Ephéméride | Meylekh Epstein [ 31 juillet ]

31 juillet 1979

Disparition de Meylekh Epstein, journaliste et historien de mouvement ouvrier juif américain.

Meylekh Epstein naquit à Rozhinoy (Ruzhany), district de Grodno, Biélorussie. Son père, Khayim Epltreger, était instituteur dans le Talmud Torah municipal. Meylekh étudia dans l’école primaire religieuse et la yeshiva et l’hébreu et le russe avec des tuteurs privés.
À l’âge de treize ans, il quitta la maison et partit pour Bialystok. Jeune encore, il entra dans les cercles du parti sioniste travailliste de Minsk et prit une part active aux débats relatifs aux problèmes du travail juif à Bialystok, Varsovie et ailleurs.
En raison de ses activités politiques, il séjourna dans une prison russe. Vers 1908-1910, il fut l’un des fondateurs et des dirigeants de l’association musicale et théâtrale prolétarienne « Harfe » (Harpe) à Lodz, et plus tard il fut secrétaire de la Société littéraire juive (division de Saint-Pétersbourg), sous la présidence de YL Perets, jusqu’à ce que la société soit fermée par la police.

Après l’échec de l’organisation socialiste sioniste à Varsovie, il partit pour les Etats-Unis à la fin de l’année 1913 et y contribua aux organes socialistes et territorialistes (un courant du sionisme qui réclamait un territoire pour les Juifs, y compris hors de Palestine).

Il travailla d’abord comme enseignant dans une école radicale nationale à New York, puis pour « Tog » (Le Jour) à New York, avant de passer à « Haynt » (Aujourd’hui), sous la direction d’Herman Bernshteyn, et par la suite pour « Di tsayt » (Le Temps) , l’organe quotidien des sionistes travaillistes, en 1921; il rejoignit ensuite le Parti communiste, et fut l’un des fondateurs de « Morgn-frayhayt » (Liberté du matin) et de 1925 à 1928 son rédacteur en chef. Il siégea au comité de rédaction du mensuel communiste « Der hamer » (Le Marteau). En 1930, il fit un voyage en mission pour le Parti communiste en Russie soviétique. En 1936, il partit en mission secrète pour le Parti en terre d’Israël afin de découvrir les véritables faits entourant la lutte arabo-juive. Il quitta le Parti communiste en août 1939 pour protester contre l’accord Staline-Hitler.

Il commença alors à écrire pour: « Forverts » (En Avant), « Tsukunft » (Futur), et « Fraye arbeter-shtime » (La Libre voix des Travailleurs), entre autres journaux de New York, ainsi que pour la presse juive anglophone.
En 1940, il écrivit pour le Syndicat des la Confection l’histoire de la grève générale de 1910. Pendant un certain temps, il travailla pour l’Union internationale des ouvriers du vêtement, fut rédacteur en chef du périodique « Hofenung » (Hope) et publia (1934-1940) pour la Ligue contre le fascisme. Pendant cette série d’années, il joua un rôle important en tant que journaliste yiddish.

Ses livres comprennent:
« Sako-Vanzeti, di geshikhte fun zeyer martirertum (Sacco-Vanzetti, l’histoire de leur martyre) (New York: section juive, Parti ouvrier (communiste), 1927), « Amerike, der industryeler krizis un di revolutsyonizirung fun arbeter-klas » (Amérique, la crise industrielle et la révolution de la classe ouvrière) (Minsk: Central Publ, URSS, 1930), « Sovetn-farband boyt sotsyalizm, vi azoy der finf-yor plan ruft zikh op af ale gebitn fun lebn » (L’Union Soviétique construit le socialisme, comment le plan quinquennal répond à tous les domaines de la vie) (New York: International Labour Order, 1931); « Yisroel Faynberg, kempfer far frayhayt un sotsyaler gerekhtikheyt » (Israël Feinberg, combattant pour la liberté et la justice sociale), avec une préface de David Dubinsky (New York, 1948); « Le travail juif aux États-Unis: Une histoire industrielle, politique et culturelle du mouvement ouvrier juif, 1882-1914 » (New York, 1950).
« Le travail juif aux États-Unis, 1914-1952: Une histoire politique et culturelle industrielle du mouvement ouvrier juif » (New York, 1953); « Le juif et le communisme: l’histoire des premières victoires communistes et des défaites ultimes dans la communauté juive, États-Unis, 1919-1941 » (New York, 1959), « Profiles of Eleven » (Détroit: Wayne State University Press, 1966).

