28 mai 1858
Naissance de Lizzie Black Kander, la femme qui apprit aux juives américaines à faire la cuisine « qui retient les petits maris ».
En juin 1878, une jeune femme de 20 ans, nommée Lizzie Black, sortit major de l’école East Side High à Milwaukee dans le Wisconsin. A ce titre, elle devait prononcer un discours de réception de son diplôme.
Le discours de Lizzie était intitulé « When I’m President », quand je serai Présidente.
Citant Henry Clay, « Je préfèrerais être président que d’avoir raison », elle se lança dans une rhétorique qu’on pourrait croire d’aujourd’hui.
Les membres du Congrès sous-payés étaient trop occupés à accepter des pots-de-vin pour pouvoir faire leur travail, déclara-t-elle sur le mode de la satire, et la meilleure façon d’augmenter leur productivité était d’augmenter leurs salaires. Bien que major de sa classe, elle accusait l’éducation d’effectuer une ponction économique trop forte sur la société américaine et de changer les idéaux des gens.
« La Terre aura à peine fait cinquante révolutions autour de son orbite avant que le soleil se penche sur un pays désert, à moins qu’un changement ne se produise dans le gouvernement, et que nous ayons à sa tête, une personne honnête et fiable, qui sera un ami des riches comme des pauvres. »
« Le commerce, dont dépend la vie même de notre nation, est presque entièrement détruit, et si nous laissons subsister cet état de choses beaucoup plus longtemps, nous serons bientôt isolés du reste du monde, comme la Chine. La richesse de la nation est entre les mains de quelques individus, qui accumulent de plus en plus chaque jour, alors que les pauvres deviennent de plus en plus misérables. Nos gens oublient que la vérité, l’honnêteté, la vertu et l’amour sont beaucoup plus précieux pour le bonheur de l’humanité que des modes de vie extravagants … Voulez-vous supprimer ces difficultés? Alors élisez-moi Présidente et j’établirai le libre-échange. »
Les raisons avancées par Lizzie pour réclamer un changement économique reposaient sur les principes de l’aide aux pauvres, mais elle n’expliquait pas exactement comment ses plans économiques pourraient profiter à d’autres qu’aux riches. Au lieu de présenter des plans concrets, elle affirmait simplement que l’égalité en résulterait, comme le font les politiciens de nos jours.
« Nous ne pouvons pas reprocher aux membres du Congrès d’accepter des pots-de-vin. Si nous rémunérions correctement leurs services, ils seraient moins tentés d’oublier qu’ils sont dans une position de grande responsabilité, et qu’ils travaillent pour le bien des masses, et non pour quelques riches individus; et ainsi, si nous devions donner quelques milliers de dollars de plus par an, ils feraient leur travail avec plus d’enthousiasme et mieux.
À la fin de ce discours, il était clair qu’il s’agissait d’une parodie. Mais au début du discours, certaines des préoccupations de Lizzie correspondaient à des problèmes réels dans la communauté autour d’elle, problèmes auxquels elle allait consacrer sa vie et sa carrière.
La pointe de sa satire, cependant, résidait dans le fait même de présenter ses critiques et propositions comme une plate-forme de campagne présidentielle. Une femme, en 1878, 50 ans avant l’instauration du vote des femmes!
Lizzie était une réformatrice progressiste et une personne très libérale pour l’époque. Mais malgré ses blagues et ses incursions dans la politique, elle ne croyait pas au suffrage des femmes. Elle préféra consacrer son temps à aider les femmes de sa « maison des femmes » à s’intégrer dans la vie américaine, qualifiant le combat pour le droit de vote de « perte de temps inutile ».
Lizzie Black Kander, naquit à Milwaukee le 28 mai 1858, la troisième des cinq enfants de John et Mary (Pereles) Black. Elle obtient son diplôme de la Milwaukee High School en 1878 et épousa Simon Kander, un représentant de commerce de Baltimore, le 17 mai 1881. Ils restèrent mariés pendant cinquante ans.
Lizzie Hayat faisait partie d’une communauté de plus de 200 familles juives allemandes vivant confortablement à Milwaukee. Puis, dans les années 1880 et 90, une nouvelle vague d’immigrants juifs arriva dans la ville. Ces nouveaux venus venaient de Russie et de Pologne, et ils étaient beaucoup plus pauvres que les résidents juifs allemands.
