Ephéméride |Saint-Louis [25 Avril]

25 avril 1214

Naissance de Louis IX de France, plus communément dénommé Saint-Louis.

Ah l’aimable roi Louis de mon école primaire, rendant avec bonté la justice sous son chêne de Vincennes! Pas bon avec tout le monde!

Saint Louis rassemblait toutes les qualités que l’on peut attendre d’un bon chrétien craignant Dieu. Cependant, à l’instar des autres rois qui régnèrent sur la France, il se montra particulièrement zélé dans l’application des mesures répressives à l’encontre des Juifs du royaume.

Il règne une grande agitation place de Grève en ce jour de juin 1242. La foule des Parisiens se masse autour de vingt quatre charrettes remplies de livres et de documents. L’observateur attentif peut distinguer les caractères hébraïques des parchemins entassés pêle-mêle. Les fonctionnaires royaux s’approchent et jettent sans ménagement les ouvrages au centre de la place alors qu’on apporte des fagots. Puis, armés de torches, ils mettent le feu à ce gigantesque bûcher. Faisant reculer les spectateurs, les flammes du brasier s’élèvent bientôt vers le ciel. En quelques heures, ce sont plusieurs centaines d’exemplaires du Talmud et de la Mishnah qui partent en fumée.

Louis IX, le pieux Saint Louis, ne fait qu’appliquer les décisions du pape. En juin 1239, Grégoire IX a envoyé aux évêques de France l’ordre de saisir les livres des Juifs. Une étude approfondie des textes est demandée à la suite de laquelle on pourra organiser un débat public entre rabbins et défenseurs de la foi chrétienne. La majorité des souverains chrétiens ont été chargés d’organiser de telles rencontres.

Mais Saint Louis est le seul à appliquer cette décision. La « disputatio » a lieu entre le 25 et le 27 juin 1240, en présence du roi et de sa mère Blanche de Castille. Les docteurs de l’Église ont relevé trente cinq accusations à l’encontre du Talmud, en particulier des prises de positions extrêmes vis-à-vis du Christ et de Marie. L’habileté oratoire des Juifs donne du fil à retordre aux chrétiens. Mais le bilan reste nul, chaque camp ayant utilisé des arguments irréfutables. Deux ans seront nécessaires pour prendre une décision. Mais les jeux sont faits depuis le début. Le roi n’est-il pas chrétien ? L’adresse des Juifs n’est-elle pas la preuve de leur fourberie ?

Au vrai, le bon roi très chrétien estime qu’il est des méthodes plus efficaces que la controverse intellectuelle, comme le rapporte le Sire de Joinville, le chroniqueur officiel du règne.

« Il me conta [le roi], qu’il y eut une grande conférence de clercs et de Juifs au monastère de Cluny. Il y eut là un chevalier à qui l’abbé avait donné le pain en ce lieu pour l’amour de Dieu ; et il demanda à l’abbé qui lui laissât dire la première parole, et on le lui octroya avec peine. Et alors il se leva et s’appuya sur sa béquille, et dit qu’on lui fît Venir le plus grand clerc et le plus grand maître des Juifs; et ainsi firent-ils. Et il lui fit une demande qui fut telle : « Maître, fit le chevalier, je vous demande si vous croyez que la vierge Marie, qui porta Dieu en ses flancs et en ses bras, ait enfanté vierge et qu’elle soit mère de Dieu. » Et le Juif répondit que de tout cela il ne croyait rien. Et le chevalier lui répondit qu’il avait vraiment agi en fou quand, ne croyant en elle ni ne l’aimant, il était entré en son église et en sa maison. « Et vraiment, fit le chevalier, vous le payerez. » Et alors il leva sa béquille et frappa le Juif près de l’oreille, et le jeta parterre. Et les Juifs se mirent en fuite, et emportèrent leur maître tout blessé : et ainsi finit la conférence. Alors l’abbé vint au chevalier, et lui dit qu’il avait fait une grande folie. Et le chevalier répondit que l’abbé avait fait une plus grande folie encore d’assembler une telle conférence; car avant que la conférence fût menée à fin, il y avait céans grande foison de bons chrétiens qui fussent partis de là tous mécréants, parce qu’ils n’eussent pas bien entendu les Juifs. « Aussi vous dis-je, fit le roi, que nul, s’il n’est très-bon clerc, ne doit disputer avec eux ; mais un laïque quand il entend médire de la loi chrétienne, ne doit pas défendre la loi chrétienne sinon avec l’épée, dont il doit donner dans le ventre autant qu’elle y peut entrer. » »

Saint Louis n’est pas le premier roi à s’attaquer aux intérêts des Juifs. Déjà, Philippe Auguste avait ordonné leur expulsion, en 1182. Mais, alors que ses prédécesseurs visaient essentiellement leur pouvoir économique, le fils de Blanche de Castille se place sur le plan religieux. En bon chrétien, il suit l’enseignement de l’Église à ce sujet.
Le pape Grégoire IX professait que « les pères des Juifs furent amis de Dieu et leurs restes seront sauvés. » Thomas d’Aquin estimait qu’on ne « devait pas priver les Juifs des choses nécessaires à la vie ». Innocent III souhaitait qu’ils restent « des errants sur terre jusqu’à ce qu’ils cherchent le nom de Jésus Christ ».

Aussi, Saint Louis se soucie-t-il autant de leur argent que du salut de leur âme. En 1230, il leur interdit la pratique de l’usure, jusque-là prohibée aux seuls chrétiens. Par ailleurs, il considère que s’ils pratiquent la religion des prophètes et n’ont pas foi en le Christ, c’est par manque d’éducation. Aussi, il crée des écoles destinées à recueillir, éduquer et convertir les orphelins juifs. Aux convertis, il accorde une pension, sur l’argent provenant des spoliations et des saisies effectuées sur les réfractaires…

S’il ne désire pas s’approprier leurs biens, le roi n’interdit pas pour autant le rançonnement des juifs. Au sénéchal de Carcassonne, il demande de leur soutirer « le plus que vous pourrez car nous voulons avoir du leur. » Si une partie de cet argent revient aux convertis afin de les maintenir dans le droit chemin, le reste finance les croisades.

Durant les vingt dernières années de son règne, Saint Louis intensifie les mesures à l’encontre des juifs.
En 1253, il ordonne leur expulsion en masse du royaume. L’année suivante, il leur interdit la pratique du crédit et leur commande, sous peine d’expulsion, de cesser « leur usure, sortilèges et caractères. »
En 1257, avant de partir à la croisade, il fait chasser les usuriers récalcitrants et vend leurs biens. Seuls les cimetières et les synagogues, ainsi que les objets du culte, sont laissés aux communautés.
Enfin, en 1259, observant les décisions du concile de Latran de 1215, le roi impose le port de la rouelle. Cette pièce d’étoffe, de forme circulaire, cousue sur le vêtement, a pour objet de permettre à tous de reconnaître un juif du premier coup d’oeil. Tout contrevenant est frappé d’une amende et son vêtement, confisqué, est remis au dénonciateur.

A la demande de Philippe le Bel, Saint Louis est canonisé, en 1297. Dans son procès en béatification, les mesures prises à l’encontre des Juifs sont reconnues comme une preuve de son attachement à l’Église, au pape et à la religion chrétienne.