Il meurt à Miami Beach, fin juillet 1979. Ni la date de sa naissance, ni celle de soin décès ne sont connus avec exactitude.

Voici un court extrait de ses mémoires, à propos de sa visite en URSS.

« À la fin de l’année 1930, de nombreux Juifs occupaient encore des postes importants dans le gouvernement, dans l’économie et dans la vie intellectuelle de pays. Cela pouvait se constater dans la composition de la convention du Gezerd à Moscou (OZET), la seule institution sociale juive institution autorisée.
Les délégués, environ 150 en nombre, étaient tous plus ou moins des hauts fonctionnaires soviétique. Mais l’antisémitisme, bien que banni par la loi, n’avait été ni éradiqué ni réduit au silence. Au Comité central du Parti communiste, le saint-des-saints, en attendant les billets pour la prochaine conférence du parti sur l’éducation, au Kremlin, je fus secoué par l’explosion sarcastique d’un homme à qui on avait refusé un billet alors que j’en avais reçu un. « Les Epsteins on leur donne tout! » s’exclama-t-il.
La femme au bureau répondit en s’excusant, « Ce camarade vient des Etats-Unis. » Personne dans la pièce – tous des responsables du Parti – ne protesta contre la déclaration anti-juive.

 Quelque temps plus tard, j’ai été témoin d’un procès public à Poltava, en Ukraine, contre une femme qui avait répandu la vieille calomnie sur les Juifs qui utilisaient le sang des enfants chrétiens à des fins rituelles. Le Parti et le Soviet locaux avait mis en scène ce procès élaboré comme un moyen efficace de combattre les sentiments anti-juifs profondément enracinés en Ukraine.

L’avocat de la défense était un Juif. Sa nomination était intentionnelle…

J’ai visité les colonies juives en Ukraine et en Crimée, et
ai pris connaissance du travail des trois districts juifs. En apparence, les colonies étaient très agréables; la plupart des maisons dans les nouvelles colonies avaient été construites par l’AgroJoint, et l’administration locale semblait être efficace. Nombre des colonies non juives voisines avaient choisi d’appartenir aux districts juifs. Il n’y avait aucun doute dans mon esprit, cependant, que les colons, dont la plupart étaient d’anciens petits commerçants, n’avaient aucune sympathie pour la collectivisation. Mais ils étaient impuissants. On pouvait à peine apercevoir un garçon ou une fille adolescente dans une colonie. Sans surprise, leurs mères les avaient expédiés étudier dans les grandes villes, où
ils pourraient faire une carrière plus lucrative qu’ils n’auraient pu le faire comme membres d’une ferme collective.

Le vaste réseau d’institutions éducatives et culturelles juives,
journaux, magazines et théâtres – tous en yiddish et tous
entretenu par l’Etat – devait impressionner le visiteur. Mais
leur contenu superficiel était décourageant. Comme venant de l’intérieur de cette culture , j’ai eu l’occasion d’observer dans plusieurs villes comment l’espace culturel juif
était régulièrement réduit par les Russes, les Ukrainiens et les Biélorusses.
Moscou même n’avait pas une seule école juive pou enfants.
La stratification progressive de la société soviétique, à un degré inconnu dans l’Amérique « capitaliste », et la concentration des rênes du pouvoir entre les mains d’un seul homme ne pouvait être oubliées. Mais la parte la plus
décevante était l’absence totale de toute indication de l’émergence du nouvel homme soviétique tant annoncée. »

« Je pourrais ajouter que, malgré l’impression qui prévaut à l’étranger, les délégués, presque jusqu’au dernier homme, détestaient cordialement le choix du lointain Birobidjan comme le future région autonome juive. Ils préféraient la Crimée du nord, plus proche, qui avait déjà un noyau considérable de nouvelles colonies agricoles juives.
A cette époque, les communistes pouvaient encore exprimer librement leurs opinions dans les réunions fermées.
J’étais présent à la réunion de la fraction communiste à la veille de la convention du Gezerd, et j’ai été témoin de l’opposition des délégués au projet Birobidjan.
Mais ils furent démentis par le représentant du parti, et, bien sûr, aucun d’entre eux n’osa exprimé son point de vue à la convention ouverte. Abram Merezhii, secrétaire du
OZET, fut plus tard écarté de son poste et accusé de saboter la décision du parti.
Il disparut lors des purges. Que leur opposition était justifiée a été prouvé par la banqueroute totale du Birobidjan après la Seconde Guerre mondiale, une banqueroute qu’aucune propagande intelligente ou le rideau de fer ne pouvaient cacher longtemps. »