18 juillet 1290
L’édit d’expulsion est un décret royal émis par le roi Edouard Ier d’Angleterre le 18 juillet 1290, expulsant tous les Juifs du Royaume d’Angleterre. L’édit d’expulsion resta en vigueur pour le reste du Moyen Age. L’édit ne fut pas un incident isolé, mais l’aboutissement de plus de 200 ans de persécution accrue. L’édit fut annulé pendant le Protectorat plus de trois siècles plus tard, quand Oliver Cromwell permit aux Juifs de retourner en Angleterre en 1657.
Les premières communautés juives de taille significative sont arrivées en Angleterre avec Guillaume le Conquérant en 1066. Après la conquête de l’Angleterre, Guillaume institua un système féodal dans le pays, en vertu duquel tous les domaines appartenaient officiellement à la Couronne; le roi nommait alors des seigneurs sur ces vastes domaines, mais ils étaient soumis aux devoirs et obligations (financières et militaires) envers le roi.
Sous les seigneurs il y avait d’autres sujets tels que les serfs, qui étaient liés et tenus envers leurs seigneurs, et les obligations de leurs seigneurs. Les marchands avaient un statut spécial dans le système, tout comme les Juifs. Les Juifs étaient déclarés sujets directs du roi, contrairement au reste de la population.
C’était une position juridique à double tranchant pour la population juive, en ce sens que les Juifs n’étaient liés à aucun seigneur particulier mais soumis aux caprices du roi. Cela pouvait être avantageux ou désavantageux. Chaque roi à son tour révisait officiellement une charte royale, accordant aux Juifs le droit de rester en Angleterre. Les Juifs ne bénéficiait d’aucune des garanties accordées par la Grande Charte de 1215.
Économiquement, les Juifs jouaient un rôle clé dans le pays. L’Église ayant alors strictement interdit le prêt d’argent à intérêt, cela créa un vide dans l’économie de l’Europe que les Juifs remplirent en raison de la discrimination extrême qu’ils subissaient dans tous les autres domaines économiques. Le droit canon n’était pas considéré comme applicable aux Juifs, et le judaïsme n’interdit pas les prêts avec intérêts entre Juifs et non-Juifs. En conséquence, certains Juifs amassèrent de grandes quantités d’argent. Profitant de leur statut unique de sujets directs, le roi pouvait s’approprier les biens juifs sous forme d’impôts. Il levait de lourdes taxes sur les Juifs à volonté, sans avoir à convoquer le Parlement.
Les Juifs avaient ainsi acquis une réputation d’usuriers exorbitants, ce qui les rendaient extrêmement impopulaires auprès de l’Église et du grand public.Si une attitude anti-juive était répandue dans toute l’Europe, l’Angleterre médiévale fut particulièrement anti-juive. L’image du Juif comme figure diabolique qui haïssait le Christ commença à se répandre, et des mythes tels que la légende du Juif errant et des allégations de meurtres rituels apparurent et se répandirent en Angleterre ainsi qu’en Écosse et au Pays de Galles.
Dans les accusations fréquentes de meurtre rituel, on prétendait que les Juifs cherchaient des enfants à assassiner avant la Pâque afin d’utiliser leur sang pour faire la Matsa. Les attitudes anti-juives déclenchèrent de nombreuses émeutes au cours desquelles de nombreux Juifs furent assassinés, notamment en 1190, quand plus de 100 Juifs furent massacrés à York.
La situation ne fit que s’aggraver pour les Juifs à mesure que le 13ème siècle progressait. En 1218, Henri III d’Angleterre proclama l’Édit de l’Insigne qui obligeait les Juifs à porter une marque distinctive. La fiscalité sur les Juifs devint de plus en plus lourde. Entre 1219 et 1272, 49 prélèvements furent imposés aux Juifs pour un total de 200 000 marks, une somme considérable.
Henri III imposa une plus grande ségrégation et renforça le port des marques distinctives dans le Statut de la communauté juive de 1253. Il endossa le mythe des meurtres d’enfants par les Juifs. Pendant ce temps, sa cour et ses grands barons achetaient des créances juives dans l’intention de s’approprier des terres de moindre nobles en cas de défaut. La Seconde Guerre des barons dans les années 1260 provoqua une série de pogroms visant à détruire les preuves de ces dettes et les communautés juives des grandes villes, y compris Londres, où 500 Juifs moururent, Worcester, Canterbury et beaucoup d’autres villes.
