2 juin 1936
Ouverture du procès du pogrom de Przytyc. Ce furent les Juifs qui furent condamnés.
Le 9 mars 1936 des violences intercommunautaires entre Juifs et non-Juifs dans le shetl polonais de Przytyk causèrent la mort de trois personnes et plus de 20 blessés. Deux des morts étaient des Juifs, et un était un non-Juif.
Les historiens juifs appellent généralement cet incident le «pogrom de Przytyk», bien que «émeutes» soit peut-être plus approprié. L’antisémitisme était l’arrière-plan de la série d’événements qui débouchèrent sur la violence, mais la violence elle-même fut spontanée, plutôt qu’une attaque planifiée. Certains historiens polonais contemporains ont même suggéré que la violence avait été initiée par les Juifs, et qu’ils étaient donc responsables des morts.
Quel que soit le nom qu’on leur donne, les événements de Przytyk, qui eurent lieu plus de trois ans avant l’occupation allemande de la Pologne, ne furent guère des événements isolés. L’historienne Joanna Michlic, auteure de «L’Autre menaçant de la Pologne: L’image du Juif de 1880 à nos jours» (2006), a identifié quatre vagues de violence anti-juive en Pologne durant la période entre les deux guerres.
Pendant la quatrième de ces vagues, entre 1935 et 1937, les Juifs de 150 villes et villages différents furent victimes d’agression. Dans les universités polonaises, les étudiants s’efforçaient d’isoler et même de bannir les Juifs, et plusieurs partis politiques diffusaient régulièrement un discours anti-juif, dans l’intention générale d’accélérer l’émigration juive du pays. Au cours de la même période, entre 20 et 30 Juifs furent tués par la violence antisémite, et environ 2 000 furent blessés.
Avant la Seconde Guerre mondiale, Przytyk, un bourg du district de Radom, au centre de la Pologne, comptait quelque 3 000 habitants, dont 90% de Juifs. Malgré sa petite taille, c’était un centre commercial régional. Le jour du pogrom, Przytyk accueilliait une grande foire, un événement annuel qui attirait quelque 2 000 paysans dans le village.
La tension montait entre les «Polonais» et les «Juifs» (qui, bien qu’ayant la nationalité, n’étaient généralement pas appelés «Polonais»). Le parti Endecjna (Démocratie nationale) encourageait les gens à boycotter les entreprises appartenant à des Juifs et à mettre en place des alternatives qui seraient propriétés de non-Juifs. En réaction, certains Juifs inondèrent le marché de produits, faisant baisser les prix à un niveau qui rendait difficile la concurrence des nouveaux venus.
À Przytyk, les Juifs avaient depuis peu créé une organisation d’autodéfense, s’armant et s’entraînant au maniement des armes.
Anticipant les frictions, la police avait renforcé sa présence à Przytyk le 9 mars. Elle réussit à empêcher des affrontements significatifs tout au long de la matinée, bien que des étals de commerçants juifs sur le marché avaient été renversés.
Dans l’après-midi, cependant, les choses dérapèrent. Un certain nombre d’entreprises juives furentattaquées, le groupe de défense juif répondit, et trois non-Juifs furent blessés. Les escarmouches se transformèrent en émeutes, et des foules commencèrent à attaquer les maisons appartenant à des Juifs.
À un moment donné, quand un attroupement commença à briser les fenêtres d’une résidence au 53, rue Warszawski, un membre de la ligue de défense qui habitait là tira dans la rue par la fenêtre, tuant un non-juif, Stanislaw Wiesniak. Dans le chaos qui suivit, un couple juif, Josek et Khaye Minkowski, fut également tué.
Ces événements sanglants conduisirent à de nombreuses arrestations et en juin aux procès de 14 Juifs et de 42 non-Juifs. Le Juif qui avait abattu Stanislaw Wiesniak fut condamné à huit ans de prison, et deux autres personnes reconnues coupables d’avoir utilisé des armes à feu furent condamnées respectivement à cinq et six ans, tandis que les non-Juifs accusés du meurtre des Minkowskis furent acquittés.
De manière générale, la cour fut beaucoup plus dure pour les accusés juifs que pour les non-juifs, et dans sa décision, elle plaça également la «responsabilité morale» pour ce qui s’est passé ce jour-là, sur les Juifs de la ville .
Pourtant, à la suite du pogrom de Przytyk, les autorités polonaises commencèrent à répondre avec plus de détermination aux attaques contre les Juifs, et le nombre de ces incidents déclina – jusqu’à ce que l’assaut nazi commence quelques années plus tard.
Selon l’Encyclopédie Yivo des Juifs d’Europe, la création d’un groupe de défense juif eut l’effet de dissuader les futures agressions.
En réponse au pogrom de Przytyk, Mordechai Gebirtig écrivit en 1938 la bouleversante chanson « S’brent » qui devint, pendant le Khurbn, un hymne chanté par les Juifs dans les ghettos nazis.
