Ephéméride | Pape Jean XXIII [25 Novembre]

25 novembre 1881

Naissance à Sotto il Monte près de Bergame en Italie, d’Angelo Giuseppe Roncalli, futur pape Jean XXIII, parfois accusé d’avoir été « le pape des Juifs » dans les milieux intégristes. L’Institut international Raoul Wallenberg milite pour qu’il soit reconnu « Juste parmi les Nations ».

Ce fut un moment remarquable. Au cours des 900 dernières années, l’Église catholique romaine avait élevé un pape à la sainteté seulement trois fois. Le 5 juillet 2013, le pape François décida d’approuver la sainteté de deux de ses prédécesseurs, le pape Jean-Paul II et le pape Jean XXIII.
Or pour qu’un personnage soit nommé saint, il faut, selon le droit de l’Église, que deux miracles accomplis par lui aient été prouvés, et le Vatican s’était révélé incapable de démontrer l’existence d’un second miracle accompli par Jean XXIII.
Le Vatican expliqua que, malgré cette absence, la béatification avait été décidée en reconnaissance de l’oeuvre de Vatican II.

En un sens, Jean XXIII fut bien à l’origine d’un second miracle: Ce miracle fut sa décision de revoir complètement les relations entre catholiques et juifs.

Appelée « le bon pape », la relation entre Jean et les Juifs est une histoire incroyable de triomphe de la vérité et de la justice, qui mérite d’être racontée et rappelée.

Angelo Giuseppe Roncalli venait d’une famille pauvre. Son père, Jean, était un métayer à Sotto Il Monte, un petit village situé au pied des Alpes italiennes. “Angelino”, comme on l’appelait, était le troisième des 13 enfants. Il fit ses études universitaires à l’Institut pontifical du Latran à Rome. Ordonné prêtre en 1904, il fut nommé par le pape Benoît XV au poste de directeur de l’Institut pour la propagation de la foi en 1920. En 1925, il fut consacré évêque et envoyé avec le titre de Visiteur Apostolique en Bulgarie. En 1935, il fut transféré de Sofia à Ankara en tant que vicaire apostolique et délégué en Turquie. Il servit également comme délégué apostolique en Grèce.

Au cours des années tragiques de la Shoah, Roncalli s’engagea de toutes ses forces pour la sauvegarde des Juifs. Sa sainteté ne fut peut-être pas proclamée par simple coïncidence le jour de Yom Ha Shoah.

L’Encyclopedia Judaica signale que “pendant l’occupation allemande de la Grèce, il aida la population locale et fit tout son possible pour empêcher la déportation de Juifs grecs, intercéda auprès du roi Boris III de Bulgarie pour les Juifs bulgares et auprès du gouvernement turc pour les réfugiés juifs qui parvinrent à rejoindre ce pays et aida des individus et des groupes juifs en Slovaquie, en Yougoslavie, en Hongrie, en Italie et en France. »

Chaim Barlas, chef du comité de sauvetage de l’Agence juive en Turquie, devait jouer un rôle vital pendant ces jours tragiques. Barlas était né en Lituanie en 1898. Il avait été directeur du bureau de l’Agence juive à Varsovie de 1919 à 1925. Il allait être représentant de l’Agence juive à Genève au cours des années critiques de 1939 et 1940. De 1940 à 1945, il fut l’émissaire en Turquie. C’est à ce titre qu’il approcha Roncalli, en 1942, pour intervenir en faveur des Juifs de Bratislava, en Slovaquie. Selon Barlas, Roncalli répondit: « Il en sera ainsi, et si Dieu m’aide, nous l’obtiendrons! » Barlas rapporta que Roncalli avait prononcé ces mots avec une profonde émotion. Quand Barlas reçut confirmation via la Suisse qu’il n’y avait plus eu d’expulsions, il se précipita chez Roncalli pour le remercier de son aide. Roncalli lui répondit qu’il était déjà au courant de ce qu’il appela « cette heureuse tournure des événements ».

