Ephéméride | le Yiddish [9 Septembre]

 

Le Yiddish, une parole perdue ?

Pour entrer dans le vif du sujet, il est nécessaire de

rappeler quelques éléments pour comprendre la

situation du yiddish…

Le yiddish est une langue millénaire. A ce titre, elle a une

histoire comparable à beaucoup d’autres langues

européennes.

Durant 10 siècles, elle a été la langue du peuple juif

d’Europe centrale et orientale. Elle a joué pour ce peuple

juif, dispersé sur plusieurs états, sur plusieurs empires,

un rôle unificateur lui permettant de communiquer sur

tous les aspects de vie quotidienne et d’exprimer ses

rêves, ses aspirations, ses angoisses, ses espoirs, son

identité…  bref d’être le vecteur de la « Yiddishkeit »,

d’être la langue du monde ashkénaze.

A l’apogée de son existence, en 1939, le yiddish était

parlé par 11 à 12 millions de yiddishophones dans le

monde, essentiellement en Europe Centrale et

Orientale.

En 1939 : 17 millions de juifs dans le monde dont 60%

en Europe, 30% aux USA, 10% dans le reste du monde !

En 1939 : plus de 40 quotidiens en yiddish, plus de 450

revues diverses, littérature, théâtre, chanson, cinéma…

Il resterait aujourd’hui moins de 2 millions de

yiddishophones, essentiellement aux USA et en Israël et

le yiddish a perdu son statut de « mame-loshn », de

langue maternelle !

Il faut remarquer que la situation actuelle du yiddish est

comparable à celles des autres langues juives qui,

comme le yiddish, se sont constituées à partir des

idiomes en usage dans les pays de diaspora : le

djudezmo et le judéo-arabe maghrébin sont des langues

moribondes…

Disparition totale du judéo-roman  (ou sarphatique ou

laaz) parlé au Moyen-Âge…  Cf. les commentaires de

RACHI (Salomon Ben Isaac), rabbin-vigneron qui a vécu

à Troyes au XIème siècle.

Le lieu du yiddish pose lui-même un problème.

Généralement à une langue, correspond un lieu, un pays

aux contours précis.

Max WEINREICH (fondateur du YIVO, auteur d’une

histoire du yiddish dans les années 40) : « une langue

est un dialecte qui a son armée et sa marine » !

 

En ce qui concerne le yiddish, il y a un problème de

détermination et de dénomination du lieu (ou des lieux)

… Pour désigner le lieu du yiddish, on utilise le terme de

« Yiddishland ». le mot ne renvoie à aucun état précis, à

aucune nation constituée. Il évoque un territoire

quasiment mythique, sans frontières, sans bornes

précises.

 

Et si l’on doit malgré tout tenter une définition du lieu à

partir des territoires formant le Yiddishland, les noms

évoquent une géographique dont nous ne possédons

plus ni les frontières ni la localisation précise : la

Bucovine, la Bessarabie, la Galicie, la Volhynie…

Territoires oubliés aux contours incertains dont la

toponymie révèle ce sentiment nostalgique

d’effacement, d’absence et de perte… Et pour

compliquer les choses, le « Yiddishland » ne délimite

pas le seul espace du yiddish : dès la fin du XIXème

siècle, on parle yiddish en dehors du continent

européen : New York est, au tournant du siècle, la plus

grande ville yiddishophone avec Varsovie, et en 1906,

l’Afrique du Sud, devant l’afflux de réfugiés juifs fuyant

l’antisémitisme régnant en Europe, accorde au yiddish

un statut de quasi langue officielle (avec d’autres

langues).

 

Il y a aujourd’hui, cet étrange et singulier paradoxe,

produit d’une tragédie sans précédent dans l’histoire,

qui fait que le yiddish ne reste parlé qu’en dehors des

territoires où il est né, s’est développé et a atteint, non

pas son apogée (qui sait ce que serait devenue cette

langue sans la folie meurtrière, politiquement,

militairement, économiquement et industriellement

organisée, des nazis et de leurs affidés), mais le stade

de langue vernaculaire de tout un peuple. A la fin, il y a

cette impression d’un monde mythique perdu, disparu,

englouti…

 

Pourtant ce monde a existé et le peuple qui le

constituait, qui lui donnait une existence, parlait une

langue, le yiddish !

