31 août 1893
Naissance à Paris de Lily Laskine, la plus grande harpiste du XXe siècle.
On la surnommait la « grande dame de la harpe », car Lily Laskine a véritablement dominé la vie de cet instrument pendant plus de trois quarts de siècle. La harpe lui doit d’avoir retrouvé ses lettres de noblesse, d’être sortie du rôle d’instrument de salon dans lequel elle était restée confinée au XIXe siècle pour redevenir un instrument soliste à part entière.
Née à Paris le 31 août 1893, Lily Laskine commence par étudier le piano. Mais elle éprouve peu d’attirance pour cet instrument et se tourne vers la harpe : elle entre au Conservatoire de Paris, où elle est l’élève d’Alphonse Hasselmans (1845-1912) et de Georges Marty (1860-1908). À l’âge de douze ans, elle donne son premier concert et obtient un premier prix de harpe au Conservatoire (1905). Elle commence à voyager à partir de 1907 et joue notamment à Londres. En 1909, elle entre à l’Orchestre de l’Opéra de Paris, où elle est la première femme admise ; elle y restera jusqu’en 1926. Elle est également harpe solo de l’orchestre que fonde Serge Koussevitzky à Paris en 1921 ; elle occupe la même fonction aux Concerts Lamoureux (1921-1940, puis 1943-1945), aux Concerts Straram (1926-1933), à l’Orchestre national (dès sa fondation, en 1934), à l’Orchestre philharmonique de Paris et à la Comédie-Française.
Elle est abritée pendant la Seconde Guerre mondiale au château Pastré à Marseille par la comtesse Lily Pastré, comme de nombreux Juifs qui tentaient de quitter la France.
Contrairement à ses prédécesseurs, Lily Laskine ne se cantonne pas dans son rôle d’instrumentiste d’orchestre et entreprend une carrière de soliste, en récital, en concerto et en musique de chambre. Elle suscite ainsi un nouvel intérêt pour la harpe et fait revivre une partie du répertoire alors oublié, en particulier le Concerto pour flûte et harpe de Mozart, qu’elle joue au festival de Salzbourg et qu’elle enregistrera à plusieurs reprises, notamment avec Marcel Moyse, René Le Roy, Michel Debost, Roger Bourdin et Jean-Pierre Rampal. Elle est invitée dans la plupart des capitales et des festivals européens et joue sous des baguettes aussi prestigieuses que celles d’Arturo Toscanini, Koussevitzky, Piero Coppola, Charles Münch, Thomas Beecham…
Lily Laskine tire également de l’oubli des pages anciennes du répertoire, comme les pièces de Nicholas Charles Bochsa, François-Joseph Gossec, Carl Reinecke ou Jean-Baptiste Krumpholz. Elle défend les trésors de la musique française pour harpe écrits à la fin du XIXe et au début du XXe siècle (Fauré, Debussy, Ravel, Florent Schmitt, Gabriel Pierné, Jacques Ibert…) et suscite la composition de nombreuses œuvres écrites à son intention : Impromptu pour harpe (1919) d’Albert Roussel, Quatuor pour flûte, violon, clarinette et harpe (1925) et Suite en concert pour harpe et orchestre (1928) de Georges Migot, Concerto pour harpe (1952) d’André Jolivet, Concerto pour harpe (1968) de Claude Pascal, pages de Pierre Sancan ou Henri Martelli.
De 1948 à 1958, elle est professeur de harpe au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Elle enseigne également à l’Académie internationale d’été de Nice et donne des masterclasses dans le monde entier. Elle siège dans les jurys des principaux concours internationaux. Aux États-Unis, un prix qui porte son nom est décerné chaque année à de jeunes harpistes. Elle a ainsi formé toute une génération de harpistes, notamment Marielle Nordmann et Annie Challan, qui trouvaient en elle la détentrice d’une tradition vivante que les années n’avaient nullement altérée : à plus de quatre-vingts ans, elle jouait encore en récital à deux harpes avec Marielle Nordmann. Lily Laskine meurt à Paris le 4 janvier 1988.
La générosité de Lily Laskine était aussi célèbre que sa rigueur professionnelle. Sa vie durant, elle a continué à exercer les diverses facettes de son art, jouant aussi bien les secondes harpes d’orchestre qu’en soliste ou en musique de chambre avec des partenaires comme Yehudi Menuhin, Marcel Moyse, le Quatuor Calvet… Certains ont vu dans cette omniprésence une sorte de monopole sur le marché encore étroit d’un instrument relativement peu demandé. Mais la disponibilité de Lily Laskine offrait une contrepartie appréciable à cette attitude : toujours présente pour aider ses cadets, elle savait également dispenser ses conseils de façon désintéressée et, contrairement à la plupart des solistes consacrés, ne refusait jamais de jouer avec de jeunes artistes. Son esprit pétillant laissait rarement indifférent et, si elle faisait preuve d’une grande prudence devant les micros et les caméras, elle laisse le souvenir d’une étonnante vitalité. Elle était mariée au violoniste Roland Charmy qui a été, pendant de nombreuses années, professeur au Conservatoire de Paris.
