Ephéméride | Septième bougie de Khanike [8 Décembre]

30 Kislev 5779 (8 décembre 2018)

LA NUIT OÙ ON ALLUMA LES BOUGIES DE HANOUCCAH À BERGEN-BELSEN

Une difficile épreuve d’obéissance aimante aux commandements divins se présenta dans un camp de concentration nazi avec l’arrivée de la fête de Hanouccah. Les détenus juifs pieux étaient décidés à allumer les bougies de Hanouccah et à chanter les bénédictions appropriées en hébreu. Il faut se souvenir qu’il ne s’agissait pas d’hommes libres, mais de misérables esclaves, autorisés provisoirement à vivre et à travailler jusqu’à l’épuisement de leurs forces. La mort menaçait de tous côtés et à tout moment. En outre, même s’ils parvenaient à éviter de se faire repérer par leurs maîtres sadiques, ils ne disposaient pas du matériel essentiel – bougies de Hanouccah et menorah. Où, quand et comment pouvait se produire une chose visiblement impossible?

Elle se produisit pourtant lors de la première nuit de Hanouccah, en 1943, dans le camp de concentration nazi de Bergen-Belsen.
Les détenus juifs étaient alors encore plus déprimés que d’habitude, car la veille, ils avaient vu deux officiers nazis ordonner aux Juifs munis de passeports étrangers de sortir de leur caserne et les avaient abattus de sang froid….
Sur les 1126 détenteurs de passeports péruviens, seuls 11 avaient été épargnés pour une raison mystérieuse. Un de ces 11 survivants chanceux, le rabbin Israel Shapiro, plus connu parmi les hassidim sous le nom du Blazhever Rebbe, fut la figure centrale de cette célébration macabre de Hanouccah…

Vivant à l’ombre de la mort et ne sachant pas quand viendrait leur tour, les détenus juifs étaient néanmoins décidés à célébrer Hanouccah de manière traditionnelle et à puiser toute la force spirituelle possible dans l’histoire héroïque de leurs ancêtres Maccabées. Sur leurs maigres portions de nourriture, les hommes épargnèrent un peu de graisse. Les femmes, de leur côté, retirèrent des fils de leurs vêtements déchirés et les tordirent en une mèche improvisée. À défaut d’une vraie menorah, un chandelier fut confectionné à partir d’une demi-pomme de terre crue. On sculpta même, dans les chaussures en bois que portaient les détenus, des dreidels de Hanouccah pour la douzaine d’enfants du camp.

Au péril de leur vie, de nombreux détenus se rendirent sans se faire remarquer à la baraque n° 10, où le Blazhever Rebbe devait diriger la cérémonie de Hanuccah. Il inséra la bougie improvisée dans la ménorah improvisée et commença à chanter d’une voix douce les trois bénédictions traditionnelles. À la troisième bénédiction, dans laquelle on remercie Dieu: « Il nous a gardés en vie, nous a préservés et nous a permis d’atteindre ce moment », la voix du rebbe se brisa en sanglots, car il avait déjà perdu sa femme, sa fille unique, son gendre et son unique petit-fils. Les détenus rassemblés le rejoignirent dans un concert de pleurs, car ils avaient tous perdu leur propre famille. D’une voix basse, étouffée par des sanglots irrépressibles, ils se forcèrent à chanter l’hymne traditionnel « Maoz Tzur », qui proclame la foi inébranlable en Dieu, le Rocher de leur force.

Après avoir retrouvé son calme, le rebbe essaya de les réconforter et de leur redonner courage et espoir. Se référant aux paroles de la deuxième bénédiction, selon lesquelles « il a opéré des miracles pour nos pères jadis », le rebbe demanda: – N’est-il pas paradoxal de remercier Dieu pour les miracles qu’il a accomplis en faveur de nos ancêtres il y a bien longtemps, alors qu’il n’en accomplit aucun pour nous dans notre situation tragique?
En réponse à sa propre question, il déclara:
– En allumant cette bougie de Hanouccah, nous nous identifions symboliquement au peuple juif partout dans le monde. Notre longue histoire compte de nombreuses horreurs sanglantes que notre peuple a endurées et auxquelles il a survécu. Nous pouvons être certains que, quoi qu’il puisse nous arriver en tant qu’individus, les Juifs, en tant que peuple, avec l’aide de Dieu, survivront à leurs cruels ennemis et en sortiront victorieux.

Philip R. Alstat
(traduit de l’anglais par Charles Yisroel Goldszlagier)