Ephéméride |Ponary [ 8 Juillet ]

8 juillet 1941

Début des exécutions à Ponary, le tombeau des Juifs de Vilna.

Les premières exécutions sur le site d’exécution de Vilna à Ponary eurent lieu le 8 juillet 1941. Une centaine de Juifs à la fois étaient amenés de la ville à Ponary, dans une zone d’attente. Là, dans ce qui avait été un lieu de villégiature très fréquenté par les Juifs de Vilna, ils recevaient l’ordre de se déshabiller et de remettre tout l’argent ou les objets de valeur qu’ils avaient sur eux.

Ensuite, ils défilaient nus, en file indienne, par groupes de dix ou vingt à la fois, se tenant les mains jusqu’au bord des fosses creusées par l’armée soviétique pour stocker du carburant.

Ils étaient ensuite abattus au fusil. Après qu’ils soient tombés dans la fosse,on ne faisait aucune tentative pour vérifier qu’ils étaient tous bien morts. Si quelqu’un bougeait, on tirait un autre coup.

Les corps étaient ensuite recouverts d’en haut, d’une fine couche de sable et le groupe suivant de prisonniers nus était conduit de la zone d’attente jusqu’au bord de la fosse. De l’endroit où ils avaient attendu, les gens avaient entendu le bruit des tirs de fusil mais n’avaient rien vu.

Témoignage d’un chauffeur de camion.

« Je ne sais pas si nous sommes arrivés à Ponary le 5 ou le 10 juillet 1941. Pendant que nous réparions nos véhicules – je ne sais plus si c’était le premier ou le deuxième jour de notre séjour – j’ai soudain vu une colonne d’environ quatre cents hommes marcher le long de la route dans la forêt de pins.

Ils venaient de Vilna. La colonne, composée exclusivement d’hommes âgés de vingt-cinq à soixante ans, fut conduite dans le bois par une garde de civils lituaniens. Les Lituaniens étaient armés de carabines, les gens étaient complètement habillés et ne portaient que le strict nécessaire. Si je me souviens bien, les gardes portaient des brassards dont je ne me souviens plus de la couleur.

Je me souviens que Hamann et, je pense aussi Hechinger, sont partis derrière la colonne. Environ une heure plus tard, Hamann revint dans nos quartiers. Il était pâle et me raconta d’une manière agitée ce qu’il avait vu dans le bois. Ses mots exacts furent, « Tu sais, les Juifs que tu as vu passer tout-à-l’heure? Aucun d’eux n’est encore en vie. »

J’ai dit que cela n’était pas possible, après quoi il m’a expliqué que tous les hommes avaient été abattus. Tous ceux qui n’étaient pas morts après la fusillade avaient reçu le coup de grâce.

Le jour suivant – je pense que c’était autour de l’heure du déjeuner – une fois encore, j’ai vu un groupe de quatre cents Juifs venant de Vilna qui se dirigeait vers le même bois. Eux
aussi étaient accompagnés par des civils armés. Les prisonniers étaient très calmes. Je n’ai vu ni femmes ni enfants dans les deux groupes.

Avec quelques-uns de mes collègues de ma colonne motorisée, j’ai suivi ce deuxième groupe. Si je me souviens bien, Riedl, Dietrich, Schroff, Hamann, Locher, Ammann, Greule et peut-être d’autres dont je ne me souviens plus sont venus avec nous.

Après avoir suivi le groupe sur environ 800 mètres, nous sommes tombés sur deux fosses de sable assez grandes. Le chemin que nous avions emprunté passait entre les deux. Les fosses n’étaient pas jointes mais étaient séparées par le chemin et une bande de terre.

Nous avons dépassé la colonne juste avant d’atteindre les fosses, puis nous nous sommes arrêtés près de l’entrée de l’une d’entre elles – celui de droite. Moi-même, je me tenais à environ six à huit mètres de l’entrée.

À gauche et à droite de l’entrée se tenait un civil armé – les gens étaient conduits dans la gravière en petits groupes vers la droite par les gardes. Tout au long du bord de la fosse, il y avait un fossé circulaire dans lequel les Juifs devaient descendre.