Le premier pas important vers l’expulsion eut lieu en 1275, avec le Statut de la communauté juive. La loi interdisait tous les prêts à intérêt et donnait aux Juifs quinze ans pour liquider leurs encours.
Dans le duché de Gascogne en 1287, alors possession anglaise, le roi Edward ordonna l’expulsion des Juifs locaux. Tous leurs biens furent saisis par la couronne et toutes les dettes dues aux Juifs furent transférées au roi. Quand il retourna en Angleterre en 1289, le roi Edward était profondément endetté. L’été suivant, il convoqua ses chevaliers pour imposer une lourde taxe. Pour rendre la taxe plus acceptable, Edward, en compensation, offrit, pour l’essentiel, d’expulser tous les Juifs. L’a nouvelle imposition fut adoptée, et trois jours plus tard, le 18 juillet, l’édit d’expulsion fut publié.
L’un des motifs officiels justifiant l’expulsion était que les Juifs avaient refusé de se conformer au Statut de la communauté juive et continuaient à pratiquer l’usure. C’est très probable, car il aurait été extrêmement difficile pour beaucoup de juifs d’assurer les occupations « respectables » exigées par le Statut. L’édit d’expulsion fut très populaire, rencontra peu de résistance, et l’expulsion fut rapidement réalisée.
La population juive en Angleterre à l’époque était relativement petite, peut-être 2.000 personnes, bien que les estimations varient. Le processus d’expulsion semble avoir été relativement non-violent, bien qu’il y ait eu quelques témoignages du contraire. Un récit, peut-être apocryphe, relate que le capitaine d’un bateau rempli de Juifs sur la Tamise, en route vers la France, convainquit les Juifs à bord d’aller se promener avec lui, alors que la marée était basse. Il les égara ensuite et revint rapidement à son navire avant le retour de la marée, les laissant tous se noyer. Après tout, les histoires de noyades plus ou moins volontaires de migrants par les équipages ne sont pas si invraisemblables.
Beaucoup de Juifs émigrèrent, en Ecosse, en France et aux Pays-Bas, et aussi loin que la Pologne, qui, à cette époque, les protégeait en vertu du Statut de Kalisz.
Entre l’expulsion des Juifs en 1290 et leur retour officiel en 1655, il n’y a aucune trace officielle de Juifs en tant que tels sur le sol anglais sauf en rapport avec le Domus Conversorum (Maison des convertis), qui en garda un certain nombre jusqu’en 1551 et même plus tard.
Une tentative fut faite, dès 1310, pour obtenir une révocation de l’édit d’expulsion, mais en vain. Néanmoins, il semble qu’un certain nombre de Juifs soient revenus, si l’on se fie aux plaintes faites au roi en 1376 selon lesquelles ceux qui commerçaient comme Lombards étaient en réalité des Juifs.
De temps en temps des permis étaient accordés à des personnes pour visiter l’Angleterre, comme dans le cas du Dr Elias Sabot (éminent médecin de Bologne convoqué pour soigner Henri IV) en 1410, mais ce ne fut qu’après l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492 et 1497 qu’un nombre considérable de Juifs séfarades trouvèrent refuge en Angleterre.
L’un d’eux, dès 1493, tenta de récupérer une somme de 428000 maravedis confiée à Diego de Soria par les réfugiés espagnols. En 1542, beaucoup furent arrêtés parce qu’ils étaient soupçonnés d’être Juifs, et tout au long du XVIe siècle un certain nombre de personnes nommées Lopez, probablement toutes de la même famille, trouvèrent réfuge en Angleterre, la plus connue d’entre elles étant Rodrigo López, médecin de la reine Elizabeth I, et qui, selon certains commentateurs, aurait inspiré le personnage de Shylock.
En dehors de certains convertis distingués comme Immanuel Tremellius et Philip Ferdinand, le visiteur le plus remarquable fut Joachim Gaunse, qui introduisit de nouvelles méthodes d’exploitation minière en Angleterre. Des visiteurs occasionnels, comme Alonzo de Herrera et Simon Palache en 1614, sont enregistrés.
Les écrits de John Weemes dans les années 1630 apportèrent une idée positive de la réinstallation des Juifs en Angleterre, qui fut effective en 1657.