 

Alors d’où vient le yiddish, le « jüddische Deutsch », la

« loshn ashkénaze » ?

 

Originellement le yiddish, se constitue vers les X et

XIème siècles à la suite de la migration de juifs du nord

de la France et du nord de l’Italie vers la Rhénanie. Ceux-

ci, en contact avec les parlers germaniques de la vallée

du Rhin, vont créer une nouvelle langue. Le premier

texte identifiable en yiddish date de 1272 et figure dans

un livre de la ville allemande de Worms…

 

Très rapidement le yiddish va évoluer, en particulier au

XIV siècle, suite aux migrations des juifs d’Allemagne

vers l’Europe centrale.

( persécutions au Moyen-âge…  Conciles de Latran en

1179 et 1215 : les « ghettos »… La Peste noire en 1349…)

 

Cela va conduire à distinguer différents dialectes au

sein de la langue yiddish : le yiddish occidental et

yiddish oriental. L’histoire va conduire à ce que le

yiddish oriental s’impose et à ce que, progressivement

le yiddish occidental s’efface….

 

Indépendamment de ces structurations géographiques,

le yiddish va s’organiser en 4 périodes selon le linguiste

Max WEINREICH :

  • Le pré- yiddish avant 1250
  • Le yiddish ancien entre 1250 et 1500
  • Le moyen yiddish entre 1500 et 1750
  • Le yiddish moderne à partir de 1750

 

En réalité, le yiddish connaît l’évolution linguistique de

nombreuses autres langues et à ce titre, il est bien une

langue européenne.

 

C’est à partir de 1750 que le yiddish va connaître son

âge d’or en Europe centrale et orientale (en particulier

en Pologne, Lituanie et Ukraine) alors que

paradoxalement il tend à s’effacer dans son berceau

d’origine en Allemagne et dans les Provinces Unies. Une

abondante et foisonnante littérature se développe dès la

fin du XVIIIème siècle et va s’épanouir entre le milieu du

XIXème et la 2nde guerre mondiale. C’est durant cette

période que les grands noms de la littérature yiddish

vont créer leurs œuvres romanesques et poétiques.

Mendele MOIKHER SFORIM, Ytzaak LEIB PERETZ et

Sholem ALEIKHEM sont les « classiques » de cette

littérature yiddish.

 

Le développement du yiddish conduit plusieurs

intellectuels yiddishophones à mettre en œuvre une

unification du yiddish, c’est-à-dire à lui donner un statut

de langue nationale à part entière pour les juifs.

 

En 1908, à l’initiative de Nathan BIRNBAUM se tient la

conférence de Czernowitz (ville qui se trouve dans

l’actuelle Ukraine). Le texte de l’invitation montre l’enjeu

de cette conférence : « tandis que des langues plus

anciennes étaient « surveillées comme un enfant

précieux », le yiddish a été abandonné à lui-même, libre

de vagabonder dans l’univers linguistique, au risque de

contracter toutes sortes de maux et peut-être même d’y

trouver la mort. (…) Les règles vivantes de la langue (…)

ne sont jamais consignées, aussi semble-t-elle en être

tout à fait dépourvue. Chacun l’écrit à sa manière, selon

son gré, en l’absence de toute orthographe établie et

faisant autorité. »

 

Globalement le yiddish reste marqué par son caractère

de langue populaire, de jargon du shtetl et il faut

l’émanciper de son origine triviale pour la policer et

qu’elle devienne langue nationale.

 

Mais l’opposition entre sionistes (partisans de l’hébreu)

et les défenseurs du yiddish ne permet pas d’arriver à

une reconnaissance officielle du yiddish

comme la langue nationale du peuple juif.

I.L. PERETZ : « nous le proclamons au monde : nous

sommes le peuple juif et le yiddish est notre langue ! »

 

Le yiddish ne sera tout juste considéré que

comme une des langues juives : la distinction est de

taille !