Kander constatait les conditions de vie de plus en plus désespérées dans les ghettos juifs, les décrivant aux femmes de son cercle comme «une situation déplorable, menaçant la santé morale et physique du peuple».
Kander avait deux objectifs reliés entre eux: soulager la souffrance et protéger la bonne réputation des Juifs de Milwaukee. Plaidant en faveur des efforts pour aider les nouveaux immigrants, elle soutenait qu ‘«il fallait faire attention à ce que l’histoire ne se répète plus et que l’issue de toutes ces guerres religieuses aboutisse, une fois de plus, à la persécution des Juifs».
En 1895, elle aida à établir un établissement de bains pour les immigrants, la mission Keep Clean, qui canalisa l’eau excédentaire de la stérilisation de bouteilles de la brasserie Schlitz voisine vers les bains. Elle donnait également des cours de cuisine.
Ces cours de cuisine étaient explicitement conçus pour américaniser les nouveaux immigrants. Cela signifiait en grande partie des plats d’origine allemande ou française décrits dans le jargon scientifique moderne, et un fort accent sur une présentation des plats attrayante.
Kander poussait ses élèves russes à manger plus de viande rouge, arguant que leur aliment de base traditionnel était moins stimulant et nourrissant que la viande des autres animaux. Elle minimisait l’importance des lois de la cachrout, que les nouveaux immigrants prenaient beaucoup plus au sérieux qu’elle, arguant que les règles alimentaires n’étaient «pas nécessaires au bien-être physique comme au temps de Moïse». Le livre de cuisine comprenait certains plats juifs traditionnels d’Europe de l’Est, mais reconfigurés pour le contexte américain. À la place du gefilte-fish, par exemple, The Settlement Cook Book comprenait une recette de salade de hareng, de noix, de câpres et de veau.
Pour que la maison de femmes continue à fonctionner, elle devait trouver une source de financement plus stable. Lizzie suggéra de créer un livre de cuisine avec ses recettes des cours de cuisine complétées avec des recettes de ses collègues. Cependant, le conseil d’administration refusa de fournir les 18 $ nécessaires à la publication du livre. Sans se laisser décourager, Kander approcha Metron Yewdlale, un imprimeur de Milwaukee, pour aider à éditer le livre de cuisine. et il accepta d’entreprendre le travail, financé par la vente de publicités. Elle compila une collection de 174 pages de recettes et de conseils ménagers..
La maison des femmes fut financée par le livre de cuisine pendant neuf ans. À ce stade, l’établissement eut besoin de s’agrandir. Le produit du livre finança la construction de la maison Abraham Lincoln en 1911, qui devint le nouveau local de la maison des femmes. Il contribuera plus tard à fournir les fonds pour agrandir le Centre communautaire juif.
Aucune des femmes ne fut payée jusqu’en 1917, date à laquelle la maison des femmes disposa de fonds suffisants pour commencer à embaucher du personnel. Ce n’est qu’en 1921 que Lizzie accepta de percevoir 20 cents par livre vendu.
La première édition du livre de cuisine fut publiée en 1901 et ses 1000 exemplaires furent vendus en un an. Le livre s’avéra si populaire que 34 éditions ultérieures – totalisant 2 millions d’exemplaires – suivirent l’édition originale.
Au milieu du XXe siècle, c’était le livre de cuisine standard des foyers juifs américains. Il en existait même des éditions en yiddish.
Kander utilisa ses compétences en management dans une association bénévole et se tailla une carrière unique comme militante et entrepreneure. Elle identifiait les problèmes, élaborait des stratégies créatives et recherchait des solutions de financement alternatives pour façonner et soutenir une institution communautaire vitale. Le Settlement Cook Book puisa et capitalisa sur le développement des services locaux émergents et les courants innovants: l’organisation et le développement des maisons de femmes, l’intérêt des femmes américaines pour la nutrition planifiée et la gestion scientifique des foyers et le développement de mécanismes de financement autonomes pour les associations caritatives à but non lucratif.
Lizzie Kander fut aussi une défenseure de l’éducation professionnelle pour les femmes. De 1907 à 1919, elle siégea au conseil scolaire de Milwaukee, aidant la création de l’École secondaire technique pour filles et de l’École de puériculture du Milwaukee Teachers College.
Elle mourut à l’âge de quatre-vingt-deux ans le 24 juillet 1940.
