Leonard Bernstein naît le 25 août 1918, à Lawrence (Massachusetts), dans une famille d’immigrés juifs ashkénazes,

Leonard Bernstein naît le 25 août 1918, à Lawrence (Massachusetts), dans une famille d’immigrés juifs ashkénazes, Jennie et Samuel Bernstein, originaires de Rovno (aujourd’hui Rivne en Ukraine), d’où ils avaient fui les persécutions antisémites.
À la maison, on parle yiddish. Leonard grandit dans une ambiance imprégnée de culture juive traditionnelle, où la musique de synagogue, les chants populaires yiddish et les récits de la disapora occupent une place essentielle, et où l’on garde vivante la mémoire d’une Europe quittée dans la douleur.
Son père, Samuel, tient une petite entreprise de produits capillaires ; sa mère, Jennie, lui transmet l’amour de la musique et la chaleur du foyer.
Un jour, on installe dans la maison un vieux piano. Leonard y pose ses mains d’enfant, et tout s’éclaire. Plus tard, il dira :

« Je ne me souviens pas d’un temps où je ne jouais pas du piano. C’était comme si la langue de mes parents, le yiddish, s’était transformée en notes. »

À Harvard puis au Curtis Institute, il apprend la grande tradition européenne. Mais il reste nourri de cette autre musique, entendue dans son enfance : le chantre de la synagogue, les mélodies plaintives ou joyeuses du shtetl.
Il confiera un jour :

« Chaque fois que je compose, je sens la voix du hazzan en moi. »

Ce dialogue entre héritage juif et modernité américaine marquera toute son œuvre.
En 1943, il doit remplacer au pied levé le célèbre chef Bruno Walter pour diriger l’Orchestre philarmonique de New York: le concert est retransmis à la radio et le fait connaître dans tout le pays.

Dès ses débuts de compositeur, Bernstein revendique son identité :
• La Symphonie “Jeremiah” (1942) porte la voix des Lamentations en hébreu. Elle exprime à la fois l’exil juif et les ombres de la Seconde Guerre mondiale.
• Dans le Kaddish (1963), composé à la mémoire du Président Kennedy assassiné, il ose s’adresser à Dieu avec défi, transformant la prière en une dispute presque talmudique :
« J’ai toujours voulu discuter avec Dieu. Le Kaddish est mon dialogue avec Lui, comme un fils qui crie vers son père. »

• Avec les Chichester Psalms (1965), il choisit l’hébreu au lieu du latin : un acte de fierté culturelle. On y entend des rythmes proches de la danse yiddish et des échos de jazz.

Même ses comédies musicales portent la marque de ses racines. Dans West Side Story, il projette l’expérience de l’exil, du déracinement et de la quête d’appartenance :

« West Side Story, ce n’est pas seulement les Sharks et les Jets. C’est moi, enfant d’immigrés, rêvant de trouver ma place en Amérique. »

Avec ses Young People’s Concerts, diffusés à la télévision, il devient un passeur. Son ton chaleureux, son humour, sa manière de poser des questions rappellent les maîtres juifs qui enseignent par le récit.
Lui-même le reconnaissait :

« J’ai appris à raconter la musique comme on raconte une histoire. C’est la tradition dans laquelle j’ai grandi. »

Bernstein entretient un lien profond avec Israël. En 1948, peu après la fondation de l’État, il dirige l’Orchestre philharmonique d’Israël dans des conditions difficiles, parfois en plein air, au milieu du désert. En 1967, pendant la guerre des Six Jours, il revient diriger à Jérusalem. Ces gestes ne sont pas que symboliques :

« Quand je dirige en Israël, je sens que je joue pour mes ancêtres. »

Mais il n’oubliait pas non plus la langue de son enfance. Le yiddish, disait-il, restait pour lui la langue de l’intime, de la tendresse, de l’humour. Ses inflexions se glissaient jusque dans ses mélodies.

Quand Leonard Bernstein meurt en 1990, il laisse l’image d’un musicien universel et profondément juif. Le petit garçon du shtetl transfiguré en Américain flamboyant n’a jamais coupé le fil de sa mémoire.

Sa vie, disait-il, fut un combat constant pour unir toutes ses voix intérieures :

« Je suis Américain, je suis musicien, je suis Juif. Et tout cela chante en moi en même temps. »

Léonard Bernstein meurt le 14 octobre 1990 à New York, à l’âge de 72 ans. Il laisse derrière lui un héritage musical immense.
Dans ses œuvres, la douleur du Kaddish rejoint la joie du klezmer, la mémoire de l’exil rencontre le rêve américain. Et son legs, aujourd’hui encore, témoigne de la force de la culture yiddish et juive à se réinventer et à parler à l’universel.