 

Pour que le yiddish soit reconnu langue nationale d’un

territoire, il faut attendre 1928… C’est à cette époque que

STALINE décide de créer une région autonome juive

au… Birobidjan (à plus de 10 000 km du Yiddishland) !

Au maximum de la « colonisation juive » en 1948, la

communauté yiddishophone n’excèdera pas 30 000

personnes sur 185 000 habitants. Evidemment les juifs

du Birobidjan vont connaître tous les drames et subir

toutes les conséquences de la dictature stalinienne.

 

Durant la 2nde guerre mondiale, dans les pays occupés

par les nazis, la Shoah va pratiquement faire disparaître

le yiddish d’Europe.

En 1946 en Pologne = 250 000 juifs (sur plus de 3,5

millions avant la guerre !). Le nombre tombe à 80 000 au

début des années 50… Aujourd’hui à peine 30 000 ???

En Ukraine, aujourd’hui seulement 2% de

yiddishophones sur l’ensemble de la population juive.

En France entre 60 et 80 000 ???

 

Les lieux du yiddish sont aujourd’hui essentiellement les

USA et Israël.

 

Qu’est-ce que le yiddish ?

 

Une première observation pour souligner un paradoxe.

Compte tenu du fait que le yiddish est constitué à 80%

d’allemand,  il s’agit donc d’une langue que les

populations juives d’Europe ont forgée à partir de la

langue d’un autre peuple non juif : on a donc constitué

le moyen d’expression de l’identité juive à partir d’une

langue de « Gentils ». il y a dans cette démarche une

dialectique révélatrice de la « Yiddishkeit » : elle

témoigne de la volonté de s’intégrer dans un ensemble

tout en cherchant à conserver sa propre identité… En

quelque sorte, être comme les autres, avec les autres et

en même temps être différents d’eux et continuer à être

soi-même !

 

Le yiddish est donc une langue faite d’apports divers :

c’est une langue de fusion (shmeltssprakh). C’est 80%

d’allemand, 10% de slavismes et 10% d’hébreu.

 

S’il est une langue germanique, le yiddish se distingue

nettement de l’allemand. Les mots d’origine

germaniques sont bien des mots yiddish qui ont connu

leur évolution propre et qui ont des sens renvoyant à

l’identité, à la culture, à la vie des populations juives

parlant le yiddish.

 

N’entrons pas dans les détails linguistiques… Rappelons

simplement que le yiddish a gardé de l’allemand les 3

genres (masculin, féminin et neutre) tout en

abandonnant les déclinaisons et en simplifiant le

système des conjugaisons. De l’hébreu, outre certains

termes, il garde en partie les pluriels. Du slave, là aussi

outre certains termes, il a emprunté plusieurs

tournures… Enfin le yiddish, langue du groupe des

langues germaniques, s’écrit avec l’alphabet hébraïque

(donc de droite vers la gauche) mais marque les

voyelles.

 

Au-delà de ces quelques considérations linguistiques, le

yiddish, c’est aussi une façon de s’exprimer propre à un

peuple et sa culture…

Le yiddish ne se réduit pas à des considérants

linguistiques. Il a été au centre d’un débat sur sa nature

et son devenir dès le XVIIIème siècle.

 

Le yiddish est marqué dès le début par son caractère

profane en opposition au caractère sacré, liturgique de

l’hébreu. Il sera stigmatisé par cet apriori négatif de

langue usuelle et populaire, de langue du « shtetl », de

langue abâtardie, de langues des « bonnes femmes » et

de la plèbe…

 

Mais au XVIIIème siècle cette perception négative va

s’accentuer avec le mouvement des « Lumières juives »,

la Haskala. Les Maskilim (partisans de la Haskala), dans

leur désir d’émancipation des populations juives, se

déclarèrent hostiles au yiddish (qu’ils appelaient « le

jargon »).

