19 avril 1943
Nous commémorons aujourd’hui le 75e anniversaire de l’événement qui incarne au plus haut point la résistance juive au nazisme.
Mais, par delà l’épopée, le récit du passé a été mis, comme souvent, au service des causes politiques du présent.
C’est avant tout, l’action des groupes de gauche, sionistes et non-sionistes, regroupés au sein de Zydowska Organizacja Bojowa, (ZOB) qui a été glorifiée, minimisant ou passant sous silence l’action des sionistes révisionnistes de droite, pourtant au moins aussi efficaces, mais considérés par les autres comme des fascistes.
Quant aux religieux, que pouvaient-ils être d’autre que des bergers menant leurs troupeaux dociles à l’abattoir?
Et pourtant, là aussi, les visions en noir et blanc sont fausses.
Le 14 janvier 1943, lors d’une réunion des dirigeants survivants des Juifs du ghetto de Varsovie, Rabbi Menachem Ziemba appela à la résistance armée contre les occupants allemands.
Menachem Ziemba était un membre de la secte ultra-orthodoxe des hassids de Ger, et sa déclaration est un exemple rare d’un leader du judaïsme religieux endossant une telle ligne d’action agressive pendant la Shoah.
Né en 1883 dans la banlieue de Praga, à Varsovie, Ziemba avait été élevé au sein de la communauté Ger. C’est à la demande du Gerrer rebbe qu’il prit place dans la Kehila, le conseil de direction de la communauté juive de Varsovie d’avant-guerre.
Dans les années 1930, le rabbin Ziemba se vit offrir le poste de grand rabbin de Jérusalem, mais le refusa. Il choisit de rester à Varsovie, où il était membre du conseil rabbinique du mouvement Agudat Yisrael, et un important décideur rabbinique.
Initialement, après la formation du ghetto de Varsovie, à la fin des années 1940, Ziemba était opposé à l’idée de résistance. Mais après avoir été témoin de la première vague de déportations du ghetto en juillet 1942 (au cours de laquelle plus de 250 000 Juifs furent envoyés au camp de la mort de Treblinka), il changea d’avis.
L’un des chroniqueurs de la vie religieuse dans le ghetto de Varsovie était Hillel Seidman, l’archiviste officiel du Judenrat. Son compte rendu de la réunion du 14 janvier fournit le texte des commentaires du rabbin Ziemba.
« Par nécessité, nous devons résister à l’ennemi sur tous les fronts », déclara Ziemba, ajoutant avec défi, « Nous ne tiendrons plus compte de ses instructions désormais. »
Comparant la situation à celle des Juifs français et allemands durant la première croisade, quand la Halakha « détermina une façon de réagir à la détresse », maintenant, au milieu du 20ème siècle, « pendant la liquidation des Juifs de Pologne », soutenait-il, »elle nous pousse à réagir d’une manière entièrement différente. Dans le passé, pendant la persécution religieuse, nous étions tenus par la loi « de renoncer à nos vies même pour la pratique la moins essentielle ».
A présent, cependant, alors que nous sommes confrontés à un ennemi juré, dont la brutalité sans pareille et le programme d’annihilation totale ne connaissent pas de limites « , déclara Ziemba, « la Halakha exige, que nous nous battions et résistions jusqu’à la fin avec une détermination inégalée et courage pour la sanctification du nom divin. »
Bien qu’il ne se soit pas personnellement impliqué dans les combats physiques qu’il soutenait, le rabbin Ziemba défia l’ennemi par d’autres moyens. Il osa construire une soucca sur le toit de son immeuble dans le ghetto, et il continua à enseigner aux élèves de la yeshiva dans des bunkers souterrains sous les rues. Et quand l’Église catholique lui proposa ainsi qu’à deux autres rabbins du ghetto, Shimshon Stzokhamer et David Shapiro, de leur donner refuge, ils choisirent de rester dans le ghetto.
La dernière bataille du soulèvement du ghetto de Varsovie commença le soir de la Pâque juive, le 19 avril 1943.
Cette nuit-là, le rabbin Ziemba tint un seder chez lui, malgré le fait que les combats avaient fait rage autour de lui pendant la journée.
Quelques jours plus tard, alors que les Allemands mettaient systématiquement le feu aux maisons du ghetto, il sortit de chez lui et fut abattu dans la rue.
Un beit din (tribunal rabbinique) décida de l’enterrer temporairement dans la cour du numéro 4 de la rue Kupiecka. Le reste de sa famille fut déporté à Treblinka, où ils périrent.
En 1958, quand on apprit que le gouvernement polonais allait rebâtir une partie du ghetto, y compris le quartier où le rabbin Ziemba était enterré, deux de ses neveux, qui avaient survécu à la Shoah, furent autorisés à rechercher ses restes.
Après de longues recherches et travaux, ils trouvèrent la tombe. Son contenu fut transféré en Israël, pour une réinhumation sur le Har Hamenuhot, à Jérusalem.