Barlas décrivit leur première réunion en ces termes: « … je me rendit compte que je me tenais devant un homme d’une haute stature spirituelle, qui était vraiment intéressé par les souffrances de notre peuple et qui était prêt à aider de toutes les manières possibles. Lors de mes entretiens, chaque fois qu’il entendait parler de la Pologne, de la Hongrie et de la Slovaquie, il joignait ses mains pour prier, les larmes aux yeux. »

Un an plus tard, en 1943, Adolf Eichmann réactiva les déportations. Encore une fois, Roncalli intervint. Il écrivit une lettre directement au président slovaque, Joseph Tiso, qui était lui-même un prêtre. « De divers endroits, le Saint-Siège est invité à intervenir au nom des personnes appartenant à la race juive contre lesquelles des mesures graves sont prises. Le Saint-Siège, animé de sentiments d’humanité et de charité chrétienne qui ne connaît aucune distinction d’origine, de nationalité ou de race, ne peut rester indifférent à ces appels. Le Saint-Siège implore avec anxiété le gouvernement slovaque […] d’adopter une attitude conforme aux principes et aux sentiments catholiques de sa nation « . Pendant une brève période, les déportations furent stoppées. Le 22 mai 1943, Barlas écrivit à ses supérieurs à l’Agence juive: « Je suis très heureux de pouvoir vous informer que, selon des informations communiquées par Bratislava, les déportations de juifs ont été suspendues pour le moment par suite de l’intervention du Saint-Siège. »

En 1966, le journaliste Arthur Morse écrivit à propos de ces événements. « Lorsque Barlas informa Mgr Roncalli de l’exigence pressante des Allemands de détruire les Juifs de Sofia, le prêtre réagit avec horreur et indignation. Il avait été délégué apostolique en Bulgarie et avait noué une amitié chaleureuse avec le roi Boris et la reine. Il assura Barlas qu’il agirait immédiatement et commença à écrire un message alors que Barlas était toujours présent. Plus tard, Roncalli écrivit à Barlas pour lui confirmer que son message avait été transmis  »
Morse poursuivit: « Barlas, qui vit maintenant en Israël, ne connaît pas les détails de l’intervention de Roncalli, mais de nouveaux détails ont été apporté par Luigi Bresciani, un assistant secret de Roncalli en Bulgarie et en Turquie. Bresciani, alors sculpteur à Bergame, en Italie, se souvenait de l’agitation du prélat après la visite de Barlas: « Lorsque Monseigneur Roncalli apprit la nouvelle, il écrivit immédiatement une lettre personnelle au roi Boris. Je n’avais jamais vu auparavant Mgr Roncalli aussi troublé. Avant de porter cette missive à une certaine personne capable de la mettre personnellement entre les mains du roi Boris, Mgr Roncalli me la lut. Bien qu’aimable et doux comme un saint François de Sales revenu à la vie, il ne se priva pas de dire ouvertement que le roi Boris ne devait en aucun cas accepter cette action déshonorante… le menaçant, entre autres, du châtiment de Dieu. »
Morse conclut: « L’intervention de Mgr Roncalli intervint peu après la dispersion des Juifs de Sofia dans la campagne bulgare, où ils demeurèrent indemnes. Le roi Boris mourut dans des circonstances mystérieuses en août 1943 et la sécurité des Juifs futt à nouveau menacée. Cependant, la révocation de la législation antisémite un an plus tard apaisa ces craintes. »
Tragiquement, exactement un an plus tard, fin août 1944, à la suite de la révolte survenue en Slovaquie, les Allemands occupèrent le pays et déportèrent tous les Juifs réfugiés restant vers leur mort.

Confirmant l’intervention de Roncalli, l’historien Saul Friedlander décrit son ‘action en ces termes: « Il n’a ménagé aucun effort pour secourir les juifs d’Europe centrale ». Friedlander confirme que « les archives sionistes contiennent de nombreux documents concernant les activités incessantes du nonce Roncalli en faveur des Juifs.