 

Ainsi pour Moïse MENDELSSOHN (1729-1786), il faut

abandonner le yiddish : « Je crains fort que ce jargon

n’ait pas peu contribué à la grossièreté de l’homme du

commun et j’augure de bons résultats de l’usage

croissant de l’allemand vernaculaire pur parmi mes

frères ». Un des disciples de MENDELSSOHN, David

FRIEDLANDER confirme ce mouvement quelques

années plus tard en 1798 : « le judéo-allemand qui a

cours parmi nous, cette langue dépourvue de règle,

bâtarde et inintelligible hors de notre cercle, doit être

complètement bannie ».

 

Mais à la même époque, un autre mouvement voit le

jour parmi les populations juives d’Europe centrale et

orientale : le Hassidisme…  Ce mouvement religieux

mystique se heurte évidemment à la Haskala,

mouvement laïque et réformateur. Et les Hassidim vont

se faire les défenseurs du yiddish : pour se faire

comprendre du peuple, il faut parler la langue du

peuple ! Le Rabbin Nakhman de

Bratslav, écrit au sujet du Hassid : « Dans la langue

sacrée, il lui sera difficile de dire tout ce qu’il souhaite et

il sera empêché d’être aussi sincère puisque nous ne

parlons pas la langue sacrée… En yiddish, en revanche,

il est possible de laisser couler ses paroles et de dire

tout ce que l’on a dans le cœur devant le

Seigneur ». Et il ajoute : « En yiddish, il est plus facile

d’ouvrir son cœur ! ».

 

Même si le Hassidisme ne submerge pas la spiritualité

religieuse juive, il a le mérite d’avoir contribué

activement à l’identité communautaire, en particulier en

donnant au yiddish une place centrale et un statut qui le

dégage des aprioris négatifs portés à son encontre.

 

Un siècle plus tard, un autre débat va remettre sur le

devant de la scène la question de la place du yiddish…

En 1897, la tenue du 1er congrès international sioniste

sous l’égide de Théodore HERZL, outre qu’il pose la

question du droit pour les juifs d’avoir une patrie

gouvernée par eux-mêmes, aborde le problème de la

langue nationale. La question est d’autant plus sensible

que c’est l’époque de la renaissance de l’hébreu à

l’initiative d’Eliezer PERELMAN (qui va se faire appeler

Eliezer BEN YEHUDA).

 

Très rapidement les sionistes, en particulier pour ceux

qui commencent à émigrer en Palestine, l’hébreu va

devenir la langue nationale. Dans ce débat, le yiddish

reçoit l’appui des Bundistes qui considèrent le sionisme

comme une aventure dangereuse et qui sont favorables

à la conquête des droits pour les travailleurs juifs dans

le cadre de l’espace territorial où ils vivent. A ce titre ils

affirment que le yiddish est la langue du peuple juif.

 

Mais en dehors de ces tribulations où, à chaque fois, le

yiddish est mis en cause, l’histoire dramatique du

XXème siècle va avoir des conséquences tragiques

pour les populations juives d’Europe et  par voie de

conséquence pour leur langue.

 

La politique meurtrière des nazis d’extermination des

juifs va entraîner le massacre de 6 millions de juifs

européens… Si l’on tue ceux qui parlent une langue,

cette langue a toutes les chances de disparaître à son

tour. Entre 1933 et 1945, les ¾ des yiddishophones

d’Europe disparaissent. En yiddish, la Shoah est

désignée comme « der driter Khurbn », la 3ème

destruction !

 

« Et la langue était perdue, assassinée. La langue – un

musée. De quelle autre langue pouvait-on dire qu’elle

était morte, de mort soudaine et incontestable au cours

d’une décennie donnée, sur un bout de terre donné ? (…)

Mesdames, Messieurs, ils ont excisé mes cordes

vocales, la seule langue dans laquelle je puisse vous

parler librement et couramment, mon mameloshn chéri

(…). Si ma langue n’a point de secrets pour vous,

Mesdames, Messieurs, c’est que vous êtes des

fantômes, des ectoplasmes, des spectres… ! ». Voilà

comment s’exprime, pour décrire cette béance, Cynthia

OZICK dans le traducteur introuvable ou le yiddish en

Amérique.

