lesquels les Juifs sont torturés jusqu’à ce qu’une confession satisfaisante leur soit extorquée, puis condamnés à mort.
Les quatorze premières victimes sont attachées à des planches de bois sur la place du marché. Leurs chairs sont arrachées avec des pinces brûlantes, puis ils sont écartelés vivants.
Selon les registres de la ville, le reste des condamnés reçoit la possibilité de se convertir au christianisme ou de mourir. Certains, y compris le rabbin, choisissent le suicide.
Cependant 41 autres sont conduits au bûcher de la Place Solny le 4 juillet 1453.
Le reste des Juifs est chassé de la ville, tandis que leurs enfants d’âge tendre sont enlevés et baptisés de force.
En Pologne, Capistran s’allie à l’archevêque Zbigniev Olesniczki pour faire pression sur le roi Casimir IV afin qu’il abolisse les privilèges accordés aux Juifs en 1447.
Le roi refuse d’abord d’obtempérer, mais quand l’armée polonaise est défaite en 1454 par l’Ordre Teutonique aidé par le pape et l’Église catholique polonaise, le clergé annonce que Dieu avait puni le pays à cause de la protection accordée par le roi aux Juifs. Casimir céde et révoque les privilèges dont ces derniers avaient joui. Cela conduit à des persécutions des Juifs dans de nombreuses villes polonaises.
Son oeuvre accomplie, Capistran porte ses services ailleurs. Lorsque le sultan Mehmed II menace Vienne et Rome, le pape Callixte III l’engage pour l’aider à lever une croisade.
Jean de Capistran y répond et entreprend de recruter des chrétiens de Hongrie. Il réunit près de trente-cinq mille hommes, en majorité des paysans, artisans et étudiants. Ils sont rejoints par près de quinze mille mercenaires du commandant hongrois Jean Hunyadi.
Les armées ottomanes et chrétiennes se rencontrent à Belgrade en juillet 1456, alors que la ville est en partie détruite par les canons turcs.
Jean de Capistran exhorte à la délivrance de la ville avec un drapeau orné d’une croix et aux cris « Jésus, Jésus, Jésus ». Son charisme lui permet de contribuer à la défaite des Turcs.
Dorénavant surnomme le Saint-Soldat, Capistran contracte bientôt la peste bubonique et en meurt.
Après quoi une longue lignée de miracles lui seront attribués.
L’Eglise ne lui tiendra jusqu’à ce jour, aucune rigueur de ses persécutions contre les Juifs ou d’autres.
Il sera canonisé en 1690.
En 1890, sa fête, le 28 mars, sera inscrite au calendrier romain officielle. Elle sera déplacée au 23 octobre, anniversaire de sa mort, par le pape Paul VI en 1969 et l’est toujours.
En 1984, le pape Jean-Paul II le nommera patron des aumôniers militaires, en plus d’être déjà saint patron de l’Europe et des juristes.
