Ephéméride | Henri, roi de Germanie et d’Italie [14 Février]

14 février 1014

Henri, roi de Germanie et d’Italie, est couronné à Rome, empereur du Saint-Empire Romain Germanique, par le pape BenoitVII, sous le nom de Henri II. C’est sous son règne que se produisirent les premières persécutions sérieuses de Juifs en Allemagne.

En Allemagne, les Juifs n’étaient pas précisément opprimés, mais on ne leur était pas favorable. Par suite du système féodal qui régnait alors dans ce pays, ils ne pouvaient pas posséder des terres et étaient poussés tous vers le commerce. Juif et marchand étaient devenus synonymes.
Les riches faisaient des affaires de banque et les autres empruntaient de l’argent à un taux relativement modéré pour se rendre à la foire de Cologne ; à leur retour, ils étaient généralement en état de s’acquitter de leurs dettes.

À l’exemple des premiers Carolingiens, les empereurs d’Allemagne exigeaient des Juifs une contribution annuelle. Quand Othon le Grand voulut assurer des ressources à l’église nouvellement construite de Magdeburg, il lui abandonna (965) les impôts payés par les Juifs et autres marchands. De même, Othon II fit cadeau, comme on disait alors, des Juifs de Mersebourg à l’évêque de cette ville (981). Cet empereur avait dans sa suite un Juif italien du nom de Kalonymos, qui lui était très dévoué et qui, un jour, risqua sa vie pour sauver celle de son souverain (982).

Sous le règne tant vanté des Othon, l’état intellectuel de l’Allemagne était peu brillant. Les chrétiens avaient fait de nombreux emprunts aux Arabes, mais ils n’avaient pas appris d’eux à cultiver la science et à en encourager la culture parmi les autres croyants.
Les Juifs d’Allemagne, tout en étant supérieurs à leurs concitoyens chrétiens par leur moralité, leur sobriété et leur activité, n’étaient pas plus civilisés qu’eux. Leurs talmudistes remarquables venaient d’autres pays.

L’enseignement du Talmud avait été transplanté en Allemagne du sud de la France, de Narbonne, par Guerschom, le plus savant talmudiste de l’époque, et par son frère Makir. Guerschom ben Yehuda (né vers 960 et mort en 1028) était originaire de France. Il se rendit, on ne sait pour quel motif, dans la ville de Mayence et y créa une école, où affluèrent rapidement de nombreux élèves de l’Allemagne et de l’Italie.
Sa réputation était telle qu’on le surnomma la Lumière de l’exil ; mais il avouait modestement qu’il devait toute sa science à son maître Léontin, probablement de Narbonne. Son enseignement, comme ses commentaires sur le Talmud, était clair et méthodique.
Son autorité religieuse s’étendit rapidement sur les communautés juives de France, d’Allemagne et d’Italie, et lui qui se déclarait humblement l’élève de Haï et respectait profondément le gaon, il contribua, involontairement, il est vrai, à précipiter la chute du gaonat en développant l’étude du Talmud parmi les Juifs de ces pays et en les rendant indépendants des académies babyloniennes.

Guerschom se fit surtout connaître par ses Ordonnances, qui exercèrent la plus heureuse action sur les Juifs d’Allemagne et de France. Il interdit, entre autres, la polygamie, décréta que pour le divorce le consentement de la femme, inutile d’après le Talmud, était nécessaire aussi bien que celui du mari, interdit aux messagers de lire les lettres, même non cachetées, qui leur étaient confiées. Cette dernière défense était d’une très grande importance à une époque où les lettres étaient portées à destination par des voyageurs. La transgression de ces diverses ordonnances était punie de l’excommunication.

En même temps que Guerschom, un autre savant vivait à Mayence ; il s’appelait Simon ben Isaac ben Aboun, descendant d’une famille française (du Mans ?) et auteur d’un ouvrage talmudique. Simon composa également des poésies synagogales, à la manière du Kalir, sèches, incorrectes et obscures. Il était riche, et sa fortune lui servit à détourner en partie des Juifs d’Allemagne un dangereux orage.

À cette époque, en effet, éclatèrent en Allemagne les premières persécutions contre les Juifs. Elles étaient dues, selon toute apparence, à la conversion d’un ecclésiastique au judaïsme. Ce prêtre, nommé Vecelinus, était le chapelain du duc Conrad, un parent de l’empereur. Après sa conversion (1005), il publia un écrit des plus injurieux contre ses anciens coreligionnaires.
« Êtres stupides, dit-il en s’adressant aux chrétiens, lisez le prophète Habacuc et vous verrez que Dieu proclame qu’il est l’Éternel et ne change jamais. Comment pouvez-vous alors croire, comme vous le faites, que Dieu s’est transformé et a fait concevoir une femme ?
Répondez, benêts ! »

Irrité de l’apostasie de Vecelinus et de ses attaques violentes contre le christianisme, l’empereur Henri fit publier contre lui par un prélat de sa cour un libelle plein d’invectives.
Quelques années plus tard (1012), ce même empereur fit expulser les Juifs de Mayence et probablement d’autres villes.

Simon et Guerschom composèrent sur ce malheureux événement de douloureuses élégies. Pour sauver leur vie ou leurs biens, de nombreux Juifs, et parmi eux le fils de Guerschom lui-même, embrassèrent le christianisme.

Grâce à des démarches pressantes, appuyées par de fortes sommes d’argent, Simon ben Isaac réussit à arrêter les persécutions et à obtenir pour ses coreligionnaires l’autorisation de s’établir de nouveau à Mayence. Ceux qui, par contrainte, avaient accepté le baptême, revinrent au judaïsme, et Guerschom les protégea contre tout outrage en menaçant d’excommunication tout Juif qui leur reprocherait leur moment de défaillance.
La communauté de Mayence perpétua le souvenir de l’heureuse intervention de Simon en rappelant son nom chaque samedi à la synagogue.

(Source: Heinrich Graetz, Histoire des Juifs)