Le 10 avril 1944, deux Juifs slovaques, Rudolf Verba et Alfred Wetzler, s’échappèrent d’Auschwitz. À la fin du mois de mai, ils rédigèrent un rapport qui décrivait les gazages de 1450000 Juifs et se terminait par les mots tragiquement prophétiques: « Auschwitz se prépare maintenant pour les Juifs hongrois ». Une copie de ces pages manuscrites parvint à Barlas, qui les apporta directement à Roncalli.
Deux jours plus tard, le cardinal Francis Spellman passa par Istanbul pour rentrer chez lui à New York.
Roncalli demanda à Barlas d’écrire une lettre pour décrire la situation désespérée qu’il donnerait à Spellman.
La lettre, datée du 16 mai 1944, décrit la situation en termes douloureux et honnêtes.
On y lisait notamment: « Je profite de la visite de Votre Éminence à Istanbul pour vous présenter brièvement… que la politique d’extermination des Juifs en Europe se poursuit sans relâche. Dans plusieurs pays comme l’Autriche, le protectorat tchèque et la Yougoslavie, les Juifs ont presque été éliminés. Pour la plupart, ils ont été envoyés dans des camps de concentration en Pologne, spécialement conçus pour les Juifs. Dans trois de ces endroits, Belsec, Sobibor et Treblinka, ils sont conduits dans ce qu’on appelle des « instituts d’extermination » où ils sont incinérés après leur arrivée. Le nombre de victimes juives en Pologne, y compris celles importées d’autres pays, atteint, selon les chiffres officiels polonais, près de 3 millions. Nous demandons humblement au Saint-Siège de proclamer l’horreur et la condamnation de ces atrocités. »

Roncalli prépara Spellman à ces nouvelles choquantes et organisa une rencontre avec Barlas. Le lendemain, Roncalli organisa une réunion avec l’ambassadeur américain en Turquie, Lawrence Steinhart. Selon Barlas, Roncalli confirma que Steinhart s’était « engagé à prendre des mesures urgentes au plus haut niveau ».

Le 26 juin 1944, le président Franklin D. Roosevelt, dans une note tranchante transmise par la légation suisse à Budapest, demanda au gouvernement hongrois de cesser immédiatement la déportation de juifs, menaçant de représailles si ses demandes étaient ignorées. Mais la note de Roosevelt fut ignorée.

Le 23 mars 1944, Roncalli informa Barlas: « J’ai référé la demande d’intervention du Grand Rabbin Herzog au Saint-Père, en faveur des déportés de Transylvanie, et le Vatican a aussitôt répondu que la Nunciature de Bucarest avait été chargée de traiter cette question importante, et qu’on pouvait s’attendre à une issue favorable. »

Barlas rapporta de manière très émouvante la réaction de Roncalli à la nouvelle d’une « Action » contre les Juifs. « Il se leva avec stupéfaction et colère et dit dans un murmure: « Bon Dieu! Est-ce possible? Seigneur au Ciel, aide-nous! » Et il se précipita vers son bureau, ouvrit la machine à écrire et écrivit un long message sur un formulaire de télégramme. Appelant son préposé pour le faire envoyer immédiatement, il dit: « Prions pour que cela nous sauve. » Barlas fit plus tard la réflexion: « Je ne sais pas si l’intervention de Roncalli a apporté la sécurité aux juifs bulgares, mais je ne pouvais m’empêcher d’admirer l’homme et son empressement désintéressé à aider à tout moment. »

L’ambassadeur d’Allemagne en Turquie était l’ancien chancelier et vice-chancelier allemand Franz Von Papen. Il rencontra Roncalli et soutint que l’Église catholique romaine et l’Allemagne avaient un ennemi commun, l’Union soviétique impie et athée. Il exhorta Roncalli à se rendre chez le pape Pie XII et à exhorter l’Église à se joindre à l’Allemagne dans la bataille contre les communistes. Roncalli répondit sèchement: « Et que dois-je dire au Saint-Père à propos des Juifs décédés en Allemagne et en Pologne aux mains de vos compatriotes? »

Quand Ira Hirschmann, émissaire spécial du « United States War Refugee Board », rencontra Roncalli en 1944, il lui fit part du sort tragique qui attendait plusieurs milliers de Juifs, dont un certain nombre d’enfants, qui devaient être déportés à Auschwitz et y trouver une mort certaine. Immédiatement, se souvenait Hirschmann, Roncalli mit à disposition des milliers de « certificats de baptême sans conditions ». La distribution de ces certificats fut ensuite dénommée « Opération Baptême ». Roncalli précisa que cette action visant à sauver des Juifs ne faisait d’aucun Juif, un catholique. Roncalli avait simplement été amené à prendre des mesures immédiates pour sauver la vie de Juifs.

Arthur Morse, dans une interview publiée après la publication de son livre en 1966, déclara que les mesures prises par Roncalli avaient permis de sauver au moins 50000 Juifs en Hongrie.

