22 août 1864
Douze états signent la Première Convention de Genève instituant le Comité International de la Croix Rouge. Sa mission proclamée est de venir en aide à toutes les victimes de conflits mais pour les Juifs victimes des nazis, ils ont fait une exception.
Après le premier examen complet des dossiers secrets de la Croix-Rouge datant de la Seconde Guerre mondiale, un éminent historien suisse conclut que l’organisation humanitaire internationale avait failli à aider les Juifs exterminés par l’Allemagne nazie. Le Comité international de la Croix-Rouge, qui autorisa la recherche, reconnut que l’absence d’assistance aux millions de Juifs dans les camps de la mort allemands avait été « la pire des défaites dans l’histoire de sa mission humanitaire ».
Les conclusions, dans un livre publié récemment en Suisse, ternirent le lustre de la Croix-Rouge, symbole depuis plus d’un siècle d’une action humanitaire impartiale sur les champs de bataille et les sites sinistrés du monde entier. Bien que des groupes juifs eussent précédemment mis en cause le CICR pour ses mesures inadéquates face aux assassinats nazis, les nouvelles conclusions firent autorité parce qu’elles résultaient de la première enquête effectuée sans restriction sur les propres archives de l’organisation à Genève.
L’historien Jean-Claude Favez déclara que le CICR n’avait pas satisfait ses idéaux en raison des pressions exercées par un gouvernement suisse résolument neutre et surtout, s’était montré incapable de comprendre que le génocide des Juifs était si extraordinaire qu’il nécessitait des réponses allant au-delà des normes traditionnelles de la Croix-Rouge.
« Dans l’utilisation du droit international, le CICR, confronté à des victimes sans qualification juridique qui se tournaient vers lui, chercha souvent non pas les moyens d’agir, mais au contraire une justification pour ne pas agir, afin de ne pas perturber les missions conventionnelles sur lesquelles reposait son existence même », conclut Favez.
Dans leur réponse, les dirigeants du CICR au moment de la publication du rapport, déclarèrent que le droit international ne lui donnait alors aucune autorité pour contester le traitement allemand des prisonniers civils et que le gouvernement nazi avait rejeté ces tentatives. Les Conventions de Genève sur les civils en temps de guerre ne furent adoptées qu’en 1949.
« Un appel public contre les exterminations, suggéré mais rejeté par les membres du Comité de la Croix-Rouge en 1942, aurait nui et aurait pu compromettre l’assistance régulière aux prisonniers de guerre dans d’autres camps nazis » selon leur déclaration. En outre, le Comité souligna que, malgré certaines informations, l’ampleur de l’assassinat dans les camps de concentration nazis n’était pas aussi pleinement reconnue qu’à l’heure actuelle. « A côté de l’échelle effrayante de la solution finale, telle qu’elle est connue et perçue aujourd’hui, les accomplissements du CICR semblent insignifiants », conclut le communiqué. « Le CICR estime que la maigreur des résultats obtenus malgré les efforts considérables déployés à l’époque et dans les circonstances qui prévalaient constituent « la pire défaite de l’histoire de sa mission humanitaire et illustrent l’échec de toute une civilisation. »
Favez, qui avait déjà travaillé sur la Seconde Guerre mondiale, déclara dans une interview que les gouvernements alliés avaient manqué, comme la Croix-Rouge, à concentrer leur attention sur le sort des Juifs. La Grande-Bretagne avait déjà des problèmes en Palestine, nota-t-il en expliquant que les dirigeants alliés, aux prises avec un monde en guerre, soutenaient que le meilleur moyen de sauver les Juifs était de faire tout ce qui était nécessaire pour vaincre Hitler.
« La Croix-Rouge partageait le même aveuglement que les Alliés sur cette question », ajouta-t-il. « Mais ce qui est plus troublant, c’est que le CICR est une organisation humanitaire. C’est toute la différence. »
