Vous l’avez, bien sûr, reconnu au premier coup d’oeil. C’est Motl, le tailleur timide de « Un Violon Sur Le Toit ».
– C’est vrai Reb Tevye, je ne suis qu’un pauvre tailleur. Mais même un pauvre tailleur a droit à un peu de bonheur!
Leonard Frey naît le 4 septembre 1938 dans le quartier populaire de Brooklyn, à New York, au sein d’une famille juive. Enfant timide mais doué pour le dessin et l’expression artistique, il est encouragé à suivre une voie créative. Il étudie d’abord au High School of Art and Design, puis au Cooper Union, une école d’art réputée. Mais bientôt, c’est le théâtre qui l’attire irrésistiblement.
Il entre alors au Neighborhood Playhouse School of the Theatre, haut lieu de la formation théâtrale new-yorkaise, où il a la chance d’apprendre auprès de Sanford Meisner. Ce dernier lui enseigne une approche réaliste du jeu d’acteur, fondée sur l’écoute, la vérité et l’instant présent. Cette méthode marquera profondément son style.
Frey commence par jouer Off-Broadway dans les années 1960. Ce sont des rôles souvent secondaires, mais il attire vite l’attention par sa capacité à rendre touchants des personnages maladroits, vulnérables, parfois un peu névrosés.
En 1968, sa carrière prend un tournant décisif avec la pièce « The Boys in the Band » de Mart Crowley. Il y incarne Harold, un homosexuel juif, sarcastique et cultivé, dont l’esprit acéré cache une immense solitude. La pièce, qui parle ouvertement de l’homosexualité à une époque où le sujet est encore tabou, devient un événement théâtral. La performance de Frey est saluée pour son mélange d’humour acide et de fragilité.
Un critique écrivit alors que Leonard Frey « avait le don rare de faire rire et de briser le cœur en une seule réplique ».
En parallèle, Leonard Frey se distingue à Broadway dans la comédie musicale « Fiddler on the Roof » (Un violon sur le toit). Il y joue Motl Kamzoil, le tailleur timide qui rêve d’épouser la fille de Tevye.
Dans ce rôle de jeune homme gauche mais déterminé, Frey déploie tout son talent comique et sa tendresse.
Quand le film de Norman Jewison est tourné en 1971, il est choisi pour reprendre son rôle. Le film connaît un immense succès international, et son interprétation lui vaut une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle en 1972. Il a alors 33 ans, et Hollywood semble lui ouvrir les bras.
Après ce succès, Leonard Frey reprend son rôle de Harold dans l’adaptation filmée de « The Boys in the Band » par William Friedkin (1970). Le film, un peu controversé à sa sortie, sera redécouvert plus tard comme un jalon de la culture LGBTQ+.
Il enchaîne ensuite divers rôles à la télévision, apparaissant dans des séries à succès comme Mission: Impossible, Kojak, Barnaby Jones, Murder, She Wrote et Hart to Hart. Ces apparitions confortent son statut d’acteur solide, mais il n’accède pas à la pleine reconnaissance de star que son talent laissait espérer.
À Hollywood, il est parfois catalogué dans des rôles stéréotypés : l’intellectuel, le juif ironique, l’homme efféminé.
Dans les années 1980, Leonard Frey continue à travailler sur scène et à la télévision, mais ses activités déclinent à cause de sa santé. Comme beaucoup d’artistes de sa génération, il est frappé par l’épidémie de sida qui ravage alors la communauté homosexuelle artistique new-yorkaise.
Il meurt le 24 août 1988, dix jours avant son 50ᵉ anniversaire, à l’hôpital Beth Israel de Manhattan. Sa disparition prématurée laisse le souvenir d’un acteur au talent immense, trop tôt arraché à son art.
24 août 1988. Décès à New-York des suites du SIDA de Leonard Frey, un acteur sensible au destin brisé.
