Ephéméride | Deuxième expulsion des Juifs de Vienne [ 26 Juillet ]

26 juillet 1669

Des Juifs ont vécu en Autriche depuis au moins le 3ème siècle après JC. En 2008, une équipe d’archéologues découvrit une amulette du troisième siècle en forme de rouleau d’or avec les mots du Shema Yisrael inscrits sur la tombe d’un enfant juif à Halbturn. C’est considéré comme la ancienne preuve d’une présence juive dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’Autriche. On suppose que les premiers Juifs ont immigré en Autriche dans le sillage de légions romaines après l’occupation romaine d’Israël.

L’histoire des Juifs à Vienne, remonte elle à au moins huit cents ans. Il y a des preuves d’une présence juive à Vienne à partir du 12ème siècle.
En 1194, un certain Schlom apparaît comme Maître des Monnaies du duc Frédéric Ier.
En 1238, l’empereur Frédéric II accorde un privilège aux Juifs, et l’existence d’institutions communautaires telles qu’une synagogue, un hôpital et un abattoir peut être prouvée à partir du XIVe siècle.
Le règlement municipal de Vienne habilitait un « Judenrichter » spécial (Juge des Juifs) habilité à statuer sur les différends entre chrétiens et juifs, mais ce juge n’était pas habilité à trancher les conflits entre deux parties juives, à moins qu’une partie ne dépose plainte auprès de lui.

Les premiers Juifs vivaient dans le quartier près de la Seitenstettengasse; à partir de 1280 environ, ils vivaient aussi autour de la Judenplatz moderne. Le centre de la vie culturelle et religieuse juive y était situé du 13ème au 15ème siècle, jusqu’à la Gesera de Vienne en 1420/21.

Le début du 15ème siècle fut une période d’hostilité croissante des bourgeois de Vienne contre les Juifs. L’hérésie hussite avait eu un large écho en Autriche à cette époque, et l’on considérait que les Juifs et les Hussites entretenaient des contacts étroits.
Le duc Albert V, enclin au fanatisme religieux et troublé par la rébellion hussite, était aussi profondément endetté envers les prêteurs juifs et sans moyens de remboursement.
A Pâques 1420, une rumeur se répandit parmi la population de Vienne qu’un riche Israélite nommé Israël avait acheté des hosties consacrées auprès de la femme d’un bedeau de l’église d’Enns, et les avait distribués à d’autres Juifs qui les profanaient. Les Juifs impliqués furent amenés à Vienne, emprisonnés et torturés.


Le 23 mai 1420, les Juifs furent rassemblés dans toutes les villes et les villes d’Autriche et leurs possessions furent confisquées. Les riches furent emprisonnés à Vienne, tandis que les pauvres furent placés dans des bateaux sans rames sur le Danube à la merci du courant. Certains Juifs furent retenus captifs dans des maisons, d’autres dans des synagogues. Les enfants furent séparés des parents, les maris des épouses, et on tenta de les convertir au christianisme.
Les rabbins d’Italie firent appel au pape Martin V pour qu’il intervienne en faveur des Juifs d’Autriche. Il réagit en menaçant d’excommunication quiconque forcerait les Juifs à se convertir. Néanmoins, de nombreux enfants enlevés à leurs parents furent emmenés dans des monastères et convertis de force. Un grand nombre de personnes emprisonnées se suicidèrent, y compris celles détenues dans les synagogues. Le dernier survivant, R. Jonah, mit le feu aux cadavres et mourut sur le bûcher funéraire. Les Juifs qui restaient, 120 femmes et 92 hommes, périrent sur le bûcher le 12 mars 1421. Tous les biens des Juifs revinrent au duc Albert. Les pierres de la synagogue furent utilisées pour la construction de l’université. Quelques Juifs s’enfuirent en Bohême. Un très petit nombre réussirent à maintenir une existence illégale en Autriche. La fière communauté juive de Vienne, n’existait plus, et la ville devint connue sous le nom de « Ir ha-Damim » (La ville du sang) dans la tradition juive.

En l’an 1512, 12 familles juives vivaient à Vienne. Bien qu’il y eut une interdiction de nouvelles implantations en vigueur jusqu’en 1624, elle fut à plusieurs reprises contournée par l’octroi d’exceptions, au point qu’un nouveau cimetière fut établi dans la Seegasse en 1582. Les droits des Juifs furent encore restreints en 1637, ce qui conduisit à la deuxième expulsion de la population juive de Vienne en 1669/70 sous Leopold Ier.

En 1665, on retrouva une femme chrétienne noyée dans une mare dans le quartier juif.
En janvier 1668, le prince héritier – fils de Léopold et de sa femme espagnole Marguerite Therèse – mourut à l’âge de trois mois seulement.
Un mois plus tard, un incendie éclata dans le palais royal.
Dans l’imagination publique, la responsabilité de tous ces incidents fut mise sur le compte des Juifs. Derrière cela, il y avait un ressentiment croissant dans la bourgeoisie envers les Juifs et leur prospérité, et, semble-t-il, un préjugé spécial envers les Juifs que Marguerite Thérèse avait emmené avec elle d’Espagne.
Les Juifs étaient également considérés comme une cinquième colonne potentielle en raison leur sympathie présumée pour l’Empire ottoman, le grand ennemi de l’Autriche.
En avril 1668, un groupe de Viennois haut placés parut devant l’empereur pour demander l’éradication des Juifs « racines et branches ». Cela fut suivi par des émeutes et des pillages, menés notamment par des étudiants. Après avoir faiblement tenté de réprimer les troubles, Léopold ordonna, en juillet 1669, l’expulsion des Juifs les plus pauvres: 1 346 personnes.

Mais il ne fallut pas longtemps avant que l’empereur ordonne, le 1er mars 1670, l’expulsion de la communauté entière, pour ce qu’il appela « la gloire de Dieu », – 3.000 à 4.000 personnes.

Des tentatives furent faites pour changer l’état d’esprit de Léopold. Deux hommes, Hirz Koma et Leo Winkler, un médecin qui dirigeait la communauté juive, offrirentt à l’empereur de l’argent – une somme forfaitaire de 100 000 florins plus 10 000 florins par an – s’il laissait subsister un nombre limité de Juifs. Mais cet effort échoua, tout comme celui de la reine Christine de Suède pour persuader Léopold de fléchir.

Les immeubles abandonnés par les Juifs devinrent la propriété de la ville et la grande synagogue de Vienne devint l’église Léopold, tout comme le quartier juif devint Leopoldstadt. Une deuxième synagogue plus petite fut démolie et remplacée par l’église Sainte Marguerite.