Bruno Bettelheim naît à Vienne en 1903, au sein d’une famille juive cultivée. Sa judéité n’est pas rituelle, mais elle est un fil invisible, tendu à travers les générations, une conscience aiguë des fragilités et des persécutions qui marqueront son destin. L’Europe des années 1930, avec ses convulsions et sa montée de la barbarie, transformera ce fil en corde de survie.
Arrêté par les nazis, il est interné à Dachau puis Buchenwald, là où chaque jour devient un exercice de résistance mentale, chaque regard une leçon sur la cruauté et la fragilité humaine. C’est dans cette nuit que la psychanalyse devient pour lui un refuge : un instrument pour ordonner le chaos, pour traduire en pensée la terreur, pour transformer l’horreur en savoir.
Aux États-Unis, à l’Orthogenic School de Chicago, Bettelheim applique ses théories à des enfants traumatisés et autistes. Il construit des structures protectrices, impose discipline et affection, mais il s’aventure sur un terrain controversé : il attribue une part de responsabilité à ce qu’il appelle les « mères réfrigérateur », accusant certaines mères d’avoir contribué à l’autisme de leur enfant. Cette idée, qui fait scandale, cristallise les tensions entre génie et excès, empathie et jugement moral.
Le temps passant, d’autres ombres viennent ternir son aura : des enquêtes révèlent des inexactitudes dans son récit de Dachau et Buchenwald, des méthodes éducatives discutables et des interprétations psychanalytiques contestables. L’homme de lumière devient figure ambiguë, oscillant entre survivant et polémiste, sauveur et tyran intellectuel. On le traite de charlatan.
Dans sa vieillesse, la tension se fait insoutenable. Le génie et le poids du passé, le traumatisme et la controverse, le succès et la critique se superposent.
Il aimait raconter ce « witz »:
Deux juifs se rencontrent à Berlin et demandent des nouvelles d’un troisième. Le premier dit : » Il s’est jeté par la fenêtre parce que la Gestapo arrivait chez lui».Et l’autre répond : » Ma foi, s’il avait trouvé le moyen d’améliorer sa situation…. »
Le 13 mars 1990, le jour anniversaire de l’Anschluss, c’est-à-dire de l’entrée des troupes allemandes sur le sol autrichien, Bruno Bettelheim « améliorait » lui aussi sa situation : il s’auto-asphyxia en se recouvrant la tête d’un sac de plastique. Il était âgé de quatre-vingt-six ans.
28 août 1903. Naissance à Vienne de Bruno Bettelheim, un psychanalyste qui connu son heure de gloire dans les années 70, en cherchant à transposer l’expérience concentrationnaire aux thérapies de l’autisme, avec des résultats très contestés.