Après la fin de la guerre, Roncalli continua son travail pour l’Église. Le 12 janvier 1953, il fut élevé par le pape Pie XII au rang de cardinal et nommé patriarche de Venise.

Le 9 octobre 1958, le pape Pie XII mourut. Le samedi 25 octobre 1958, 51 cardinaux entamèrent leur 78e conclave pour élire un nouveau pape.
Le mardi après-midi 28 octobre, recueillit 38 voix et accepta son élection peu avant 17 heures. Il prit pour nom Jean qui était le prénom de son père.
La cérémonie solennelle de l’inauguration de son pontificat, eut lieu le 4 novembre 1958.

Le pape Jean était déterminé à aborder les problèmes liés aux relations entre catholiques et Juifs. Au début de son pontificat, alors qu’il passait dans les rues de Rome. Il demanda soudain à son chauffeur d’arrêter la voiture devant la synagogue principale. C’était samedi, le shabbat des juifs. Jean fit arrêter sa voiture pour pouvoir bénir les Juifs de Rome tandis qu’ils quittaient l’office du shabbat..

Le 25 janvier 1959, Jean lança son appel pour le deuxième concile du Vatican. Le 18 septembre 1960, il chargea les Commissions et le Secrétariat de préparer pour le concile du Vatican une déclaration sur l’attitude de l’Église à l’égard des Juifs. En préparation à cette déclaration, Jean entama une série de démarches qui ouvrirent la voie à des changements véritablement radicaux dans les relations entre l’Église et les Juifs.

Le vendredi saint, le 27 mars 1959, Jean fit un premier geste important pour changer cette relation. Selon les mots du cardinal Augustin Bea, « c’est ce jour-là, au cours de la liturgie solennelle, qu’il lut l’ordre de supprimer le qualificatif « perfide » de la prière habituelle pour les Juifs. Bien que, pour les oreilles modernes, cet adjectif sonne de façon péjorative, dans le latin médiéval du temps de la composition des prières, il signifiait simplement « incrédule ». Ce geste enthousiasma l’opinion publique juive et suscita de grands espoirs. »

C’était peut-être la force de l’habitude ou l’oubli, mais en avril 1963, l’évêque qui célébrait la liturgie du Vendredi saint dans la basilique Saint-Pierre de Rome récita l’ancien texte « Les perfidies judaïques ». Le pape fit tranquillement arrêter l’office et a fit célébrer recommencer le célébrant depuis le début des prières d’intercession.

En septembre 1959, le pape Jean aborda des points de la liturgie dont il considérait qu’ils contribuaient à créer des sentiments négatifs à l’égard des Juifs. Un rituel catholique de baptême contenait la formule d’abjuration suivante: « Abhorrez l’incrédulité juive (en Christ) et rejetez l’erreur hébraïque (que le Messie ne soit pas encore venu). Le pape ordonna que ces paroles soient expurgées de la prière baptismale.

En 1925, Pie XI avait ajouté la prière suivante à l’Acte de consécration de la race humaine au Sacré-Cœur de Jésus:
« Regarde avec tes yeux de miséricorde les enfants de cette race, si longtemps ton peuple élu; Puisse le sang qui leur avait été demandé jadis se poser sur eux comme une source d’eau de rédemption et de vie. » Cette prière pouvait impliquer que le peuple juif dans son ensemble, et non une petite foule frénétique de quelques centaines de personnes, rassemblées devant le palais de Pilate, avait crié: « Que Son sang soit sur nous et sur nos enfants » (Matt. 27; 25). . La preuve en était que dans plus d’une centaine de livres de prières différents, le passage clé était traduit par: « »ls appelèrent autrefois sur eux le sang du Sauveur ». Pour éviter tout malentendu, le pape fit supprimer toute la prière en septembre 1959.

