11 juin 1590
Le quartier juif de Poznan, entièrement construit en bois, brûle tandis que la population de la ville y assiste sans intervenir et en profite pour se livrer au pillage des demeures juives. L’incendie fait 15 victimes et 80 rouleaux de la Torah sont détruits.
Poznan, ville de la province de Wielkopolska, en Pologne était nommée en hébreu et en yiddish, Pozna et en allemand, Posen.
La communauté juive de Poznań fut l’une des premières implantées sur le sol polonais. La première référence à des Juifs vivant dans la ville date de 1379. Alors que la tradition fait remonter la construction de la synagogue de la ville vers 1367, il n’y a aucune preuve documentée de son existence avant 1449 (le cimetière, cependant, est mentionné dès 1438).
Selon une légende de la seconde moitié du XVe siècle, en 1399, quelques Juifs de Poznań auraient commis une profanation de l’hostie.
La même période vit également vu la création de la célèbre yeshiva de Poznań, connue sous le nom de Lomde Pozna.
La communauté juive de Poznań commença à prospérer au milieu du XVIe siècle. Elle comptait alors environ 1 500 personnes et était situé dans la partie nord-est de la ville. Les bâtiments densément agglutinés du quartier juif, en grande partie en bois, le rendait vulnérable aux incendies (comme en 1590 et 1613) qui s’étendaient à d’autres parties de la ville. Ces incendies entraînèrent des poursuites longues et coûteuses intentées par les autorités municipales, qui les utilisèrent comme prétexte pour exiger l’expulsion des Juifs de la ville.
Les autorités juives, de leur côté, réclamaient l’extension du quartier juif surpeuplé. Un rapport de 1619, consigné au cours d’une de ces procès, note que 3 130 juifs vivaient à Poznań, soit deux fois plus qu’au milieu du XVIe siècle.
En 1621, la réinstallation de certains Juifs de Poznań dans la ville privée voisine de Swarzędz, dont le propriétaire offrait des avantages favorables, atténua partiellement le problème de la surpopulation. Les Juifs de Swarzędz restèrent affiliés à Poznań. En tant que communauté «fille» nouvellement fondée, les Juifs de Swarzędz étaient obligés de respecter toutes les décisions prises par les autorités de la communauté mère – et aussi de lui payer des impôts.
Au cours des guerres polono-suédoises du milieu du XVIIe siècle, la communauté juive de Poznań fut accusée de collaborer avec l’ennemi et fut victime de pogroms perpétrés par des résidents chrétiens et les divisions militaires polonaises. En 1659, une foule dirigée par des étudiants du collège local des Jésuites pilla le quartier juif, et peu de temps après, l’épidémie de 1661-1662 ajouta aux difficultés des Juifs de Poznań. Après les dévastations du milieu du XVIIe siècle, le fardeau de la dette de la communauté commença à croître rapidement.
Selon les registres de 1674-1676, les Juifs représentaient un peu plus de 30% des habitants de la ville. La plupart des Juifs de Poznań vivaient du commerce, en particulier des textiles, des peaux et des fourrures. Ils ne commerçaient pas seulement localement, mais aussi sur de longues distances, reliant la cité aux marchés à l’ouest tels que ceux de Leipzig et de Francfort-sur-l’Oder. D’autres Juifs travaillaient comme tailleurs, bouchers, fourreurs, cordonniers et orfèvres.
Avant la partition de la Pologne, Poznań abritait l’une des plus grandes communautés juives du pays. Elle possédait des institutions d’autogestion hautement développées, auxquelles elle élisait jusqu’à 100 fonctionnaires chaque année.
Spécifique de la communauté de Poznan était que l’activité des élus (kesherim), ne se limitaient pas à des fonctions exécutives, mais qu’ils continuaient à travailler toute l’année, constituant une sorte de sénat communal.
Les clercs juifs de Poznań non seulement dirigeaient la yeshiva locale, mais fournissaient aussi les grands rabbins de la Grande Pologne. Parmi eux se trouvaient d’éminents érudits, dont Yehudah Leib ben Betsal’el (le Maharal de Prague) et Mordekhai ben Avraham Yafeh (Jaffe).
Au début du XVIIIe siècle, la communauté subit de lourdes pertes à la suite de la Grande Guerre du Nord et particulièrement pendant l’occupation suédoise de la ville (1703-1709). D’autres dommages furent causés par une épidémie de peste (1709), des contributions prélevées sur les Juifs par les rebelles de Tarnogród (1716), et un incendie en 1717 qui détruisit une grande partie du quartier juif.