 

Mais le drame ne s’arrête pas,  avec l’effondrement du

nazisme et la fin de la guerre. En URSS, les juifs, qui

avaient pu bénéficier au début de la Révolution

soviétique d’une amélioration de leur situation, vont être

victime de la politique antisémite de STALINE. Quelques

années après la guerre, le Comité antifasciste juif va

être liquidé au nom de la lutte contre le « nationalisme

bourgeois et le cosmopolitisme sans racines ». Les

intellectuels et artistes yiddishophones sont arrêtés et

exécutés : on estime que 400 écrivains, éditeurs et

personnalités du monde culturel yiddish ont été

massacrés. Toutes les institutions et infrastructures

yiddish sont interdites et démantelées et la littérature

yiddish est réduite au silence…

 

Alors le yiddish est-elle une parole perdue ???

 

Oui si on considère que le yiddish c’est la langue du

« shtetl », la langue du Yiddishland… c’est-à-dire la

langue d’un monde disparu.

 

Il faut ajouter ce paradoxe : le yiddish a été la langue du

peuple juif pendant 1000 ans… mais il n’est pas la

langue officielle de l’Etat d’Israël ! Aucun statut

particulier ne lui est reconnu.

 

Mais, même en danger de disparition, on continue de

parler, ici ou là, en yiddish. Les « foyers » yiddish, les

USA et Israël, se trouvent loin de la terre d’origine… Le

yiddish est une langue de l’exil… Pensons aux vers du

poète Morris

ROSENFELD : « mon cher viatique, ô ma langue yiddish »

. Le yiddish étant la langue d’un peuple diasporique

occupe une place de langue permettant de transmettre

une expérience à valeur universelle…

 

Le yiddish garde singulièrement une place à part dans le

cœur des juifs et des non-juifs… Quelque part le yiddish

continue d’exister par l’idée que nous en avons… L’idée

que rien de ce qui touche à la condition humaine n’est à

négliger, que le plus humble besoin des hommes mérite

tout autant d’être reconnu que ses aspirations les plus

hautes, voilà ce qu’exprime le yiddish… Parler la

« mameloshn » ne signifie pas obligatoirement « parler

le yiddish »… mais plus simplement apprécier et cultiver

la valeur universelle et humaine de cette langue, moyen

d’expression d’un peuple apatride.

 

Pour conclure, deux auteurs…

 

D’abord Sholem ALEIKHEM qui fait monologuer à

longueur de pages son personnage Téviè le

laitier : « comme il est dit à Yom Kippour, le Seigneur

décide qui va à cheval et qui se traîne à

pied… L’important, c’est d’espérer ! Un juif doit toujours

espérer, ne jamais perdre espoir ».

 

Ces mots font écho à ceux I.B. SINGER, prix Nobel de

Littérature en 1978, lors de son discours, fait en partie

en yiddish,  à Stockholm :

« Le grand honneur qui m’est accordé par l’Académie de

Suède est aussi une reconnaissance de la langue

yiddish – une langue de l’exil, sans patrie, sans

frontières, privée du soutien de quelque gouvernement

que ce soit, une langue qui ne possède aucun mot pour

désigner les armes, les munitions, les manœuvres

militaires, les tactiques de guerre… (…).

On trouve dans la langue et dans le mode de vie yiddish

l’expression d’une joie pieuse, d’un appétit de vivre,

d’une connaissance profonde de l’être humain en tant

qu’individu… Il y a un humour paisible dans le yiddish,

une gratitude pour chaque jour de l’existence, pour

chaque miette de succès, pour chaque rencontre de

l’amour… L’état d’esprit yiddish n’a rien de hautain. Il ne

considère pas chaque victoire comme allant de soi. Il

n’exige ni n’ordonne mais se faufile, s’esquive, s’efforce

de passer inaperçu à travers les puissances

destructrices…

Le yiddish n’a pas dit son dernier mot. Il recèle des

trésors qui n’ont pas encore été révélés aux regards du

monde. Ce fut la langue des martyrs et des saints, des

rêveurs et des cabalistes, riche d’un humour et de

souvenirs que l’humanité n’oubliera jamais.

D’une certaine façon, le yiddish est notre langue à tous,

une langue humble et sage, le langage de l’humanité

remplie d’effroi et d’espérance ».