Le 18 janvier 1960, le pape rencontra un groupe du B’nai B’rith, ordre fraternel international juif. Il fut particulièrement ému de leur parler d’une épidémie de profanations de croix gammées survenue en Europe. Jean leur dit: « Vous êtes de l’Ancien Testament et moi du Nouveau Testament, mais j’espère et prie pour que nous nous rapprochions de la fraternité de l’humanité… Cela me cause une grande douleur et du chagrin de voir ces récents événements qui non seulement violent un droit naturel de l’être humain mais détruisent l’entente entre frères devant Dieu… »

En 1961, le pape Jean entama le processus visant à amener l’Église à s’attaquer aux problèmes de la Shoah. Les évêques allemands se rencontrèrent en juin sous la direction de Joseph Cardinal Frings, archevêque de Cologne de 1942 à 1965. Il avait présidé les évêques allemands de 1945 à 1965. Frings était décrit comme « un farouche opposant à Hitler et au nazisme ». Il avait dénoncé la destruction des Juifs sous le nom de « himmelschreiendes Unrecht » (un crime qui interpelle le ciel). Avec la coopération et la participation de Jean, une prière fut préparée pour les catholiques allemands. Pour la première fois, le meurtre des Juifs, ainsi que ceux qui étaient leurs persécuteurs, allaient être publiquement reconnus.

La prière fut dite par tous les catholiques allemands le dimanche après la fête du Sacré-Cœur de Jésus. Le texte reflétait avec force le souci du pape quant à la nécessité de faire face à la Shoah. « Seigneur, Dieu de nos pères! Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob! Dieu de joie et dieu de consolation! Nous le confessons devant Toi: d’innombrables hommes ont été assassinés parmi nous parce qu’ils appartenaient au peuple duquel le Messie s’est élevé en chair et en os. Nous te prions: Guide tous ceux qui se sont rendus coupables par leurs actes, leurs omissions ou leur silence, afin que nous puissions voir ce qui est mal et nous en détourner. Dans un esprit d’expiation sincère, nous implorons le pardon des péchés commis par nos concitoyens. Nous implorons que l’esprit de paix et de réconciliation revienne dans tous les foyers et nous prions pour la paix d’Israël parmi les nations; aux frontières de son état et au milieu de nous… ”

Juifs et chrétiens s’accordent pour dire que la rencontre du 13 juin 1960, entre Jules Isaac, l’auteur de « L’enseignement du mépris » et de « Jésus et Israël », et le pape Jean XXIII, marqua un tournant dans l’histoire de l’Église et des Juifs.
Isaac raconta plus tard à sa collaboratrice, Clarie Huchet-Bishop, les sentiments qu’il éprouvaient avant la rencontre. « Tandis que j’attendais dans l’antichambre de la bibliothèque privée du pape, où devait se tenir l’audience, je me sentais accablé par mes responsabilités. Comment transmettre au pape, en quelques minutes, près de 2000 ans de souffrances juives aux mains des chrétiens? Je sentais tous les martyrs des siècles passés présents dans cette pièce, ainsi que les six millions de victimes de Hitler. » Parmi les six millions se trouvaient, sa femme, sa fille et son gendre.

À la fin de leur rencontre, Isaac demanda au pape Jean s’il pouvait nourrir le moindre espoir qu’une action positive pourrait en résulter. Selon Isaac, le pape répondit: « Vous avez le droit d’avoir plus que de l’espoir. Je suis le responsable, mais je dois consulter les autorités compétentes et faire examiner le problème par le service compétent. Nous ne sommes pas une monarchie absolue. »

Le 28 novembre 1965, le concile Vatican II adopta par 2221 une voix contre 98 et 2 abstentions, la déclaration « Nostra Aetate ». Elle comportait deux points-clés:
« 1. Ce qui s’est passé dans sa passion (du Christ) ne peut être imputé à tous les Juifs sans distinction, vivant alors, ni aux Juifs d’aujourd’hui;
2. Bien que l’Église soit le nouveau peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas être représentés comme rejetés par Dieu ou maudits, comme si cela découlait des Saintes Écritures. »

Mais Jean XXIII ne vécut pas assez longtemps pour connaître ce résultat.

Le pape était tombé malade en 1963. Sur son lit de mort, il déclara: « Je donne ma vie pour le Concile, pour l’Église et pour la paix. » Il décéda le 3 juin l963. La nuit de sa mort, le grand rabbin de Rome, Elias Toaff, et d’autres membres de la communauté juive se réunirent avec des centaines de milliers de catholiques sur la place Saint-Pierre pour pleurer la perte de Jean.

Le rabbin Arthur Gilbert résuma l’élan sans précédent d’affection des Juifs envers le pape Jean, en affirmant: « Aucun pape n’avait témoigné une attitude d’amitié aussi claire et cohérente envers le peuple juif et le judaïsme dans toute l’histoire que le pape Jean XXIII. »

(Source: John Rothman, « Inside the Vatican »)