En 1736, une accusation de meurtre rituel conduisit à l’exécution du prédicateur communal Arye Leib Kalahora et du shtadlan (avocat) Ya’akov ben Pinḥas, mais d’autres, qui avaient été arrêtés, furent relâchés en 1740.
Une inondation au cours de l’année déjà désastreuse de 1736 détruisit une synagogue et de nombreuses maisons juives.
Le déclin général de la ville conduisit un nombre croissant de Juifs à quitter Poznań. Beaucoup se dirigèrent vers Leszno, qui commença à prendre la tête des communautés juives de la Grande Pologne.
Le recensement de 1764-1765 enregistre 1.951 Juifs à Poznań. Compte tenu de l’évasion au recensement et des enfants de moins d’un an non recensés, la communauté comptait probablement plus de 2 700 personnes.
Après le second partage de la Pologne (1793), Poznań tomba sous la domination prussienne. Un recensement effectué par les nouvelles autorités enregistrait 2 355 Juifs, soit environ 20% de la population de la ville. La législation prussienne autorisait l’admission des Juifs dans les écoles élémentaires et secondaires générales et limitait l’autorité de la communauté, permettant ainsi le début des processus d’acculturation et de germanisation. Après qu’un incendie en 1803 eût sévèrement endommagé le quartier juif, les Juifs furent autorisés à vivre n’importe où dans la ville.
La Haskalah, ou Lumières juives, fit des incursions à Poznań, où son principal promoteur fut David Karo, qui avait fait partie du cercle de maskilim de Berlin. En 1815, cependant, les Juifs orthodoxes choisirent Akiva Eger, un adversaire ferme de la réforme, comme rabbin de Poznań. En 1833, Eger, qui exerça jusqu’en 1837, réussit à bloquer une tentative des autorités prussiennes de dissoudre les heders de la ville.
Écartelée entre réformateurs et orthodoxes, la communauté de Poznań se scinda au milieu du XIXe siècle. Les partisans de la réforme organisèrent une communauté séparée, la Israelitische Brüdergemeinde, et construisirent une nouvelle synagogue de style mauresque (1856-1857). En 1862, ils élirent leur propre rabbin, Joseph Perles, diplômé du séminaire théologique juif de Breslau et de son université. Perles, qui écrivit plus tard une histoire de la communauté juive de Poznań, fut remplacé en 1872 par Philipp Bloch, qui exerça jusqu’en 1921.
Les partisans de l’orthodoxie, en revanche, créèrent l’Einheitsgemeinde, condamnant l’éclatement de la communauté par les réformateurs. La communauté orthodoxe prospéra sous le rabbinat de Wolf Feilchenfeld (1872-1913), à l’initiative duquel une nouvelle et spacieuse synagogue fut érigée près de la rue Stawna.
Lorsque Poznań se retrouva à l’intérieur des frontières du nouvel État polonais après 1918, la plupart de ses Juifs partirent pour l’Allemagne. Ce mouvement à grande échelle peut être attribué à l’affaiblissement des liens entre les Juifs de Poznań et les communautés juives polonaises, en faveur des liens avec les Juifs allemands, une relation qui avait commencé au milieu du dix-neuvième siècle.
Pendant ce temps, d’autres Juifs vinrent s’installer à Poznań depuis différentes parties de la Pologne. Selon sa propre liste, la communauté comptait 1650 membres en 1930; 2300 membres en 1933; et 3000 membres en 1939.
Environ 65 pour cent de ces résidents étaient employés dans le commerce, tandis que 20 pour cent gagnaient leur vie comme artisans.
À partir de 1922, l’avocat sioniste Marcin Cohn dirigea la communauté.
Après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, une partie de la communauté fuit Poznań.
Les 11 et 12 décembre 1939, la campagne allemande pour rendre la ville « Judenrein », vide de Juifs, conduisit à la déportation de la plupart de ceux qui restaient vers Ostrów Lubelski et dans d’autres villes du Generalgouvernement. Les quelques Juifs restants finirent dans des camps de travail opérant près de Poznań de septembre 1939 à août 1943.
Les efforts pour débarrasser Poznań de ses Juifs se conclurent le 15 avril 1940 par le retrait symbolique de l’étoile de David de la synagogue près de la rue Stawna.
Le bâtiment fut transformé en piscine en 1942-1943 et continue de fonctionner comme tel jusqu’à ce jour.
(Source: Anna Michałowska-Mycielska in YIVO)