Ce fossé avait environ 1,5 mètre de profondeur et environ la même largeur. Comme le sol était du sable pur, le fossé était renforcé par des planches. Alors que les Juifs étaient conduits par groupes dans la fosse, un homme âgé s’arrêta un instant devant l’entrée et dit en allemand: « Que voulez-vous de moi? Je ne suis qu’un pauvre compositeur. »

Les deux civils qui se tenaient à l’entrée commencèrent à le frapper à coups de poing, de sorte qu’il vola littéralement dans la fosse. En peu de temps, les Juifs furent tous rassemblés dans la tranchée circulaire. Mes camarades et moi avions approché de l’entrée de la fosse d’où nous pouvions voir clairement que les gens dans le fossé étaient battus avec des gourdins par les gardes, qui se tenaient le long de la tranchée.

Après cela, dix hommes furent lentement conduits hors du fossé – ces hommes avaient déjà dénudé le haut de leurs torses et s’étaient couvert la tête de leurs vêtements. Je voudrais également ajouter que, sur le chemin de la zone d’exécution, les prisonniers devaient marcher l’un derrière l’autre et tenir le haut du corps de l’homme devant eux.

Après qu’un groupe se soit aligné sur la zone d’exécution, le groupe suivant était amené. Le peloton d’exécution, composé de dix hommes, se positionna sur le côté du chemin, à six ou huit mètres du groupe. Après cela, autant que je m’en souvienne, le groupe fut abattu par le peloton d’exécution après que l’ordre fut donné. Les coups de feu étaient tirés simultanément de sorte que les hommes tombaient dans la fosse derrière eux en même temps.

Les 400 Juifs furent abattus exactement de la même manière sur une période d’environ une heure. La fusillade avait lieu très rapidement. Si certains des hommes dans la fosse bougeaient encore, on tirait sur eux quelques coups de feu supplémentaires. La fosse dans laquelle les hommes tombaient avait un diamètre d’environ quinze à vingt mètres et avait, je pense, cinq à six mètres de profondeur.

De notre point de vue, nous pouvions voir dans la fosse et étions donc en mesure de confirmer que les 400 Juifs qui avaient été abattus la veille y étaient encore. Ils étaient couverts d’une mince couche de sable. Tout en haut, sur cette couche de sable, il y avait trois autres hommes et une femme qui avaient été abattus le matin du jour en question. Des parties de leurs corps dépassaient du sable.

Après qu’une centaine de Juifs eurent été abattus, d’autres Juifs durent asperger les corps de sable. Après que le groupe entier eut été exécuté, le peloton d’exécution rangea ses fusils sur un côté.

Cela me donna l’occasion de parler avec l’un d’entre eux. Je lui ai demandé comment il pouvait faire une telle chose, et fit remarquer que les Juifs ne lui avaient rien fait. A cela, il répondit: « Oui, après ce que nous avons subi sous la domination des Commissaires juifs russes, après l’invasion de la Lituanie par les Russes, nous ne trouvons plus cela difficile. »

Au cours de notre conversation, il me dit qu’il avait été soupçonné d’espionnage par les Russes. Il avait été arrêté et avait été jeté dans diverses prisons du GPU, bien qu’en aucune façon coupable. Il me dit qu’il n’avait été qu’un chauffeur de camion et qu’il n’avait jamais fait de mal à une mouche. L’une des méthodes utilisées pour le faire avouer avait été de lui arracher les ongles. Il me dit que chacun des gardes présents avait dû endurer les souffrances les plus extrêmes.

Il me dit qu’un commissaire juif avait fait irruption dans un appartement, ligoté un homme et violé sa femme sous ses propres yeux. Ensuite, le commissaire avait littéralement massacré la femme, lui avait ôté le cœur, l’avait fait frire dans une poêle et avait ensuite commencé à le manger.

Des camarades m’ont également raconté qu’à Vilna, un soldat allemand avait été abattu d’un clocher. Pour cela, 300 à 400 Juifs avaient exécutés dans la même carrière. A cet égard, je voudrais aussi dire que le lendemain même, le même nombre de Juifs fut amené le long du chemin dans le bois.

A part ce jour, je ne suis pas retourné à la zone d’exécution. Je peux seulement dire que les tueries de masse à Ponary étaient assez horribles. A l’époque, je disais: « Pouvu que Dieu nous accorde la victoire parce que s’ils ont leur revanche, ce sera dur pour nous. »